La célèbre banque genevoise Reyl est visée par une enquête menée par Le Monde, 24 Heures, La Tribune de Genève et d'autres partenaires internationaux. Elle a hébergé pendant des années les avoirs de clients à haut risque, notamment issus de régimes autoritaires ou proches du Kremlin. Même après le début de la guerre contre l'Ukraine.
Dans ce contexte, l’ancienne conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold, administratrice de la banque pendant huit ans, est mise en cause pour son rôle passif.
Parmi les clients concernés figurent plusieurs personnalités exposées ou issues d’environnements à haut risque, relève Le Monde notamment:
Face à cette accumulation de cas sensibles, l’Autorité suisse de surveillance des marchés financiers (Finma) a ouvert plusieurs enquêtes au fil des ans, pointant des «faiblesses majeures» et une «appétence au risque très élevée» dans la gestion de Reyl.
A la tête de la banque familiale pendant seize ans, François Reyl a concentré beaucoup de pouvoir. Directeur général jusqu’en mars 2024, il cumulait également la gestion personnelle de 228 clients, pesant environ 1,2 milliard de francs d’actifs, tout en siégeant au comité d’acceptation des clients.
Pour la Finma, cette double casquette constituait un risque clair de conflit d’intérêts. L’autorité a pointé un manque de contre-pouvoirs internes, soulignant une gouvernance qui laissait trop de place aux impératifs commerciaux. Ce modèle a permis l’entrée de clients à haut risque – listés ci-dessus –, parfois contre l’avis du service conformité. En 2023, la Finma a demandé à la banque d’«analyser les causes profondes» de ce déséquilibre. Bien qu’écarté de la direction opérationnelle, François Reyl siège désormais au conseil d’administration.
L’ex-conseillère fédérale Ruth Metzler-Arnold, administratrice de Reyl de 2016 à 2023, est aujourd’hui critiquée pour son rôle. A partir de 2021, elle siégeait au comité de gouvernance, chargé de superviser les pratiques de la banque. Dans ce contexte, elle n’a pas empêché l’acceptation de profils problématiques, malgré des signaux d’alerte répétés. Contactée, elle invoque ses engagements de confidentialité.
Pour Monika Roth, spécialiste de la compliance (conformité) bancaire et citée par nos confrères de 24 Heures et de La Tribune de Genève, la responsabilité morale de l’ancienne ministre est engagée. Il n'est pas compréhensible que les responsables de la banque n’aient pas tenu compte du pouvoir de François Reyl. «C’était le devoir du conseil d’administration de le contrecarrer», estime-t-elle. Dans ce contexte, la responsabilité de Ruth Metzler-Arnold ne peut être ignorée.
Juriste, experte-comptable et ancienne conseillère fédérale, elle disposait, selon l'experte, des compétences et de l’autorité nécessaires pour imposer un changement. Son inertie, dans un contexte de graves manquements, soulève donc des questions à propos de celle qui est la nouvelle présidente de Swiss Olympic.
La banque Reyl a refusé de répondre aux questions des journalistes. Par l’intermédiaire de ses avocats, elle a estimé que les informations révélées avaient été obtenues de manière illégale et a brandi l’article 47 de la loi bancaire suisse, qui protège strictement le secret bancaire. Le 7 avril 2025, la banque a confirmé avoir déposé une plainte contre X auprès des autorités helvétiques pour violation du secret bancaire.
Le statut actuel des enquêtes menées par la Finma reste confidentiel. L’autorité de surveillance refuse tout commentaire, mais Reyl demeure sous haute surveillance.(jah)