Parmi les conseillers nationaux et les conseillers aux Etats, nombreux sont ceux qui estiment que la sécurité est une priorité. D'après eux, la dégradation de la situation sécuritaire en Europe doit conduire la Suisse à rapidement devenir capable de se défendre. C'est pour cette raison qu'ils veulent dépenser plus d'argent pour l'armée.
Le plan du Conseil fédéral prévoit qu'une somme équivalente à 1% du produit intérieur brut – soit environ 9 milliards de francs – soit dépensée d'ici 2035. Le Parlement s'est aligné sur ce cap fin 2023.
La ministre de la Défense, Viola Amherd, souhaite, toutefois, atteindre 1% du produit intérieur dès 2030. Elle envisage la création d'un fonds spécial qui serait alimenté par dix milliards de francs. Le prêt de la Trésorerie fédérale devrait être remboursé par l'armée d'ici à 2045.
Les collègues de la conseillère fédérale au gouvernement ne veulent pas entendre parler d'un tel fonds. Le conseiller national Martin Candinas (Centre/GR) a soumis la proposition à la commission compétente et a obtenu une majorité. Mais cette dernière a ensuite rejeté l'ensemble du plafond de dépenses de l'armée. L'approbation du fonds n'avait donc aucune valeur.
Le fonds est l'un des trois modèles possibles pour obtenir plus d'argent pour l'armée, mais il est peu probable que ce plan soit mis en œuvre. En effet, les parlementaires bourgeois critiquent le fait que le fonds ne soit pas compatible avec le frein à l'endettement.
La deuxième idée est un peu mieux établie: le conseiller aux Etats Benedikt Würth (Centre/SG) demande dans une motion que la TVA soit augmentée de 1% pour une durée de cinq ans. Les recettes seraient affectées à une montée en puissance plus rapide de l'armée et au financement de la 13e rente AVS.
Cette semaine, l'organisation faîtière de l'économie Economiesuisse s'est prononcée en faveur de cette proposition. La motion a été signée non seulement par des conseillers aux Etats du Centre, mais aussi par des PLR, des socialistes et la Vert'libérale Tiana Moser.
Et si le PLR est, en réalité, opposé à une augmentation de la TVA, plusieurs parlementaires de ce parti estiment qu'il est important que la Suisse soit bientôt prête à se défendre.
Le Conseil fédéral s'est, toutefois, prononcé contre la motion Benedikt Würth, mais il l'a fait avec une telle douceur que le rejet se lit comme une approbation. «Le frein à l'endettement est respecté», écrit le gouvernement. «Si le Parlement souhaite augmenter plus rapidement les dépenses de l'armée, un financement par le biais de la TVA serait une solution possible du point de vue du Conseil fédéral».
Au Conseil des Etats, Benedikt Würth pourrait faire passer sa proposition. Au Conseil national, en revanche, les choses ne se présentent pas bien. L'UDC et le PS sont fortement représentés – et tous deux ne veulent pas augmenter la TVA en faveur de la défense nationale.
Reste la troisième variante. La commission des finances du Conseil national a retravaillé une proposition du Conseil des Etats qui vise à faire des économies. Il est prévu de dépenser moins d'argent pour la coopération internationale, l'armée doit économiser des moyens en «augmentant son efficacité», la Confédération doit réduire les dépenses pour le personnel, et la part du produit de l'impôt fédéral qui revient aux cantons doit être réduite.
Ce dernier point ne fait pas rire certains conseillers aux Etats. La défense nationale est une tâche de la Confédération, soulignent-ils. Il est hors de question de prendre de l'argent aux cantons pour alimenter l'armée.
Néanmoins, plusieurs parlementaires sont convaincus qu'une modification de cette approche pourrait mener au but. Il faudrait peut-être supprimer un élément et en ajouter un autre. Des discussions sont en cours pour savoir comment rendre le projet de la Commission des finances susceptible de recueillir une majorité.
Reste à savoir si cela sera possible. Un groupe de travail du Département des finances vient de présenter des propositions d'économies dans différents domaines. La menace d'un déficit du budget fédéral devrait ainsi être écartée. Décider de dépenses supplémentaires pour l'armée à une époque où l'on économise — c'est difficile. La gauche ne participe pas, les conservateurs ne sont pas d'accord sur la manière de procéder. Il se peut que l'on ne soit pas plus avancé à la fin de l'année.
Traduit et adapté par Noëline Flippe