La condamnation de Boualem Sansal à de la prison ferme était attendue. Alger, qui retient prisonnier l’écrivain franco-algérien depuis le 16 novembre au mépris de la liberté d’expression, ne pouvait pas ne pas lui infliger une peine de détention après l’avoir accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale – dix ans étaient requis dans ce procès expéditif aux allures de justice politique. La condamnation de Boualem Sansal étant prononcée, on peut s’attendre, du moins l'espérer, à un dénouement rapide, qui pourrait prendre la forme d’une grâce présidentielle.
Ce qui était moins attendu et pour tout dire scandaleux, c’est la façon dont, à Genève, dans la bien mal nommée Genève internationale en l’occurrence, certains responsables politiques et culturels ont regardé ailleurs quand il aurait fallu dénoncer l’inacceptable. C’était en janvier, au moment de la venue de Rima Hassan au festival Black Movie.
La députée européenne, dont on connaît l’engagement propalestinien, venait de voter contre une résolution du Parlement européen, approuvée à une écrasante majorité, demandant la libération immédiate de Boualem Sansal, âgé de 80 ans. Le refus de la représentante de La France insoumise de s’associer à cette requête n’avait pas d’excuses.
Or, à Genève, tant la direction du festival Black Movie qu’un magistrat PS de la ville et un responsable PLR cantonal, estimaient ne pas avoir à se prononcer sur le vote indigne de Rima Hassan concernant Boualem Sansal. Cela, au nom de la «souveraine liberté de vote» de la députée insoumise et au motif que le canton de Genève n’a pas à prendre parti sur un sujet délicat relevant d’une instance étrangère.
On croyait rêver en entendant cela, mais on ne rêvait pas. Voter contre la demande de libération d’un écrivain emprisonné pour des raisons politiques, on dit bien politiques, est une honte. Ne pas condamner un vote honteux, contraire à la liberté de pensée, que l’on soit élu à Paris ou à Genève, n’est pas glorieux.
Quand, comme Genève, on se pique d’être la capitale des droits de l’homme, on condamne le vote d’une députée qui les bafoue.
Si la Genève internationale, c’est pour la gauche du cru un moyen de jouer à la dinette tiers-mondiste, et pour sa consœur la droite une manière d’expier ses richesses, alors, à quoi bon? Etre de la Genève internationale, c’est dire son fait à une députée européenne qui se permet l’injustifiable et c’est peut-être aujourd’hui considérer qu’il ne serait pas illogique de protester contre la condamnation d’un écrivain à de la prison ferme.