On avait un peu l’impression d’être dans la saison 5 d’une série américaine brossant la vie politique d’un comté du Midwest. Une jeune élue devait apporter la preuve par les mots de son attachement à son terroir d’adoption. Aucun n’a manqué. Celui d’attachement en premier. Un attachement humain qui se devait d’être inversement proportionnel à son détachement fiscal.
Les faits parlent d’eux-mêmes, l’expert fiscal Daniel Schafer a été formel: entre 2016 et 2021, Valérie Dittli n’a pas versé un centime aux impôts vaudois. On sait pourquoi: «Son centre de vie» était largement partagé entre Lausanne et Oberägeri, où vivent ses parents, dans le canton de Zoug. Une preuve parmi d’autres: elle possédait un abonnement général pendant toute cette période. Surtout: comme personne âgée de moins de 30 ans à cette époque, la jurisprudence fiscale lui est favorable.
Soit. Mais son domicile fiscal d’une part, ses déclarations d’amour pour le canton de Vaud d’autre part, sont-ils bien l’enjeu de cette histoire? Oui, bien sûr, non, bien sûr aussi. On en revient sans cesse à la donne de départ: un domicile pour les impôts et un domicile pour la politique. A-t-on déjà vu ça quelque part? Comment peut-on se laisser convaincre par ce distinguo? Un expert qui ne soit pas fiscal et sans attache partisane serait ici d’un grand secours.
Qu’a dit Valérie Dittli jeudi devant la presse? Qu’une fois élue en septembre 2020 à la présidence de son parti Le Centre et comme les statuts de ce dernier le prévoient (sans distinguo, d'où l'ambiguïté), elle a tenu à manifester son «attachement» au canton de Vaud en y important son domicile fiscal, qui ne fit alors plus qu’un avec son domicile secondaire, ce qu’avait été Vaud jusqu’ici pour elle. Si l’on a saisi correctement ses paroles, elle a dit que c’était la présidence du parti et non sa future participation aux élections municipales lausannoises de mars 2021 qui avaient présidé à ce transfert fiscal.
Mais voilà qu’ayant été défaite dans ce scrutin local, ne voyant pas d’avenir politique en terres vaudoises, comme elle l’a confié, paraissant pour le coup tout à fait sincère, elle se relocalise fiscalement à Zoug. Elle reste pourtant présidente du Centre Vaud, cette fonction qui avait été si déterminante dans son attachement, y compris fiscal, au canton de Vaud.
Tout est clair comme l’eau à la fontaine de Froideville dans le Gros-de-Vaud. Valérie Dittli, en remontant un parti à la dérive, avait beaucoup donné de sa personne pour Le Centre. Elle voulait bien rester présidente après les municipales perdues, ça rassurait le parti. Et dans un coin de sa tête, c’était un fer au feu à ne pas négliger, on ne sait jamais. Mais fallait pas pousser la gamine: elle avait sa vie devant elle et le plus probablement ailleurs.
Le fer vaudois redevint tout rouge quand son parti la rappela fin 2021 pour lui demander d’être candidate au Conseil d’Etat en 2022. Dévouée, sans doute ambitieuse aussi, elle réintégra la patrie vaudoise, avec son domicile fiscal sous le bras. Fin de l’histoire.
C’est grave? Ça mérite une démission? Chacun jugera, mais le cran qu’elle a démontré jeudi en conférence de presse face à l’adversité est celui d’une femme d’exécutif. Alors, dans le canton de Vaud ou dans un autre... Ce qui est sûr, c’est que tout cela ne mérite pas cette comédie des sentiments, qui, jeudi, et pour notre part, a sonné par moment un peu faux. L’histoire Dittli est celle que les Vaudois veulent bien se raconter.