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Migros a le droit de dire non au voile

Das Migros Logo am Eingang zum Shoppingcenter Blauaecker, fotografiert am Mittwoch, 26. April 2023 in Koeniz. (KEYSTONE/Christian Beutler)
Image: KEYSTONE
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Migros a le droit de dire non au voile

Une employée qui avait décidé de porter le voile a été licenciée par la Migros. Derrière cette revendication, une idéologie, l'islamisme, qui assigne la femme au voilement. Notre devoir: rester fermes sur nos principes tout en faisant la part entre l'idéologie et les individus.
23.02.2024, 18:4824.02.2024, 17:40
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«Toutes les succursales ne sont pas aussi radicales», écrit notre confrère 20 Minutes à propos de cette affaire de voile islamique qui a valu un licenciement à une employée d’une Migros de Lucerne, a-t-on appris cette semaine. La formulation «pas aussi radicale» est révélatrice d’une inversion accusatoire devenue fréquente et qui, souvent, signale la crainte d’être taxé d’islamophobe.

Est ici qualifié de radical non pas l’aspect religieux du problème posé, mais le règlement national de la Migros qui interdit le port de tout couvre-chef à ses employés hommes et femmes en contact avec la clientèle. Casquettes, kippas, turbans, foulards et voiles sont ainsi proscrits. Le «pas aussi radicales» vaut pour le canton de Zurich, qui fait exception, dans lequel la Migros autorise ses employés à porter un couvre-chef religieux.

Nos codes sociaux

Arrêtons-nous un instant aux fondamentaux. La laïcité, ce n’est pas seulement la séparation formelle de l’Eglise et de l’Etat. C’est surtout le fait de ne pas être dirigé par un pouvoir religieux dans notre vie quotidienne. Probablement la conquête sociétale la plus importante au cours de ces derniers siècles. Il est devenu d’usage, au travail notamment, lieu de sociabilité, d’être discret sur ses convictions, qu’elles soient politiques ou religieuses. Sauf exception bien sûr, ce ne sont pas des choses dont on parle volontiers, sachant qu’elles peuvent heurter. La religion, quand on en a une, est plutôt du domaine de l’intime. Nos codes sociaux sont faits de cette civilité-là.

Les codes de la Migros aussi. Son règlement qui proscrit les couvre-chefs (sous-entendu religieux) à ses salariés placés au contact de la clientèle est conforme à cette civilité. Il n’est pas islamophobe, pas plus que le licenciement d’une employée qui avait décidé de porter le voile après sept ans de services chez le plus grand distributeur suisse – formellement, le licenciement résulte de son absence au travail.

La loi de Dieu

Rappelons que le règlement de la Migros vaut pour toutes les religions et sans doute excède-t-il la question des couvre-chefs. Il serait étonnant qu’un juif orthodoxe refusant de travailler le vendredi soir et le samedi en raison du shabbat, puisse être employé dans l'un des magasins du géant orange, kippa ou non.

La vision islamiste – l’adjectif a son importance, car on parle ici d’idéologie et peu de foi en Dieu – ne reconnaît pas la laïcité. Pour l’islamiste, il n’y a qu’une loi, la loi de Dieu, transcrite dans la charia. Cela dit, l'islamiste compose avec les lois du pays d’accueil, dès lors que ce dernier n’est pas régi par une doctrine musulmane. Mais quand une ouverture se présente, il la saisit. Ainsi fait-il avec le voile, opportunément reconverti en accessoire féminin, alors qu’il s’agit d’un strict marqueur religieux. Il suffit de voir l’usage politico-civilisationnel qu’en fait le président turc Erdogan.

Aussi, on se trompe en pensant que le voilement des femmes, et parfois des toutes jeunes filles, répond à une demande spontanée du genre féminin. Il est idéologiquement construit dans ses moindres détails dans un but politique.

Pour autant, c’est une liberté de porter le voile, dût-il découler d’une idéologie. En toute circonstance, il convient de faire la part entre l’individu et l’idéologie. Quand on tient un discours critique sur l’islamisme, on se garde d’en vouloir aux personnes. On peut avoir une belle-sœur voilée et bien s’entendre avec elle malgré les divergences. On accepte le voile dans l’espace public, car on estime, à raison, qu'il en va d'une liberté. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas imposer des limites à l’expression de la foi, quelle qu’elle soit.

La religion, on le sait, peut-être envahissante, c'est même là sa vocation: englober. Migros, comme la Coop ou Denner, est dans son droit, à tout point de vue, en posant des limites

Mais voilà que Migros pourrait lâcher du lest. Le distributeur n’écarte pas l’idée qu’il pourrait à l’avenir autoriser ses employés à porter des couvre-chefs religieux. Rien n’est encore décidé, indique-t-il. Mais est-on certain que cette inflexion obéirait à une demande réelle de salariés, en particulier de femmes de confession musulmane? Rien n’est moins sûr. Dire l'inverse serait faire peu de cas du libre arbitre des individus. Peut-être Migros se dit-elle qu'il importe d'être à l'image d'une partie de sa clientèle, en effet voilée, la jeune génération n'étant pas en reste.

Tutos maquillage et filles voilées

Il semblerait que la question des couvre-chefs religieux chez les employés de la Migros agite surtout la Suisse alémanique et peu la Suisse romande. Il est à craindre que cette revendication, si elle existe, trouve un écho chez les mouvements féministes intersectionnels, redoutés de certains patrons et chez qui les islamistes ont trouvé des relais à leurs idées rétrogrades.

Tout l’intérêt, pour les islamistes, est de transformer le voile en droit individuel – le contraire de ce qu’il est réellement. On ne compte plus sur les réseaux sociaux, TikTok en particulier, les tutos maquillage de jeunes filles voilées, à côté de prêches rigoristes tenus par des hommes, souvent jeunes eux aussi, se revendiquant de l’islam.

On pourrait objecter qu'il n'y a aucun lien entre ce qui précède et ce qui va suivre. Si les faits ne sont pas les mêmes, si les uns ne sont pas graves en soi, alors que les autres sont plus préoccupants, ils participent d'une continuité idéologique. Jeudi en France, un imam présent dans le pays de longue date, a été expulsé vers la Tunisie, son pays d’origine et sa seule nationalité. Dans un prêche diffusé en vidéo, cet imam qui officiait à la mosquée de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, qualifiait le «drapeau tricolore» – sans préciser s’il s’agissait du drapeau français – de «drapeau satanique» qui n’aurait «aucune valeur auprès d’Allah».

L'affaire de l'imam expulsé de France

Depuis les attentats islamistes de 2015 et 2016, suite aux assassinats de professeurs, Samuel Paty en 2020, Dominique Bernard en 2023, la France ne laisse plus rien passer qui puisse mener à un séparatisme haineux. L’imam a invoqué un «lapsus», affirmant qu’il avait voulu dénoncer le «nationalisme» et le «racisme» chez les supporters de football. Ce qui est peut-être vrai, mais ne change rien au fond.

Dans le «satanique» de l'imam, on reconnaît le discours frériste qui n’admet qu’une seule nation, l’oumma, la communauté des croyants, celle des musulmans en l’occurrence. Le frérisme aspire au rétablissement du califat, disparu avec la chute de l’empire ottoman en 1923.

Ce qui est sûr, c’est que les islamistes ne laissent pas les musulmans vivre en paix. Ni amalgame, ni faiblesse.

Cette Migros flotte sur l'eau
Video: watson
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