Le dossier du nucléaire revient sur la table. Après que le Conseil fédéral a renoncé à en sortir, la balle est désormais dans le camp du Parlement. Et là, les fronts se sont durcis. Alors que le centre gauche continue de scander «Le nucléaire? Non merci!», l'UDC et le PLR soutiennent largement l'idée d'un rétablissement.
Une chose est sûre: si le contre-projet à l'initiative Stop au blackout ne trouve pas de majorité sous la Coupole, il sera liquidé avant même le lancement d'un éventuel référendum. Le Centre aura donc une vraie carte à jouer dans ce dossier où le front «gauche contre et droite pour» semble assez clair.
Philipp Matthias Bregy (VS), président du groupe parlementaire du Centre, qualifie la démarche du gouvernement de «malhonnête». La proposition actuelle laisse complètement de côté le point le plus important: le financement de nouvelles centrales. Et pour le reste, le contre-projet esquissé ne diverge guère du projet Blackout. Bregy regrette:
Un contre-projet indirect n'a de sens que «s'il s'écarte de l'initiative sur des questions importantes. Et ce n'est pas le cas ici».
Pour savoir si le peuple pourra se prononcer sur le contre-projet, il faut se tourner vers le groupe parlementaire centriste valaisan du Conseil national. Si le Centre rejette en bloc contre le texte du conseiller fédéral Albert Rösti, les opposants au nucléaire auront une faible majorité dans les deux chambres avec le PS, les Verts et les Verts libéraux. De quoi balayer le contre-projet.
Mais Bregy n'ose pas se risquer à des pronostics pour l'instant. Il faut d'abord mener la discussion politique, et peut-être que le Conseil fédéral sera plus concret lorsqu'il amènera une proposition définitive.
Le Haut-valaisan part du principe que l'argent pour de nouvelles centrales serait prélevé sur les fonds de promotion des énergies renouvelables. En d'autres termes, le solaire et l'hydraulique seraient perdants, tandis que les centrales nucléaires en profiteraient. «Et ensuite, chacun et chacune doit décider pour lui-même si c'est sa voie vers la transition énergétique», estime Bregy. Pour lui, tout est très clair:
Ce qui est sûr, c'est que dans son groupe parlementaire, il y a aussi des élus qui souhaitent réhabiliter le nucléaire. Le plus connu est le conseiller aux Etats zougois Peter Hegglin, qui fait également partie du comité pour l'initiative Blackout. Pour lui, il s'agit surtout de «pouvoir discuter ouvertement de toutes les options». La proposition du Conseil fédéral va à ses yeux «dans la bonne direction».
Le Zougois affirme sentir en coulisses la sympathie de plusieurs de ses collègues de parti pour cette proposition. A part lui, le conseiller aux Etats Fabio Regazzi (TI) et le conseiller national Thomas Rechsteiner (AI) ont aussi affiché leur soutien. Mais il devrait y avoir quelques dissidents au sein du PLR – opposés à des centrales supplémentaires. Leur position est contraire à la ligne du groupe et par conséquent, chaque voix comptera.
Pour le Centre, le sujet est particulièrement délicat. Il considère souvent la sortie du nucléaire comme l'héritage laissé par son ancienne conseillère fédérale Doris Leuthard. Après l'accident de Fukushima, c'est elle qui a amorcé la transition énergétique. Pour ce faire, elle a également fait appel à de nombreux politiciens du Centre (le PDC d'alors).
Mais pour Peter Hegglin, il est temps de tourner la page: «Dans les conditions de l'époque, on comprend bien que l'on voulait abandonner cette énergie». Mais depuis, on a «acquis de nombreuses connaissances». Il ne faut désormais plus s'interdire de penser et utiliser toutes les possibilités techniques pour garantir la sécurité de l'électricité et la décarbonisation, affirme le sénateur.
On ne connaîtra pas sa décision ni celle de ses collègues du groupe avant l'année prochaine. Le département d'Albert Rösti va d'abord élaborer le contre-projet. Ce n'est qu'ensuite que le Parlement entrera en scène. Il reste donc encore beaucoup de temps pour des retournements de veste en tous genres.
(Adaptation française: Valentine Zenker)