Un conseiller fédéral dirige-t-il son département ou est-il dirigé par son administration? La réponse à cette question en dit long sur la force des magistrats. Dans le cas d'Albert Rösti, cela ne fait aucun doute: le conseiller fédéral UDC tient fermement en main le Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, le Detec, qu'il a repris début 2023 de la conseillère fédérale socialiste Simonetta Sommaruga. Et il le dirige fermement sur la voie de l'UDC.
Plusieurs domaines mettent cela en évidence. Sa chasse sauvage au loup, qui doit permettre de réduire à douze le nombre de meutes de ce prédateur dans toute la Suisse, aurait été impensable sous Simonetta Sommaruga. L'extension des autoroutes est également importante pour Albert Rösti. Et le dernier coup de force de cette semaine est le revirement de la politique nucléaire: l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires, décidée par le peuple récemment (en 2017), devrait être supprimée.
On peut en tirer deux conclusions. Premièrement, les décisions du peuple ne sont sacrées pour Albert Rösti que si elles vont dans son sens, comme le développement de l'énergie hydraulique. Si elles ne lui conviennent pas, comme la sortie du nucléaire, il n'hésite pas à attaquer frontalement la décision des urnes à la première occasion qui lui est présentée.
Deuxième constatation: le pouvoir d'Albert Rösti ne se limite pas à son département. Le Bernois exerce également une grande influence sur l'ensemble du Conseil fédéral. En effet, il forme actuellement le duo de direction informel avec la ministre des Finances et conseillère fédérale PLR Karin Keller-Sutter. Avec ses collègues de parti Guy Parmelin (UDC) et Ignazio Cassis (PLR), cette majorité bourgeoise de droite donne le ton lorsque les choses se corsent – comme mercredi lors de la décision sur le nucléaire.
A gauche, il manque un contrepoids avec la force de frappe d'Alain Berset. Après son passage au département de l'Intérieur, Elisabeth Baume-Schneider est désormais entièrement occupée par les campagnes de votation en matière de politique sociale et de santé; elle n'a pas assez de temps pour faire plus. Le nouvel élu Beat Jans cherche encore un peu sa place, et son département de la justice offre relativement peu de possibilités d'organisation.
Que signifie cette constellation pour l'avenir? C'est ici que l'on se penche sur le dossier le plus important, à savoir les futures relations avec l'UE. En effet, Albert Rösti a également un rôle important à jouer dans ce domaine. En tant que ministre des Transports, les négociations sur la libéralisation du trafic ferroviaire relèvent de sa compétence. Et en tant que ministre de l'Energie, il est responsable des négociations sur un accord énergétique.
Les deux dossiers ont le potentiel de faire échouer tout le paquet des accords bilatéraux renouvelés. L'UDC dit de toute façon non au rapprochement avec l'UE. Et dans les domaines de l'énergie et des chemins de fer, les syndicats de gauche devraient également dire deux fois non aux libéralisations. Cela donne à Albert Rösti de nombreuses possibilités de torpiller les Bilatérales III par de discrètes manœuvres.
Certes, le Bernois affirme toujours qu'il veut un accord sur l'énergie. Cela semble certes crédible, mais cela ne veut pas dire qu'il accepterait également un accord avec des juges de l'UE et une reprise dynamique du droit. Pour rappel, Albert Rösti est prudent avec l'Union européenne – il a autrefois dirigé la campagne de l'UDC sur l'initiative contre l'immigration de masse.
En effet, ses opposants politiques le soupçonnent de miser sur un échec de l'accord sur l'énergie pour ensuite pousser à la construction d'une nouvelle centrale nucléaire en invoquant la sécurité d'approvisionnement de la Suisse. Ce serait une manœuvre raffinée, mais il est néanmoins douteux qu'elle soit couronnée de succès: le problème des déchets nucléaires n'est pas résolu, le scepticisme de la population est grand et les nouvelles centrales nucléaires sont tout simplement trop chères pour le secteur. Les Verts et le PS se réjouissent déjà d'une votation.
Il est donc clair que Albert Rösti porte avec succès la politique de l'UDC au Conseil fédéral. Sa base s'en réjouit. En revanche, on ne sait pas s'il parviendra à convaincre le peuple. Jusqu'à présent, il a obtenu son plus grand succès contre son parti: le peuple l'a suivi dans le compromis pour la nouvelle loi sur l'électricité, sur laquelle nous avons voté en juin.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci