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Primes maladie: zoom sur les deux initiatives d'allègement

Primes maladies: 2 initiatives avec des risques et des effets secondaires.
Elisabeth Baume-Schneider doit défendre la position du Conseil fédéral sur les primes maladie.keystone/watson
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Primes maladies: deux options avec des risques et des effets secondaires

Les initiatives soumises au vote ce 9 juin visent à lutter contre la hausse des coûts de la santé. Leur efficacité est pourtant discutable et il risque bien d'y d'avoir des effets indésirables.
08.04.2024, 19:0214.05.2024, 14:17
Peter Blunschi
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Au début de l'année, la nouvelle cheffe du Département fédéral de l'intérieur (DFI), Elisabeth Baume-Schneider, a déjà dû affronter deux projets que le Conseil fédéral ne voulait pas: la 13e rente et la retraite à 66 ans. C'était le 3 mars. en s'en est sortie avec une victoire et une défaite. Ce 9 juin, trois autres suivront batailles l'attendent. Après la prévoyance vieillesse, c'est au tour de la politique de santé. Vendredi, elle a pris position sur trois initiatives populaires différentes.

Baume-Schneider a rapidement balayé l'initiative populaire «Pour la liberté et l'intégrité physique» lancée par les opposants aux mesures anti-Covid. Cette initiative s'oppose à l'obligation vaccinale, qui n'a jamais été un sujet sérieux, même pendant la pandémie. La conseillère fédérale a expédié son argumentaire en deux minutes environ, sans susciter de questions de la part des médias.

Un «placebo» et un «comprimé contre la douleur»

Les deux initiatives visant à lutter contre l'augmentation des coûts de la santé ont pris beaucoup plus de place.

  • Le Centre espère les maîtriser avec l'initiative sur le frein aux coûts.
  • L'initiative d'allègement des primes du PS – également appelée initiative 10% – veut, elle, réduire la charge que représentent les primes d'assurance maladie pour les ménages.
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Elisabeth Baume-Schneider et Lukas Engelberger lors de la conférence de presse de vendredi dernier.Image: keystone

Bien que l'initiative provienne du parti de Baume-Schneider, celle-ci la rejette au nom du Conseil fédéral, tout comme l'initiative du Centre. Selon elle, elles ne constituent pas la bonne recette contre la hausse des coûts.

Le conseiller d'Etat bâlois Lukas Engelberger (le Centre), président des directeurs cantonaux de la santé, a quant à lui qualifié le frein aux coûts de «placebo» et l'initiative du PS de «cachet anti-douleur trop cher».

La question des coûts

La Suisse a un système de santé coûteux. Pendant longtemps, il a été le deuxième plus cher au monde derrière les Etats-Unis. Mais ça a changé. Selon les calculs de l'OCDE, le système de santé suisse n'est plus «que» le sixième plus cher. Tous les pays voisins, à l'exception de l'Italie, dépensent davantage par rapport à leur produit intérieur brut.

Malgré tout, les coûts ne cessent d'augmenter, comme on a pu le constater l'automne dernier lors de l'annonce des primes pour 2024. Les responsables, pointés du doigt par Elisabeth Baume-Schneider, sont:

  • La démographie.
  • Les progrès de la médecine.
  • Les mauvaises incitations.
  • Les structures inefficaces.

Cette augmentation est directement ressentie par la population. Elle doit en assumer la charge en tant que payeur de primes (à environ 75%) et contribuable.

Ce système de primes par tête, en vigueur dans notre pays, pèse sur tout le monde de la même manière, qu'il s'agisse de personnes à bas revenus ou de gros salaires. C'est pourquoi il existe depuis bientôt 30 ans des réductions de primes.

Le frein aux coûts

L'initiative populaire du Centre veut s'attaquer à ce problème. Elle demande que les coûts de la santé n'augmentent pas beaucoup plus que les salaires moyens et l'économie dans son ensemble. Mais pour la conseillère fédérale Baume-Schneider, ce mécanisme est «trop rigide». Il ne tient compte ni du vieillissement de la population ni du progrès technologique.

Le problème est pourtant bien réel. C'est ce que montrent les calculs de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Selon ces chiffres, les coûts de santé de la population par habitant ont augmenté de 31% entre 2012 et 2022, pour atteindre 49 milliards de francs. Sur la même période, la croissance de l'économie globale a été de 10% et celle des salaires nominaux de 6% seulement.

Plusieurs milliards pourraient ainsi être économisés sans que la qualité n'en pâtisse, a reconnu la ministre de la Santé. Ainsi, le contre-projet indirect à l'initiative du Centre contient des objectifs de coûts et de qualité, mais les mesures prévues par le Conseil fédéral en cas de non-réalisation ont été supprimées par le Parlement sous la pression des «profiteurs».

Le Centre maintient donc son initiative, mais le risque existe que peu de choses changent, même en cas d'acceptation. Néanmoins, il est par exemple prévu que les acteurs du système de santé doivent justifier l'augmentation des coûts. Cette transparence pourrait avoir un effet modérateur sur les coûts, selon les représentants de l'OFSP.

L'allègement des primes

L'initiative du PS exige que chaque personne consacre au maximum 10% de son revenu disponible aux primes d'assurance maladie. Les familles de la classe moyenne devraient ainsi être soulagées. La conseillère fédérale socialiste a toutefois estimé que l'on ne s'attaquerait ainsi qu'aux symptômes et non aux causes de l'augmentation des coûts de la santé.

Selon les termes de Lukas Engelberger, il s'agirait d'une «thérapie de la douleur pure». Une thérapie de surcroît coûteuse. Car le calcul n'est pas simple selon l'OFSP. Les chiffres qui circulent dépendent fortement des paramètres de la prime et du revenu. A cela s'ajoute l'ampleur de l'augmentation des coûts, difficile à calculer.

La fourchette des coûts supplémentaires possibles est donc très large. Pour la Confédération, qui devrait prendre en charge les deux tiers des réductions de primes en cas d'acceptation de l'initiative, ils se situeraient entre six et neuf milliards de francs d'ici 2030, selon les calculs de l'OFSP. Pour les cantons, la facture se situerait entre 1,5 et 2,7 milliards de francs.

Mais à nouveau, le problème est pourtant bien réel. En 2010, près de 30 % des payeurs de primes bénéficiaient encore d'une réduction. En 2022, cette proportion est tombée à 26%. Cela s'explique notamment par le fait que les cantons utilisent les réductions de primes comme amortisseurs. Dans le même temps, la somme versée par personne est passée d'environ 1700 à près de 2400 francs par an.

Et c'est là qu'intervient le contre-projet indirect. Les cantons faisant face à des coûts de santé élevés devraient payer plus que les cantons avec des coûts bas. Il en résulterait une incitation à freiner la croissance des coûts, a déclaré Elisabeth Baume-Schneider. Pas convaincu, le PS décide de maintenir son initiative.

Une acceptation pourrait toutefois déclencher deux effets secondaires potentiellement importants:

  • Un plafond de primes pourrait inciter les assurés à opter pour un modèle avec une franchise basse et le libre choix du médecin.
  • La conscience des coûts risque de diminuer. L'initiative deviendrait ainsi contre-productive.

Les coûts supplémentaires, pouvant atteindre 11,7 milliards de francs pour la Confédération et les cantons d'ici 2030, rendraient inévitables des hausses d'impôts. Le comité du non a mis en garde vendredi contre ces coûts supplémentaires pouvant atteindre 1200 francs par ménage.

Le calcul semble assez arbitraire, mais cet effet relativise l'allègement possible des primes. Sans compter qu'à cela s'ajoute les coûts supplémentaires à prévoir pour la 13ᵉ rente AVS en raison de déductions salariales plus élevées et/ou de la TVA.

Ainsi, si l'initiative sur le frein aux coûts et celle sur l'allègement des primes s'adressent à un problème réel, elles sont toutes deux liées à des risques potentiels et à des effets secondaires.

(Traduit de l'allemand par Barnabé Fournier)

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