L'annonce du Conseil fédéral a fait l'effet d'un véritable coup de tonnerre. Ce mercredi après-midi, le gouvernement s'est dit favorable à la levée de l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires en Suisse - bien que le peuple ait décidé d'abandonner cette technologie en 2017.
Les réactions n'ont pas tardé, notamment du côté du camp rouge-vert. Au-delà des considérations purement politiques, les déclarations du Conseil fédéral ont également soulevé de nombreux doutes relatifs aux problèmes que pose l'énergie nucléaire.
Si la dernière installation nucléaire construite en Suisse, celle de Leibstadt, date des années 1980, les projets de nouvelles centrales ont fleuri ces dernières années à travers l'Europe. Et les résultats ne sont pas encourageants. En effet, plusieurs d'entre elles ont présenté deux problèmes majeurs: les retards et les coûts ont littéralement explosé.
C'est notamment le cas de la centrale nucléaire de Flamanville, en France, dont les travaux ont commencé fin 2007. Elle aurait dû être opérationnelle en 2012, mais, en raison de diverses difficultés, le chantier a été décalé à plusieurs reprises. La centrale n'a été mise en service que cette année, avec presque douze ans de retard - et après presque 17 ans de travaux.
Les coûts ont suivi la même tendance, rapporte le Monde. La facture finale a été multipliée par six: des trois milliards de francs prévus au départ, on est passé à près de 18.
Même scénario à Hinkley Point C, au Royaume-Uni. Cette centrale, toujours pas achevée, est d'ores et déjà la plus chère jamais construite sur la planète. Son coût final se situera entre 34 et 38 milliards de francs, alors que le budget initial en prévoyait 20. Initialement prévue pour 2017, elle ne sera pas opérationnelle avant 2031, écrit le Guardian.
La centrale nucléaire d'Olkiluoto, en Finlande, a été mise en service depuis 2022 - en retard de treize ans sur le calendrier initial. Coût de l'opération: environ neuf milliards de francs, contre 3,2 milliards initialement prévus. La centrale slovaque de Mochovce a vu également la facture grimper: elle est passée de 2,6 à 5,6 milliards de francs.
Citant les difficultés soulevées par ces grands projets, Greenpeace estime que «le nucléaire n’a pas d’avenir». Ces exemples «démontrent que la construction de nouveaux réacteurs prend en Europe au minimum entre 15 et 20 ans», poursuit l'organisation écologiste.
C'est trop, selon Greenpeace. A ce rythme, toute nouvelle centrale ne permettra pas de décarboner le système énergétique de manière cohérente avec les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat, que la Suisse a ratifié en 2017.
Rappelons qu'en 2019, «le Conseil fédéral s’est fixé comme objectif d’équilibrer le bilan des gaz à effet de serre de la Suisse d’ici 2050», lit-on sur le site du gouvernement. A partir de cette date, «la Suisse ne devra plus rejeter dans l’atmosphère davantage de gaz à effet de serre que ce que les réservoirs naturels et artificiels sont capables d’absorber».
Au vu de la durée des travaux, une hypothétique centrale nucléaire interviendra trop tard pour contribuer à cet objectif, argumente Greenpeace. Et de résumer:
Ces doutes sont également partagés par des acteurs de la branche, du moins en partie. Amédée Murisier, directeur de l’entreprise d’électricité Alpiq, ne s'est pas montré particulièrement enthousiaste à l'idée de construire de nouvelles centrales en Suisse. Et ce, bien que son entreprise possède des participations dans les centrales de Gösgen et Leibstadt.
«On sait que ça prend 15, 20, 25 ans pour les construire», a-t-il affirmé ce jeudi matin sur la Matinale de la RTS. «Notre priorité absolue, pour garantir l'approvisionnement, c'est d'assurer que celles qui existent aujourd'hui soient le plus sûres et fiables possible, et avancer sur le déploiement des énergies renouvelables.»
Selon lui, «les centrales existantes ont encore de nombreuses années d'exploitation devant elles». Et de conclure: