«Ils n'ont rien contre moi, ils veulent juste me faire porter le chapeau. "Cerveau d'un trafic de faux passes sanitaires français", comme si je n'avais que ça à faire!» Ruben Ramchurn, vice-président de la section yverdonnoise de l'UDC, est en colère. Le trublion est notamment connu pour son sens de la provocation. Il a, par exemple, interrompu il y a quelques semaines une séance des militants de Renovate Switzerland, musique à fond et menaçant de se coller la main sur place.
Début de l'apéro à la conférence de @Renovate_CH. Malgré un choix musical qui aurait du leur plaire, ils ont préféré changer de salle. On les a suivi.@xrSuisse @xrlausanne @3M @GGrimalda @ScientistRebel1 @Porsche #OccupyRenovate #arnaquedelacolle #gardesverts #BellaCiao #Pattex pic.twitter.com/xl0pbaSt60
— Ruben Ramchurn (@RubenRamchurn) October 28, 2022
C'est, selon lui, à cause de sa «grande gueule» qu'on aurait envie de le faire taire, quitte à le «mêler injustement à une histoire de faux certificats Covid», notamment.
Le 8 juillet dernier, son appartement est fouillé par des policiers. «S'il y avait quelque chose à trouver, ils l'auraient trouvé! Ils sont venus à huit.»
Il le dit volontiers lui-même. Chez lui, la police a découvert un pass sanitaire français à son nom: «Un ami en avait commandé quelques-uns en France, il en a déposé un dans ma boîte aux lettres. Je ne l'ai jamais utilisé, puisque j'en avais un vrai. Cet ami a avoué... Mais la police a décidé que j'étais coupable».
L'ami en question, Christophe Loperetti, lui aussi encarté à l'UDC après un passage chez les Vert'libéraux et le Parti socialiste, nous le confirme:
Un «service» qui, selon ses dires, pourrait le mener jusqu'à une peine de prison ferme. «Le jugement n'a pas encore été rendu, mais c'est ce qu'on m'a dit: six mois de prison ferme», soupire Christophe Loperetti.
Contactée au sujet de Ruben Ramchurn, la Police cantonale vaudoise nous renvoie au Ministère public, qui confirme qu’une instruction pénale est en cours, «raison pour laquelle il ne s'exprimera pas sur ce sujet».
Selon le principal intéressé, cette affaire est «une cabale, menée par un policier qui veut ma tête.» Son ami abonde: «il y a un policier qui en a fait une affaire personnelle», assure Christophe Loperetti. Ruben Ramchurn a déposé une plainte contre X pour dénonciations calomnieuses et réfléchit à en déposer une autre pour le même motif, directement contre le policier.
Selon des documents que nous avons pu consulter, la mention d'un Ruben figure bien dans le dossier, mais sans nom de famille.
Pour l'avocat de Ruben Ramchurn, le conseiller national UDC Jean-Luc Addor, les autorités veulent «se faire Ramchurn», puisqu'il était déjà dans leur collimateur. «On le persécute pour en faire un exemple». Et d'expliquer que les autorités veulent ainsi s'assurer que personne ne contestera à l'avenir d'éventuelles décisions. «Si un jour, pour un autre virus, on nous remet des mesures liberticides, personne ne doit oser résister. Il faut que les opposants aient peur, d'où ces moyens disproportionnés contre Ruben Ramchurn». Selon le magistrat, il s'agit d'un procès avant tout politique:
La police a interrogé plusieurs personnes au sujet du trafic de passes Covid supposé de Ruben Ramchurn. «La plupart d'entre eux, je ne les connais même pas», se défend-il. L'Yverdonnois nous indique par ailleurs que durant la période où ces faux passes auraient été délivrés, il ne se trouvait pas en Suisse.
Lors de la perquisition chez l'élu, qui reconnaît ne pas avoir été «très tendre avec eux», les policiers auraient embarqué, entre autres, un ordinateur potable, de vieux téléphones, quelques clés USB. Des appareils dans lesquels, selon l'Yverdonnois, les autorités espèrent trouver aussi des éléments attestant de la tenue de fêtes durant la pandémie et du trafic de drogue dont on l'accuse. Pour l'avocat, il n'y a «pas l'ombre d'une preuve» que son client soit impliqué dans un trafic de stupéfiants.
Des perquisitions qui représenteraient «des dizaines de milliers de francs de frais» selon l'Yverdonnois, qui a demandé à ce que ses affaires soient placées sous scellé. Il refuse également que le policier qu'il accuse de «vouloir sa tête» se charge de perquisitionner son ordinateur, dans lequel se trouvent des affaires privées, mais aussi des documents liés à son travail d'élu et à son ancien emploi de directeur d'EMS.
Pour Ruben Ramchurn, il y a par ailleurs une violation de procédure. «Dans le PV, ils ont écrit qu'ils n'avaient rien trouvé dans mon journal d'appels, or mes affaires étaient censées être sous scellé.» L'avocat de poursuivre, sans confirmer ou infirmer la violation de procédure à ce stade: «On n'est pas sûr que tout ait été fait avec le professionnalisme voulu. Une chose semble sûre, avant la mise sous scellé, le policier a examiné le téléphone. Et c’est vrai que ce n’est pas très correct», explique Jean-Luc Addor.
Suite à un entretien au Tribunal des mesures de contrainte et d'application des peines, le 8 novembre dernier, l'Yverdonnois et son avocat ont autorisé la levée des scellés... sur les embouts USB uniquement.
Le Vaudois est au cœur d'un autre feuilleton lié à la crise sanitaire. En juin 2021, Ruben Ramchurn avait été condamné à une amende de 3000 francs pour non-respect des mesures sanitaires, en l'occurrence une quarantaine ordonnée en février de la même année. «Ça fait mal au cœur de se dire qu’il y a des procédures qui n’avancent pas, et que de l’autre côté, il y a des affaires comme celle-là qui vont vite "pour l’exemple"», soupire l'avocat.
Une condamnation confirmée par le Tribunal d'arrondissement du Nord vaudois en novembre 2021 après un recours de l'élu, bien que son amende ait été réduite à 1000 francs. Mais le Ministère public, lui, avait décidé de faire appel, et l'élu de contre-attaquer cet appel. L'affaire est maintenant portée devant le Tribunal fédéral. Pour l'heure, aucune date n'a été fixée.