Suisse
Analyse

Pourquoi des multinationales fuient la Suisse

Analyse

Pourquoi des multinationales délaissent la Suisse

Ces dernières années, la Suisse peine à attirer de nouveaux sièges sociaux de multinationales. Les menaces qui pèsent sur la place économique du pays sont multiples - de l'impôt minimum à l'abandon des centrales nucléaires, en passant par l'UE.
25.07.2023, 07:11
Stefan Ehrbar / ch media
Plus de «Suisse»

Quiconque plante les crocs dans un cheeseburger de Burger King en Europe envoie une partie de son argent en Suisse: la société-mère RBI possède son siège européen à Zoug. Celui qui reçoit une injection de Moderna renforce le siège européen de Bâle. Et plus Google vend de publicités, plus le groupe américain emploie de collaborateurs à Zurich, son plus grand site en dehors des Etats-Unis.

Il ne s'agit là pas d'exemples isolés: l'économie suisse est plus internationale qu'aucune autre en Europe. Les multinationales d'origine suisse et étrangère sont essentielles à la prospérité. Si elles ne représentent que 5% des entreprises, elles emploient 26% des salariés. Elles contribuent à hauteur de 36% au produit intérieur brut (PIB) et à près de la moitié des recettes fiscales des entreprises au niveau fédéral.

Toutefois, la Suisse perd du terrain, comme le montre une nouvelle étude du cabinet de conseil Bearingpoint. Ces dernières années, la Suisse a moins réussi à attirer de nouveaux sièges sociaux que les Pays-Bas, le Luxembourg ou le Royaume-Uni.

Lorsqu'une entreprise décide de ne pas s'installer en Suisse, elle le fait rarement savoir activement. Tout juste peut-on citer le cas de l'équipementier outdoor Black Diamond, qui a déménagé en Autriche il y a quelques années. La Suisse n'a pas non plus eu de chance avec Apple: le groupe a récemment décidé d'ouvrir son centre européen de conception de puces à Munich.

L'implantation d'entreprises serait-elle en panne dans notre pays? Les auteurs esquissent plusieurs freins possibles:

La pénurie de main-d'oeuvre qualifiée

Le «Skill Shortage Index» d'Adecco montre que la pénurie de main-d'œuvre qualifiée s'accroît. De nouveaux modèles pourraient y remédier: les femmes font toujours défaut, en particulier dans les disciplines MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et techniques).

La démographie

Les nombreux baby-boomers partent à la retraite. En 2050, les plus de 65 ans représenteront 25,6% de la population suisse, contre 18,9% aujourd'hui. La part de la population en âge de travailler devrait passer de 61,2 à 55,1%.

«Cela aura un impact négatif non seulement sur les retraites, mais aussi sur les performances économiques et la prospérité»

Des stratégies sont nécessaires pour contrer ce phénomène.

Le manque de compétences numériques

La Suisse obtient de bons résultats dans les classements sur la compétitivité, mais elle n'occupe plus la première place. Dans le «World Digital Competitiveness Ranking», qui montre la capacité d'un pays à maîtriser la numérisation, la Suisse se place derrière le Danemark, Singapour et la Suède.

«Il y a donc un risque que la Suisse perde de son attractivité pour le marché technologique en pleine croissance», notent les spécialistes. Toutefois, les auteurs soulignent également que la Suisse reste en tête de nombreux classements portant sur le niveau de formation de la population active et l'attractivité d'un pays pour les talents étrangers.

Les avantages fiscaux

Depuis la crise financière de 2008, on compte de moins en moins de projets d'investissement d'entreprises étrangères en Suisse. L'année dernière, on en dénombrait 75 - contre 136 en 2006 -, ce qui, selon les chercheurs de Bearingpoint, s'explique aussi par le fait que la Suisse perd de son attractivité fiscale par rapport à d'autres pays.

L'impôt minimum de l'OCDE devrait accélérer cette tendance. La manière dont la Suisse réagit à cette situation est décisive, notamment lorsqu'il s'agit d'implanter des emplois pour la recherche et le développement. Des pays comme l'Irlande, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Espagne ou Singapour investissent beaucoup d'argent pour promouvoir des industries similaires.

Peu d'innovation

Les «clusters» actuels - c'est-à-dire les lieux où sont implantés de nombreuses entreprises et instituts de la même industrie, comme l'industrie pharmaceutique à Bâle - sont certes assurés, mais il n'y en a guère de nouveaux. L'innovation est limitée aux clusters existants. Les auteurs identifient également comme un problème le fait que la Suisse ne puisse plus participer au programme de recherche Horizon de l'UE.

La sécurité énergétique

L'infrastructure locale est certes toujours au top mais, selon les auteurs, il reste à savoir si la sécurité énergétique sera assurée avec l'arrêt prévu des centrales nucléaires.

Les problèmes avec l'UE

Grâce à son pouvoir d'achat et à la grande diversité de sa population, la Suisse sert de marché test à de nombreuses entreprises. Beaucoup d'incertitudes pèsent toutefois sur les relations avec notre principal partenaire commercial, l'Union européenne.

De nombreuses entreprises pourraient donc décider à l'avenir de s'installer dans l'UE. Une enquête récente menée auprès de responsables d'entreprises montre que beaucoup s'attendent à un accès plus difficile au marché européen.

Le franc suisse

Si le franc devient encore plus cher et que des avantages fiscaux disparaissent en même temps, les coûts d'un site suisse risquent de prendre l'ascenseur

Le marché du travail

La flexibilité du marché du travail local est un atout. Mais les nouvelles réglementations, comme les quotas pour les professionnels des pays tiers ou la bureaucratie liée à l'obtention des permis de travail, posent problème.

A quel point ces avertissements doivent-ils être pris au sérieux, compte tenu d'une économie en plein essor, d'un faible taux de chômage et d'une immigration importante? Les auteurs utilisent une image frappante pour répondre à cette question: si un crapaud est jeté dans de l'eau chaude, il sautera dehors. Cependant, si l'eau devient progressivement plus chaude, il ne le réalisera pas et mourra ébouillanté.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

L'incendie au-dessus de Bitsch, dans le Haut-Valais
1 / 14
L'incendie au-dessus de Bitsch, dans le Haut-Valais
source: sda / jean-christophe bott
partager sur Facebookpartager sur X
4 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
4
Les Genevois devraient payer moins d'impôts
A Genève, la classe moyenne devrait payer moins d'impôts. A la suite d'un excédent de 1,4 milliards, c'est ce qu'a décidé le Grand Conseil. La baisse moyenne est de 8,7%. Le peuple aura le dernier mot.

La majorité de droite du Grand Conseil genevois a accepté vendredi, par 65 oui et 32 non, un projet de loi pour les réduire les impôts. L'introduction du référendum obligatoire permettra au peuple d'avoir le dernier mot.

L’article