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Comédie de Genève: une petite rumeur suisse de merde?

Séverine Chavrier, directrice de la Comédie de Genève, le 28 octobre 2025 sur la chaîne Léman Bleu.
Séverine Chavrier, directrice de la Comédie de Genève, le 28 octobre 2025 sur la chaîne Léman Bleu. image: capture
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Scandale de la Comédie de Genève: une petite rumeur suisse de merde?

L'«affaire Séverine Chavrier», du nom de la directrice de la Comédie de Genève, dont le management est contesté, a pris une tournure nauséabonde avec, au centre de tout, l'acronyme PPSDM, pour «petites productions suisses de merde».
04.11.2025, 18:4904.11.2025, 19:31

Une petite affaire Dreyfus de merde? C’est sûr, PPSDM, l’acronyme rattaché au «scandale Séverine Chavrier», l’actuelle directrice de la Comédie de Genève, le théâtre le plus richement doté de Suisse romande, est promis à d’infinies déclinaisons, tant il claque bien. PPSDM, qui se rapporte aux créations théâtrales, signifie: «petites productions suisses de merde».

Le rôle du «bordereau» dans l'affaire Dreyfus

Dans la mécanique du scandale, cet acronyme tient un peu le rôle du «bordereau» dans l’affaire Dreyfus, l’allumette qui embrase tout. Alfred Dreyfus est ce capitaine français juif, contre lequel le commandement militaire monte en 1894 un dossier à charge dans une France gagnée par la montée de l’antisémitisme et l’esprit de revanche sur l’Allemagne après la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine.

Le «bordereau» désigne en l'espèce une lettre anonyme comprenant des renseignements militaires adressée à l’attaché militaire allemand en poste à Paris. Un acte de trahison. L’armée l’attribue volontairement et à tort au capitaine Dreyfus. On connaît la suite: le bagne à Cayenne, puis, douze ans plus tard, sa réhabilitation.

Séverine Chavrier n’est pas Dreyfus, mais...

Séverine Chavrier n’est pas Dreyfus et l’on reste pour l’heure dans du parole contre parole. La directrice est accusée dans des témoignages anonymes d’un management fait de «discriminations», d’«humiliations» et de «dénigrement au travail», à quoi s’ajouterait un désintérêt sinon du mépris pour la production locale, d’où l’acronyme qui lui est prêté avec l’ensemble des éléments à charge dans un article de la Tribune de Genève daté du 22 octobre.

Ce n'est pas elle qui a dit ça

Sauf que, sans le PPSDM, le «petites productions suisses de merde», l’«affaire Séverine Chavrier» n’aurait probablement pas pris une telle ampleur. Or, selon une enquête menée par le journaliste Thierry Sartoretti, parue le 31 octobre sur le site de la RTS, la directrice de la Comédie n’a pas utilisé cet abrégé infamant.

Selon le journaliste, qui s’appuie sur des sources internes à la Comédie tant du côté de l’administration, de la technique que des artistes, ce n’est pas Séverine Chavrier, «mais quelqu’un d’autre de la Comédie [qui] l’a prononcé».

«Cette grossièreté arrogante fut balancée lors d’une séance de travail avant l’arrivée effective de Séverine Chavrier à la tête de son théâtre par une personne responsable de la production nommée par la précédente direction. Cette personne a quitté l’institution depuis.»
Thierry Sartoretti, RTS

En l'état, on dira que le doute demeure. Mais le journaliste, lui, est formel: Séverine Chavrier n'a pas dit les mots dont certains l'accusent. Aurait-on colporté une rumeur?

Une «Française»

Ce «PPSDM», sachant que la mise en cause a démenti sur la chaîne Léman Bleu l’avoir jamais prononcé, a pris les proportions d'une rumeur. Une rumeur forcément malveillante. Car l'un des aspects de cette affaire, au-delà des reproches adressés à la directrice de la Comédie sur son management et ses choix artistiques, certains de ces reproches semblant fondés, d’autres moins ou pas du tout, est l’identité nationale de Séverine Chavrier, une «Française». En réalité, elle est franco-suisse et originaire d’Annemasse, commune frontalière qui passe pour le «9-3» de Genève, pas une référence, donc, dans un climat transfrontalier plutôt tendu et marqué par une xénophobie anti-française.

Dans cette histoire, qui fera l’objet d’un audit de la Cour des comptes ordonné par la magistrate genevoise en charge de la culture, Joëlle Bertossa, les frontières entre la gauche alternative et la droite identitaire ont sauté. Chacun de ces camps, comme alliés pour la circonstance, réclame la démission de la «Française arrogante», ici dans le rôle de l’Autrichienne Marie-Antoinette, l'épouse de Louis XVI visée en 1789 par des pamphlets infamants.

Un brin stalinien

Comme une odeur de sang aura flotté dans l’air genevois à l’occasion de ce procès expéditif, un brin stalinien. Nous verrons bien si la crise trouvera un dénouement satisfaisant pour toutes les parties, ce que chacun devrait espérer.

Cette affaire genevoise, par les termes choisis, en évoque une autre, toujours dans le milieu culturel, où le fossé entre les «précaires» et les «nantis» a alimenté de tout temps un sentiment d'injustice. Dans une lettre anonyme, un collectif d'artistes locaux s'estimant lésés, dénonce la sélection artistique présentée par l’association La Chaux-de-Fonds Capitale culturelle suisse 2027. «Le texte emploie des mots durs envers l’organisation: "trahison morale", "projet imposé d’en haut", "logique de division", "captation des moyens publics" ou "processus injuste"», rapporte 24 Heures en date du 31 octobre.

L'effet #Metoo

#Metoo a installé la légitimité de la fonction de lanceur d'alerte, et elle s'avère utile en certaines circonstances. Mais avec cela, on fabrique aussi des coupables sans jugement. Essayons de faire un peu gaffe.

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