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Cette star suisse grimpe l'Everest au lieu de payer ses dettes

Cette star suisse de la crypto grimpe l'Everest au lieu de payer ses dettes

L'enfant réfugié devenu millionnaire fait à nouveau parler de lui. Dadvan Yousuf doit payer des dettes, mais à la place de son rendez-vous à l'office des poursuites, ce pro de la crypto a préféré un autre plan.
21.04.2024, 22:0321.04.2024, 22:03
Pascal Ritter / ch media
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Dadvan Yousuf est un personnage haut en couleur. En discutant avec lui, on pense avoir affaire à un jeune entrepreneur honnête qui s'est fait avoir à ses dépens. Si l'on s'entretient avec ses anciens partenaires commerciaux en revanche, le portrait devient celui d'un bluffeur effronté. Comment démêler le vrai du faux? Quoi qu'il en soit, l'histoire du «prodige de la crypto» a connu un énième rebondissement.

Arrivé en Suisse comme réfugié, Yousuf s'est fait connaître en 2021 pour avoir résidé pendant des mois au Grand Hôtel Dolder, s'être fait conduire en limousine par un chauffeur et avoir donné des conférences sur les cryptomonnaies devant des entrepreneurs. Il a présenté dans des interviews sa fondation Dohrnii, destinée à la formation dans le domaine des cryptomonnaies. Il en a également lancé une, du même nom.

Dadvan Yousuf, à Zurich, le 3 novembre 2021.
Dadvan Yousuf, à Zurich, le 3 novembre 2021.Image: Alex Spichale

La manière dont il a obtenu l'argent pour ses trajets en limousine, ses nuits dans un hôtel de luxe et plus tard son appartement à Zurich Bellevue se raconte aujourd'hui comme une histoire rocambolesque. On y apprend qu'à l'âge de onze ans, il vendait des jouets dans la rue et investissait ses bénéfices dans des crypto-monnaies. Comme leur valeur a explosé et qu'il a su placer habilement ses fonds, il est devenu multimillionnaire.

Aujourd'hui, presque plus personne ne croit à cette épopée. Notamment parce que des incohérences ont été révélées, que l'autorité de surveillance des marchés financiers a dissolu sa fondation et que les procureurs ont commencé à enquêter sur lui.

Mais alors, comment a-t-il pu obtenir autant d'argent? Pour l'instant, personne n'a apporté de réponse claire à cette question. Et Yousuf lui-même est parvenu à démentir un grand nombre de ces bizarreries.

Saisies dans son pays d'origine

Tout a commencé à Ipsach, dans le canton de Berne, où cet enfant d'une famille kurde irakienne, a passé une partie de son enfance. C'est à Bienne, non loin de là, que se déroule actuellement le dernier chapitre de la saga.

Mardi dernier, le jour de ses 24 ans, il est convoqué à l'office des poursuites de Bienne. Un rendez-vous pour une saisie. Un investisseur zurichois lui réclame environ 5000 francs. Une somme qui correspond presque quasiment à des frais annexes pour le recouvrement d'un montant plus important. Il s'agit de rembourser les frais de justice et de procédure avancés, les intérêts et les frais de poste d'une sommation recommandée.

Le lendemain, l'office des poursuites du Seeland publie un avis de saisie. Il en ressort que Yousuf doit payer à l'entrepreneur zurichois 38 000 francs au titre d'avoirs issus d'un «Termination Agreement». Une start-up informatique de l'Emmental réclame 66 000 francs supplémentaires pour des «travaux de développement de logiciels».

L'affaire n'est pas encore entrée en force. Yousuf rejette la demande venue d'Emmental par une action en constatation négative de droit. Le tribunal compétent doit maintenant vérifier si les exigences de la start-up sont justifiées. Yousuf s'impose cette procédure parce qu'il a omis de faire opposition à temps à la poursuite. Tant que le tribunal n'a pas rendu sa décision, aucune saisie ne peut avoir lieu.

Toutefois, la créance de 38 000 francs de l'investisseur zurichois sera, elle, saisie. Si Yousuf ne dépose pas de plainte auprès de l'autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite et de faillite dans les prochains jours, le montant deviendra exigible.

Yousuf avait annoncé être disposé à s'entendre avec le lésé et à effacer la majeure partie de ses dettes. Cela n'a manifestement pas été le cas. Le jeune bernois rejette la faute sur son ancien partenaire d'affaires, qui aurait refusé une offre. Ce dernier voit les choses différemment et accuse Yousuf de ne pas avoir tenu parole.

De l'argent de la Banque Sarasin

Pendant longtemps, on a douté du fait que les créanciers obtiendraient plus qu'une reconnaissance de dette en cas de succès. Mais ils peuvent recommencer à espérer. La décision de justice détaille comment les autorités envisagent de rembourser les créanciers. Apparemment, elles ont accès à 75 000 francs déposés sur un compte auprès de la banque privée J. Safra Sarasin. On ignorait jusqu'à présent que Yousuf était client de ce noble établissement.

Davdan Yousuf entretenait, sur Instagram, une image de globe-trotter.
Davdan Yousuf entretenait, sur Instagram, une image de globe-trotter.Image: instagram

Certes, cela ne suffit pas à couvrir tous les montants réclamés. S'ils obtiennent gain de cause, les créanciers peuvent toutefois s'attendre à recevoir une somme proportionnelle. Mais pourquoi les autorités n'ont-elles pas accès à des montants plus conséquents? Yousuf ne crie-t-il pas à qui veut l'entendre qu'il est toujours multimillionnaire?

Quand nous le recontactons, Yousuf répond ne posséder qu'un compte bancaire, bloqué depuis environ trois ans. Il explique ne plus en utiliser d'autres et vivre de et avec le bitcoin comme unique moyen de paiement et d'investissement. Pour les autorités, accéder à cette manne n'eest pas être aussi simple que de bloquer des comptes traditionnels. Les avoirs se trouvent dans des porte-monnaie virtuels, appelés crypto-portefeuilles.

Yousuf sur le chemin de l'Everest

Dans les procédures de saisie, les débiteurs doivent se présenter personnellement à l'office des poursuites ou se faire représenter. Yousuf, dont le lieu de séjour est inconnu selon la feuille officielle, ne s'est pas rendu à Bienne le jour de son anniversaire ni lors de rendez-vous précédents. Il est parti pour une toute autre mission...

Par e-mail, Yousuf nous indique qu'il se trouve actuellement à Dingboche, un village népalais situé à 4340 mètres d'altitude, à proximité de l'Everest, le toit du monde. Il envoie des photos le présentant avec des enfants dans une école monastique. Sur un autre cliché, il fait le signe de la victoire avec les mains. En arrière-plan, on aperçoit de hautes montagnes.

Davdan Youyuf prétend être près de l'Everest.
Davdan Youyuf prétend être près de l'Everest.Image: DR

Son projet serait d'escalader l'Everest et d'y hisser un drapeau bitcoin. Il a également emporté un drapeau kurde dans ses bagages:

«Je ne sais pas si j'y arriverai vraiment. J'aimerais au moins, par ce voyage, attirer l'attention sur les inégalités mondiales en matière d'accès à l'éducation financière»

Yousuf se sent discriminé par les autorités et les médias. Concernant les procédures de saisie, il déclare: «Je n'ai rien à faire d'un acte de défaut de biens. Pas question que je paie si je ne suis pas d'accord ou si je me sens clairement traité injustement».

Reste à savoir qui a subi le plus d'injustices dans cette affaire, de quoi occuper très probablement les tribunaux encore un moment. Une procédure est ouverte auprès du ministère public bernois. Elle vise à déterminer si Yousuf est parvenu à convaincre des investisseurs d'acheter sa propre cryptomonnaie à l'aide de médias nationaux et internationaux ainsi que lors d'apparitions publiques. Le tout sans en avoir forcément l'intention de mener à bien les projets qu'il a présentés.

Une partie d'entre eux, dont une application ludique, a bel et bien été créée. Sa cryptomonnaie existe également. Mais sa valeur est en chute libre. Dadvan Yousuf reste un personnage haut en couleur.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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