C'est sur un concept de protection à trois niveaux que la Suisse et l'UE s'étaient finalement accordées au sujet de la protection salariale, en décembre dernier, au terme de laborieuses négociations. Cependant, pour la Suisse, un constat s'est imposé très vite: des mesures de politique intérieure devaient venir s'ajouter à ce premier résultat initial.
Il aura donc fallu une soixantaine de séances de discussion pour que tous les partenaires sociaux et les cantons, sous l'égide du ministre de l'économie Guy Parmelin, s'accordent sur une «entente commune». Et ils y sont parvenus. Une grande avancée pour une question qui empoisonne le dossier européen depuis plusieurs mois.
Ces mesures sont réparties en trois catégories, a détaillé le gouvernement dans un communiqué ce mercredi. La première concerne des mesures qui compensent directement des concessions accordées à l'UE. La deuxième touche à des mesures qui doivent répondre à la crainte de ne plus pouvoir interdire à des entreprises d'offrir leurs services en Suisse à titre de sanction.
Les dernières mesures, enfin, sont prévues lorsqu'aucune exception n'a pu être obtenue sur un point particulier lors des négociations avec l'UE. Il s’agit concrètement d'exploiter la marge de manoeuvre à l'interne en ce qui concerne la reprise de la règlementation sur les frais.
Le Conseil fédéral a de son côté également ajouté des mesures. Elles permettront de garantir les conventions collectives de travail (CCT) déclarées de force obligatoire, dites CCT étendues, ainsi que de renforcer la protection juridique pour les entreprises suisses qui pourraient être soumises à l'avenir à une CCT étendue.
Ces mesures dans trois domaines, qui doivent compenser les affaiblissements que les accords induisent, en particulier dans le cas des travailleurs européens qui sont mandatés en Suisse dans un délai de 90 jours, doivent permettent aux entreprises helvétiques qui donnent ces mandats pourraient d'être considérées comme responsables. Il s'agirait en outre d'un moyen d'empêcher un nivellement des salaires suisses, crainte principale des syndicats.
Ces mesures conjuguées garantissent le niveau actuel de protection des salaires, estime le gouvernement. Le Secrétariat d'Etat à l'économie doit encore préciser d'ici fin mars le détail des mesures avec les partenaires sociaux et les cantons.
Pierre-Yves Maillard n'a pas tardé à réagir à l'annonce du gouvernement. Si le président de l'USS salue un premier pas, le «travail concret reste à faire», selon lui. En se mettant d'accord avec les cantons et les partenaires sociaux sur des mesures, le Conseil fédéral reconnaît officiellement que les accords Suisse-UE affaiblissent la protection des salaires en Suisse, a indiqué le Vaudois mercredi à Keystone-ATS.
Jusqu'à présent, le gouvernement traitait ce problème avec beaucoup de distance, a ajouté le syndicaliste, qui préfère faire preuve de prudence.
Unia salue pour sa part un «consensus minimal», qui doit toutefois encore être concrétisé, plusieurs questions en suspens devant être «clarifiées». Le syndicat réserve son évaluation définitive du dossier pour le moment où des propositions concrètes seront sur la table, d'ici fin mars selon le Conseil fédéral.
Travail Suisse salue également des «pas positifs dans la bonne direction», mais il serait «prématuré de parler de percée». La faîtière des travailleurs prévient que des «négociations ardues» sur la mise en oeuvre exacte des mesures vont avoir lieu dans les prochaines semaines.
Les patrons, de leur côté, saluent un compromis gagnant-gagnant sur les salaires dans le cadre des accords Suisse-UE.
«Les employeurs saluent expressément ces progrès et sont en principe favorables aux prochaines étapes», s'est encore réjoui la faîtière, mercredi. (mbr/ats)