Imaginez un instant. Vous invitez votre meilleur ami à votre mariage et il vous envoie son bras droit. Les explications fusent: un agenda chargé, un contrat à signer, des mains décisives à serrer, une échéance majeure en fin d'année. Puis les promesses déboulent: votre amitié n'en sera pas gâchée, il enverra un cadeau par DHL, il pense fort à vous. Bon, c'est vrai que, sur le papier, ce bras droit réunit les compétences nécessaires pour incarner le parfait convive. Hélas, plus tard, la famille aura beau retourner l'album souvenir dans tous les sens, le meilleur ami n'y sera pas.
Il y a peu, la Maison-Blanche annonçait qu'elle n'expédiait pas le meilleur allié de Volodymyr Zelensky au Bürgenstock, en Suisse, pour la conférence sur la paix en Ukraine. Les spéculations fusent: un agenda chargé, de l’argent à récolter, des mains décisives à serrer, un débat politique à la fin du mois, une échéance majeure le 5 novembre. Les promesses, ensuite: l'assurance que les Etats-Unis soutiendront toujours l'Ukraine, qu'ils enverront des armes et que le président pense fort à lui.
Bon, c'est vrai que la vice-présidente Kamala Harris réunit les compétences nécessaires pour incarner la présence américaine face aux agissements de Vladimir Poutine.
Hélas, plus tard, on aura beau retourner l'album souvenir dans tous les sens, le meilleur allié n'apparaitra pas au sommet du Bürgenstock. Alors qu'il prenait la pose, une semaine plus tôt, à l'occasion de la commémoration du D-Day. Ils étaient d'ailleurs tous là, en Normandie, de Volodymyr Zelensky à la Couronne britannique, dont le roi est pourtant en convalescence. L'album photos rare, parfait. Surtout en ces temps très incertains.
Une union des nations célébrant la libération de l'Europe de l'emprise nazie, mais qui, entre les lignes, souhaitait une paix durable, totale. Comme si le sommet suisse s’était fait piquer la vedette.
En l'occurrence, une importante collecte de fonds animée par Jimmy Kimmel, en compagnie de George Clooney, Julia Roberts, les Clinton, les Obama et bien d'autres, à Los Angeles. Joe Biden a décidé de bouder le sommet pour la paix en Suisse, de la même manière qu’il a voulu participer aux commémorations du débarquement. Dans les deux cas, c’est un choix. Le sien, personnel, politique et tout à fait compréhensible. Dans cinq mois, l'Amérique joue son avenir et cette soirée californienne est une étape majeure dans la campagne du candidat démocrate, car plus de 500 000 dollars sont attendus dans les caisses.
Une sauterie qui, à l'instar du sommet du Bürgenstock, n'aurait pas tout à fait la même tronche si les invités principaux décidaient soudain qu'ils avaient mieux à faire.
Zelensky aura beau supplier son plus puissant allié de changer d'avis, même une pleine page imprimée dans le New York Times n'y fera rien. Après un saut de puce en Italie pour le G7, il prévoit déjà de quitter la très chic station balnéaire de Borgo Egnazia juste avant une conférence pour la paix en Ukraine qui s'annonce maussade.
Sur les 160 invitations aux chefs d'Etat en janvier dernier, Viola Amherd, la maîtresse de maison, n'aurait reçu qu'un peu plus de 80 réponses à ce jour. Si nos voisins directs (et le Canada ou la Corée du Sud) seront là, c'est un poil plus flou en ce qui concerne le reste du monde. En vrai? Peu importe.
Que ce sommet finisse par accoucher de plusieurs décisions majeures n'absorbera pas l'absence bruyante de Joe Biden en Suisse. Une tuile diplomatique embarrassante. Un échec symbolique retentissant. Une conférence pour la paix, c'est d'abord un message que l'on envoie à l'agresseur. Un coup de comm' ou de pression, tout en évitant comme la peste le coup d'épée dans l'eau.
Deux interprétations possibles. La plus loufoque? Joe Biden n'en a plus rien à taper de l'Ukraine. Hélas, c'est une théorie propagée par les trolls russes, l'extrême droite américaine et l'UDC en Suisse. La plus probable? Le président américain, jonglant avec ses priorités, a considéré que le soutien à Zelensky n'exigeait pas sa présence dans notre pays. Et il a raison.
C'est plutôt du côté des organisateurs que la vraie question se pose: pourquoi annoncer un sommet mondial pour la paix sans s'assurer au préalable que le visage de cette paix sera bien du voyage?
On se souvient encore de la sèche mise au point de l'ambassade des Etats-Unis à Berne, il y a un mois sur la plateforme X, qui ne cachait pas son agacement face aux appels du pied et aux rumeurs:
Même si l'idée de profiter du G7 en Italie était plutôt bonne et que Zelensky a raison de dire que «Poutine applaudit l'absence» de Joe Biden, c'est un cul-de-sac que la Suisse aurait dû anticiper.
Tout comme Biden a blindé la venue de Julia Roberts à Los Angeles, avant de choisir l'église, la robe, la pièce montée et la playlist, on lance toujours un coup de fil au meilleur ami pour être certain que le lieu et la date lui conviennent. D'autant plus vrai que, la plupart du temps... c'est le témoin de mariage.