C'est un argument que l'on a entendu à maintes reprises lors de la session parlementaire extraordinaire consacrée au rachat de Credit Suisse: quelle est la responsabilité dans l'affaire de Ueli Maurer, conseiller fédéral en charge des finances de 2016 à 2022?
Retour quelques mois en arrière, alors que Maurer était encore en poste: en septembre 2022, de nombreux clients retirent leurs avoirs de la banque, ce qui aggrave la valeur en bourse de CS. Selon plusieurs sources provenant du Parti libéral-radical (PLR) et de la gauche, le conseiller fédéral UDC aurait alors sous-estimé la situation dramatique au sein de la grande banque.
Des informations auxquelles CH Media a pu avoir accès donnent désormais une autre image de la situation. En octobre, Ueli Maurer a rencontré à plusieurs reprises le président de la Banque Nationale suisse (BNS) Thomas Jordan et la présidente de la Finma, Marlene Amstad. A cette occasion, le «worst case scenario» avait alors déjà été évoqué: la disparition de Credit Suisse.
Plusieurs scénarios avaient été élaborés: liquidation, vente forcée, entrée de la BNS. Maurer a en outre ordonné l'élaboration d'une stratégie d'assainissement. Il a forcé le CS à fournir des concepts d'urgence détaillés.
Nous sommes donc allés poser la question au premier intéressé. Il se dit favorable à une commission d'enquête parlementaire (CEP) afin que la vérité soit révélée. Et renvoie la balle à ses contradicteurs:
Nos recherches montrent toutefois qu'à l'automne 2022, Ueli Maurer n'a informé le Conseil fédéral que sommairement des scénarios concernant Credit Suisse et de ses entretiens avec la BNS et la Finma. Il a renoncé à toute documentation écrite.
Pourquoi ne pas avoir transmis de document officiel? La raison est ailleurs: Ueli Maurer explique qu'il craignait des fuites de la part de ses collègues.
Le ministre des Finances était devenu méfiant après les fuites concernant les mesures Covid. Cette phase avait ébranlé la relation de confiance qu'il entretenait avec le reste du Conseil fédéral, car plusieurs de ses propositions critiques envers les mesures avaient été rendues publiques.
Le ministre disait également craindre que si l'information de la survie du Credit Suisse sortait dans la nature, une panique bancaire aurait éclaté au sein des institutions.
Ueli Maurer affirme en outre qu'il aurait tout à fait apprécié être resté ministre des Finances durant cette crise, afin de pouvoir participer aux décisions. Sa successeure, Karin Keller-Sutter (PLR), ne l'a pas contacté. «Mais ce n'est pas grave», assure-t-il.
Lors d'un débat sur la télévision locale zurichoise, Ueli Maurer a également rejeté la critique selon laquelle il aurait été inactif dans la crise du CS. «Ceux qui disent ça n'ont aucune idée du fonctionnement de la politique financière et du secteur bancaire.» L'UDC admet toutefois que «l'on aurait peut-être pu corriger le tir.
Il affirme également avoir suivi la situation de près et avoir eu des idées pour intervenir auprès de la banque. «Mais il faut toujours trouver une majorité pour cela», a-t-il déclaré, faisant implicitement référence à ses collègues du Conseil fédéral. Désormais, le mal est fait.
Traduit et adapté par Noëline Flippe