Quand des personnes se suicident sur les voies ferrées, c'est non seulement tragique, mais aussi un événement traumatisant – pour les proches, les témoins involontaires, le personnel des CFF ou les membres des services d'urgence. Pour réduire au maximum le nombre de suicides, les entreprises de transports publics cherchent à prévenir des actes similaires par une communication discrète.
En effet, plus il est fait mention de ces cas, plus d'autres sont commis. C'est ce que l'on appelle l'effet Werther, qui est bien documenté scientifiquement. Il tire son nom d'une supposée vague de suicides peu de temps après la publication du roman de Goethe, «Les Souffrances du jeune Werther», en 1774.
Depuis 2015, le fait qu'un train soit retardé ou annulé en raison d'un «accident de personne» – le terme utilisé par les transports publics pour désigner un suicide – est communiqué dans les gares et le train directement concerné ainsi que dans d'autres trains affectés.
Les CFF, principale compagnie ferroviaire du pays, sont les plus touchés par ce type d'incident et ont décidé d'agir. C'est en effet, ce qu'il ressort des procès-verbaux de la «Commission nationale information à la clientèle». Cette dernière réunit des représentants du secteur des transports publics pour définir des normes en matière d'information aux clients.
Comme il ressort du procès-verbal récemment publié de la réunion du 28 février de cette année, les CFF ont d'abord discuté d'indiquer la mention «personnes accidentées» plus fréquemment. «Cette modification vise à montrer de manière transparente à la clientèle que les perturbations causées par un accident de personne ne sont pas imputables aux entreprises ferroviaires», peut-on lire dans le procès-verbal. En d'autres termes, le but était que les clients ne blâment pas les CFF pour les retards de ces trains.
Cependant, la proposition a été débattue à nouveau au sein d'un groupe de travail, où figuraient notamment des experts en prévention du suicide. Ces derniers ont proposé une nouvelle formulation qui aurait un effet neutre sur les actes d'imitation et qui «ne suscite pas d'incertitudes chez les clients». Désormais, en cas de perturbations dues à des suicides, la raison invoquée sera désignée comme «événement lié à une cause externe». Le motif «accident de personne» ne sera désormais communiqué qu'à bord du train directement concerné et n’apparaîtra plus sur les panneaux d’affichage ni dans les annonces vocales dans les gares.
Cette nouvelle formulation ne sera pas seulement utilisée pour les suicides, mais aussi pour les raisons de perturbation qui sont actuellement communiquées séparément, telles que:
Cela vise à éviter que les voyageurs n'associent automatiquement un «événement impliquant une tierce personne» à un suicide.
L'ancienne régie fédérale précise que les accidents de personne ne représentent «qu'une minorité des événements». En dehors du monde ferroviaire – par exemple, dans les bus ou les tramways – le terme «événement externe» sera utilisé pour toutes les perturbations qui se situent en dehors de la sphère d'influence des compagnies de transport.
Avec cette nouvelle réglementation, les actes «par mimétisme» devraient être évités autant que possible, déclare le porte-parole des CFF, Bas Vogler.
La nouvelle règle devrait être mise en œuvre à partir de juillet de cette année. Après deux à trois ans, le secteur des transports examinera si le changement en valait la peine. A cette fin, un système de suivi a été mis en place. Cela permettra de déterminer «si la nouvelle réglementation entraîne effectivement une dilution de l'information vers l'extérieur».
Si tel n'est pas le cas, c'est-à-dire si l'information «événement lié à une cause externe» est généralement interprétée comme un accident de personne par le public, on reviendra sur cette proposition dans deux à trois ans», indique le procès-verbal.
Traduit et adapté par Noëline Flippe