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Il réclame un milliard à Berne pour la Genève internationale

Le bâtiment de l'ONU à Genève. Vincent Subilia (médaillon).
Le bâtiment de l'ONU à Genève. Vincent Subilia (médaillon). image: keystone

Il réclame un milliard à Berne pour sauver la Genève internationale

Le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie de Genève demande un geste fort à la Confédération pour aider la Genève internationale menacée par les coupes de Donald Trump. L'UDC est sceptique.
17.03.2025, 05:3117.03.2025, 08:52
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Vincent Subilia réclame un «plan Marshall pour sauver la Genève internationale». «Les mesures de coupes budgétaires décidées par les Etats-Unis vont faire des dégâts considérables», alerte le directeur général de la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève (CCIG), député PLR au Grand Conseil genevois. Les réductions massives dans l'Usaid, l'Agence des États-Unis pour le développement international, touchent de plein fouet la quarantaine d’organisations internationales (OI) et les 759 organisations non gouvernementales (ONG) basées à Genève. Beaucoup ne s’en relèveront pas, craint-on.

Vent de panique

«L’Usaid, reprend Vincent Subilia, représente près de 45% de l’appel humanitaire mondial. Or, 83% de ses programmes viennent d’être supprimés. A Genève, 20% des financements reçus par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) proviennent des Etats-Unis. En tout, le fonctionnement des OI dépend à 25% des subventions américaines. C’est considérable.»

Un vent de panique a gagné la cité de Calvin suite aux annonces américaines. Vincent Subilia expose la donne:

«Toute une économie est en danger. La Genève internationale, ce sont environ 35 000 postes de travail directs, et près de 220 000 si l’on considère l’entier du secteur international. En francs, cela représente 5 milliards.»
Vincent Subilia

«Un milliard de francs»

«Il faut des gestes forts de la part des autorités», plaide le directeur général de la CCIG. Les 2 millions de francs débloqués par le Conseil municipal de la Ville Genève et les 10 millions de francs accordés par le Conseil d’Etat, un subside soumis à procédure référendaire par l’UDC notamment, n’y suffiront bien sûr pas.

C'est pourquoi Vincent Subilia propose que la Confédération «injecte un milliard de francs». «Ce montant n’est pas anodin, j’en conviens, mais il s’agit pour la Suisse de montrer au monde toute l’importance qu’elle accorde à la Genève internationale et à travers elle à ses engagements diplomatiques.» De la même manière que l'Europe investit à présent massivement dans sa défense pour remplacer, à terme, l'aide militaire américaine, la Suisse doit suppléer, avec d'autres, au désengagement des Etats-Unis de la scène diplomatique, en somme.

Vincent Subalia, directeur général de la CCIG.
Vincent Subalia, directeur général de la CCIG.image: dr

«Le berceau et le bastion du multilatéralisme»

Le directeur général de la CCIG le dit avec force: «Genève est le berceau et le bastion du multilatéralisme, aujourd’hui menacé par le virage à 180° des Etats-Unis, contraire aux valeurs qu’ils défendaient jusqu’ici et qui avaient fait de Genève, siège historique de la Croix-Rouge, le pôle humanitaire mondial.»

Alors, pour le directeur général de la CCIG:

«Ne rien faire pour sauver la Genève internationale, c’est participer à la déshumanisation du monde, et la Suisse ne peut se satisfaire de cette évolution»
Vincent Subilia

Ces belles paroles se heurtent à la vision américaine. Donald Trump dénonce l’Usaid, le grand pourvoyeur des fonds internationaux, comme étant une «arnaque», où la «corruption» régnerait.

Trump envoie un questionnaire à Genève

Mais c’est sur le plan idéologique que l’attaque de la nouvelle administration américaine contre le multilatéralisme onusien est la plus forte. Preuve en est le questionnaire aux accents maccarthystes, révélé par Le Temps, dans lequel Washington demande aux agences onusiennes de Genève de confirmer qu’elles ne travaillent pas «avec des entités associées au communisme, au socialisme, au totalitarisme ou à n’importe quelle autre entité qui épouse des croyances anti-américaines».

Derrière le côté inquisitorial du procédé, se lit une défiance envers la Genève internationale, qui ne date pas de l’administration Trump. Actuellement présidé par le Suisse Jürg Lauber, le Conseil des droits de l’homme, dont les Etats-Unis se sont retirés début février, abrite des régimes très peu respectueux des droits humains. Cet organisme et ses contradictions démontreraient l'hypocrisie du multilatéralisme encensé pas les défenseurs de la Genève internationale.

L'UNRWA dans le viseur

Le «terrorisme» dont il est question dans le questionnaire adressé par Washington aux agences onusiennes basées à Genève fait probablement référence à l’UNRWA, qui vient en aide aux réfugiés palestiniens et qu’Israël et d'autres Etats accusent de collusion avec les islamistes du Hamas. Quant au CICR, le diamant de la Genève internationale, l'Etat hébreu le traite certes comme un intermédiaire incontournable, mais la défiance à son égard paraît à tout instant de mise.

«Ne pas jeter tous les bébés avec l’eau du bain»

Vincent Subilia sait tout cela. «Oui, tout n’est pas parfait dans le fonctionnement de la Genève internationale, il y a probablement des éléments à améliorer, un fonctionnement plus pragmatique à adopter dans certains cas, mais il est très important de ne pas jeter tous les bébés avec l’eau du bain.»

«Ces bébés, ce sont ces institutions internationales qui incarnent l’esprit de Genève, et une protection contre la loi du plus fort, et donc de la jungle. Elles sont précieuses. Elles sont les garantes du droit international, dont Genève est et doit rester la place forte»
Vincent Subilia

Problème pour la Genève internationale, le chef de la diplomatie suisse, Ignazio Cassis, semble partager une partie des critiques adressées à la «place forte», notamment à propos de l’UNRWA, auquel le Parlement à Berne veut couper les vivres.

L'UDC veut un audit de la Genève internationale

Sans aller jusqu’à donner raison sur tout à Donald Trump, l’UDC genevoise demande une sorte d'audit des ONG basées à Genève, afin de déterminer celles qui seront le plus utiles et le plus profitables à la cité de Calvin dans le futur. C’est l’objet d’une motion déposée par le député Yves Nidegger au Grand Conseil. Pour lui, l’aura déclinante de la Genève internationale est due principalement à l’abandon progressif par la Suisse de sa neutralité.

Joint par watson, son collègue député Michael Andersen estime que le projet de construction d’un méga accélérateur de particules au CERN est l’exemple même d’un développement «porteur d’avenir».

«La Genève internationale a un côté bonnes œuvres»

Face à la gauche, au Centre et au PLR qui soutenaient le principe d’une aide d’urgence de 10 millions de francs aux ONG, l’UDC, le MCG et Libertés et Justice sociale ont fait bloc, déclenchant la procédure référendaire. L'UDC Michael Andersen justifie ci-après ce refus, non sans faire remarquer que «trois ou quatre députés PLR n'étaient pas d'accord avec la ligne de leur parti sur ce dossier»:

«On voulait savoir quelles ONG seraient aidées avec ces 10 millions francs, on n’a pas obtenu de réponses. Ensuite, il faut savoir qu’entre 350 et 400 entreprises font faillite chaque année à Genève, ce qui représente 2000 à 3000 emplois et il n’y a pas de plan d’aide d’urgence pour les sauver. On peut tout à fait regretter que des employés d’ONG perdent leur travail, mais il faut savoir que ces employés ne sont pas des fonctionnaires internationaux et qu’ils sont donc éligibles au chômage.»
Michael Andersen

Le refus de l’UDC de débloquer urgemment 10 millions s’explique aussi, voire surtout, par des raisons idéologiques, pour ainsi dire identitaires. Là où le PLR fait cause commune avec la gauche pour sauver la Genève internationale, le parti populiste fait entendre sa différence, lui qui n’appartient pas au cercle des «grandes familles».

«La Genève internationale participe de l’image de marque du PLR, où l’on retrouve les grands noms de la philanthropie, à l’exemple de la Fondation pour Genève. Pour cette droite, la Genève internationale a un côté bonnes œuvres»

Dans cette affaire de Genève internationale, tous, en Suisse, singulièrement dans le canton le plus concerné, n'affichent pas les mêmes priorités. Les bouleversements géopolitiques sont l'occasion, pour certains, à l'image de l'UDC, de remettre en cause les acquis. Une chose paraît certaine: en termes d'image, le «village global» situé au bout du Léman pâtirait du détricotage des organisations internationales qui font son statut et une bonne part de sa renommée.

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Video: watson
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