Passée l’euphorie du transfert de Moutier dans le canton du Jura, il faudra porter une attention toute particulière aux communes de la petite vallée traversée par le Gaibiat. Le long de ce cours d’eau, on trouve Crémines, Corcelles, Eschert, Grandval et Elay. Toutes ont dit «non» au départ de la cité prévôtoise du canton de Berne.
Aujourd’hui, ces villages du Jura bernois sont comme coupés du monde. Leur débouché géographique naturel est Moutier. Qui s’en va donc. L’autre porte de sortie est un peu obstruée par la montagne et ne mène même pas dans le canton de Berne, mais dans celui de Soleure.
Dans le reste du Jura bernois, hormis quelques rares localités, toutes ont ratifié l’accord berno-jurassien réglant le transfert de Moutier.
Alors non, la Question jurassienne n’est pas totalement terminée. Certes, institutionnellement, Berne et Delémont ont tiré un trait dessus. Les partenaires bernois et jurassiens se quittent sinon bons amis, du moins avec le sentiment du devoir accompli.
Ceci étant dit, il faut s'imaginer la chose: Moutier qui se sépare de Berne pour se lier au Jura, c'est comme si la ville de Genève rejoignait le canton de Vaud sans le reste des communes genevoises. On conçoit mal un tel cas de figure. Eh bien, c’est ce qui arrive avec Moutier, en partance sans sa périphérie.
Des communes du Jura bernois qui avaient autrefois Moutier pour chef-lieu de district, on pense à celles de la vallée de Tavannes, peuvent regarder vers Bienne, une ville bien bernoise et qui présente l’avantage d’être bilingue.
Mais les communes situées le long du Gaibiat, appelées aussi Le Cornet pour une partie d'entre elles, un nom de circonstance, doivent se sentir plus que jamais enfermées dans un destin qu’elles ont choisi, il y a quelques années, en n’imitant pas le choix de Moutier quand il en était encore tant.
Rendez-vous compte! Grandval veut son école secondaire, pour 35 élèves seulement, tout ça pour ne pas envoyer sa jeunesse à l’école secondaire de Moutier bientôt jurassienne. Comment cela pourra-t-il tenir dans la durée? Rien ne permet d'affirmer que les frontières cantonales ne bougeront pas à nouveau. Des localités de la couronne prévôtoise pourraient vouloir un jour retrouver leur tête.
La Question jurassienne laisse des orphelins derrière elle. Rétrospectivement, on en veut au canton de Berne d’avoir, à compter de 1947, tout fait pour empêcher la création d’un canton du Jura, avant de s’y résoudre, au prix d’une séparation entre le Nord devenu jurassien et le Sud resté bernois – Moutier, seule localité du Sud ayant le rang de ville, passant, à présent, au Nord. Le score quasi-soviétique du canton de Berne en faveur du transfert de la cité prévôtoise dans le canton du Jura dit certainement l’espoir de ne plus jamais entendre parler de cette maudite Question jurassienne. Le Jura? Bon débarras! On verra bien.
Pas sûr que toute la population du Jura bernois, qui a approuvé moins franchement que le reste du canton de Berne le transfert de Moutier – La Neuveville faisant exception avec 83% de «oui» – sache exactement où elle habite ce dimanche soir.