Deux ans. Encore deux ans avant la votation sur l’initiative «200 francs, ça suffit!» qui veut couper dans la redevance audiovisuelle, aujourd’hui fixée à 335 francs. C’est en effet en 2026 que nous devrions voter sur ce texte soutenu par la droite et l’UDC en particulier.
Deux ans, c’est long. Cette initiative pèse comme une épée de Damoclès sur la tête de la SSR, la RTS s’agissant des Romands. Prenons le cas de Slobodan Despot. L’écrivain et polémiste a relayé deux «fakes». Deux visions erronées des faits, balancées dans la dernière édition des «Beaux Parleurs», le talk-show dominical de la RTS à l'heure du verre de blanc.
A propos des Etats baltes, il a prétendu que nous assistions à la «restauration du nazisme». C’est faux. Les gouvernements de ces pays ne travaillent pas au rétablissement d’un régime nazi sur leur territoire. Cela ne saurait bien sûr effacer le passé nazi des Baltes, ni occulter les commémorations de personnages ayant combattu les Soviétiques aux côtés du IIIe Reich.
Sur le Covid ensuite, il a affirmé:
C’est également faux. Il n’a pas été dit que les vaccins empêcheraient d’attraper ou de transmettre le Covid, mais qu’ils atténueraient les effets de la maladie et qu’ils pourraient limiter le nombre de transmissions.
Une question se pose: Slobodan Despot profite-t-il de ses passages réguliers en tant que chroniqueur dans «Les beaux parleurs» pour y diffuser à l’occasion des propos manifestement contraires à la vérité? Si oui, que faire? «A partir de quand tirer la prise?», se demande un journaliste de la RTS. Etre dans le rôle du censeur n’est pas agréable et l'on peut estimer que, dans un régime de liberté d'expression, il vaut mieux renoncer à la tirer, la prise.
L’une des réponses de la RTS, mercredi, aux questions de watson, témoigne de la volonté de botter en touche.
Cette réponse ne correspond pas à la réalité. L'émission «Les beaux parleurs», qui réunit journalistes, activistes, universitaires et humoristes, est au contraire un lieu où les personnes qui s'expriment ont travaillé leurs sujets. Slobodan Despot est un romancier de talent, un intellectuel qui connaît l’histoire et la littérature russes comme sa poche. Pour des raisons liées au démembrement de l’ex-Yougoslavie, lui, le Serbe d’origine, se sentant trahi, a développé une aversion pour l’Occident atlantiste, l’Occident défendu par l’Otan. C’est son droit, mais ce n’est pas une raison valable pour propager la propagande mensongère du Kremlin à la télévision. L’agresseur n’est ni l'Otan, ni l'Ukraine, c’est la Russie.
La RTS, aujourd’hui, a peur. Elle se dit qu’en se séparant de Slobodan Despot, elle satisferait une partie de la population, mais en mécontenterait fortement une autre, qui aurait beau jeu de faire du chantage à la redevance au nom de la liberté d’expression bafouée.
Epée de Damoclès ou prétexte? La «peur» de l’initiative «200 francs, ça suffit!» peut aussi servir d’argument à la RTS pour éviter d'avoir à prendre des décisions risquées sur des sujets sensibles. Compréhensible, mais pas très glorieux. La direction de l’audiovisuel public romand doit certes tenir compte du climat ambiant. En ce sens, la RTS fait de la politique. Mais la chaîne ne doit pas fuir ses responsabilités. Elle n’avait pas trop hésité – cela s’était décidé à un échelon plus bas que la direction – à déprogrammer au début de cette année les films dans lesquels Gérard Depardieu tient la vedette. Elle avait avec elle la morale, qui est toujours un argument très confortable.
Le cas Slobodan Despot est sans doute plus difficile à trancher. Une chose est sûre: le service public ne peut pas être le lieu de la désinformation ou de la manipulation sur des questions sérieuses. Que «Les beaux parleurs» aient une «connotation satirique», comme l'affirme la RTS, n'y change rien. Toutes les opinions peuvent être dites, sauf celles qui tombent sous le coup de la loi en tant que délits. Mais le faux, lui, n'est pas une opinion. Lorsqu'il est volontaire, il est encore plus laid.