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Pourquoi l'armée suisse a acheté des drones inadaptés à Israël

Les drones israéliens de l'armée suisse font polémique.
Les drones israéliens de l'armée suisse font polémique.Image: KEYSTONE

Pourquoi l'armée suisse a acheté des drones israéliens inadaptés

Le Contrôle fédéral des finances (CDF) a publié un rapport à charge concernant l'acquisition de nouveaux drones de reconnaissance. Le chef de l'armement Urs Loher répond aux accusations.
23.01.2025, 11:59
Benjamin Rosch / ch media
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La publication mercredi soir de trois rapports cinglants du Contrôle fédéral des finances (CDF) sur des projets phares du Département de la défense (DDPS) a fait l'effet d'un tremblement de terre.

Le matin même, Urs Loher, chef de l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse), expliquait les tenants et aboutissants des trois textes et répondait aux accusations qu'ils contiennent.

Pour un rappel des faits, c'est par ici 👇:

De quoi s'agit-il?

De trois projets: un réseau de communication sécurisé pour les infrastructures critiques en temps de crise (SDVN+), une plateforme de numérisation de l'armée (NDP) et de nouveaux drones de reconnaissance en provenance d'Israël. Ce sont surtout ces derniers qui font beaucoup parler d'eux.

Urs Loher, directeur d'Armasuisse
Urs Loher, chef de l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse)Image: KEYSTONE

Pourquoi?

Le système de reconnaissance ADS15 est une histoire pénible. En 2008, Armasuisse a lancé l'acquisition de drones sans pilote de type Hermes 900. Une mise en service était prévue pour 2020, mais il faudra désormais attendre au moins 2029 pour que les drones volent réellement. Aujourd'hui encore, seuls cinq des six drones ont été livrés, aucun n'est opérationnel. Actuellement, ils sont de nouveau immobilisés suite à un incident survenu en Inde avec un Hermes 900.

Quelles sont les critiques du CDF?

Pour être plus précis, il faudrait se demander ce que le CDF critique cette fois-ci. Dans deux rapports déjà, les contrôleurs financiers ont constaté des lacunes flagrantes dans cette acquisition. La Suisse a commandé au fabricant israélien Elbit un drone qui peut être utilisé aussi bien pour des tâches civiles (par exemple pour la protection des frontières) qu'à des fins militaires. La pièce maîtresse est une fonction appelée DAA, qui signifie «detect and avoid» (détecter et éviter). Le drone doit détecter et éviter de lui-même d'autres objets volants. Cela fonctionne dans un espace aérien militaire contrôlé. Mais dans un espace aérien civil avec de petits engins volants comme des deltaplanes ou des planeurs, il n'existe aucun système au monde qui réponde à ces exigences. C'est justement Ruag MRO, en pleine crise, qui devait le développer. La Suisse n'a donc pas seulement commandé un tout nouveau drone, mais aussi un «Swiss Finish» qui devait révolutionner l'aviation.

Est-ce le seul problème?

Non. La Suisse a également exigé l'installation d'un moteur diesel, d'un système d'atterrissage indépendant du GPS et d'un système de dégivrage. Car en Israël, le drone est surtout utilisé au-dessus de zones désertiques. Le rapport du CDF contient cette phrase remarquable: «Le projet a acquis le caractère d'un projet de développement». En d'autres termes, rien ne fonctionne encore. Dans ce contexte, le Contrôle des finances craint de nouveaux retards et surtout des surcoûts d'une ampleur insoupçonnée, car les drones sans pilote doivent être accompagnés dans la réalité par des avions pilotés.

Et qu'en pense Armasuisse?

Armasuisse reconnaît largement que le projet a dérapé et fait le voeu d'acheter à l'avenir davantage de matériel standardisé. Il est «exact et incontesté qu'il est urgent d'agir dans ce projet», déclare le chef de l'armement Urs Loher. C'est pourquoi le poste pour une gestion des risques externe sera également repourvu.

Mais?

Parallèlement, Armasuisse contredit le CDF sur des points centraux. Loher estime que le développement technique sera terminé en 2026 et que la certification aura lieu en 2029. Il ne prévoit pas de dépenses supplémentaires au plafond décidé par le Parlement. En novembre 2024, Ruag et Armasuisse sont parvenus à un accord commercial: le projet DAA se poursuivra comme prévu, sans que la Confédération n'ait à supporter de coûts supplémentaires. L'acquisition devrait donc coûter 300 millions de francs, soit 50 millions de plus que ce qui était prévu en 2008. Loher exclut toute interruption du projet.

Qu'en est-il du drone restant?

La Suisse l'attend toujours. La livraison progressive est également un point de discorde entre le Contrôle des finances et Armasuisse. Les contrôleurs critiquent le fait que la Suisse doive attendre la livraison partielle d'un drone qui n'est pas encore pleinement opérationnel. Armasuisse rétorque que cela a permis à la Suisse d'acquérir de l'expérience avec le drone - et de constater ainsi des défauts supplémentaires.

La situation au Proche-Orient a-t-elle eu une influence sur la livraison?

Oui, très concrètement, mais aussi de manière générale. La situation sécuritaire depuis le début de la guerre de Gaza a compliqué la collaboration entre la Suisse et l'entreprise Elbit. Mais entre-temps, Loher parle aussi d'une approche fondamentalement différente entre la Suisse et Israël: Israël, qui est exposé à une situation de menace permanente, aurait une toute autre exigence de qualité pour un nouveau matériel de guerre. Ce qui est utile sera bientôt utilisé. La Suisse, en revanche, planifie à d'autres horizons - et insiste sur des détails réglementaires.

Toutes ces accusations sont-elles surprenantes?

Non. Depuis 2015, des experts affirment qu'obtenir une autorisation pour un tel modèle serait très difficile. Le Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA) avait alors souligné qu’au moment de l’introduction d’un tel drone, le développement serait déjà plus avancé ailleurs. Beaucoup d’éléments montrent que c’est précisément ce scénario qui est en train de se produire.

Qu'en est-il des deux autres projets?

Sur le plan du contenu, le contrôle financier estime que le réseau de communication et la plateforme de numérisation sont en bonne voie. Toutefois, des dépassements de coûts et des retards se profilent pour les deux. Il s'agit maintenant d'analyser la nature exacte de ces retards.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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