Mia* a cessé depuis longtemps de compter le nombre de dick pics – des photos de pénis – qui lui ont été envoyées sans qu'elle les ait demandées sur Instagram ou Snapchat. Mais elle se souvient encore à quel âge cela a commencé:
Aujourd'hui, elle a 17 ans et sait, par sa propre expérience et celle de ses amies, à quelle vitesse on peut devenir victime de cyber-délits sexuels. Une fois, Mia a été filmée à son insu par son ex-petit ami lors d'actes sexuels. Elle ne l'a appris que lorsqu'il lui a envoyé la vidéo quelques jours plus tard sans qu'elle le lui demande.
Aujourd'hui encore, elle ne sait pas ce qu'il en a fait. Par peur des conséquences, elle n'a pas osé entreprendre quelque chose pour régler la situation. Car cela pourrait être encore pire – une de ses amies peut en témoigner.
Le monde s'est alors effondré pour son amie.
Les femmes comme Mia ou son amie ne sont de loin pas les seules qui ont ces expériences et ces peurs. En 2023, 2611 cyber-délits sexuels ont été recensés en Suisse. 85% des victimes ont moins de 20 ans. Le nombre de cas non recensés est probablement encore bien plus grand: selon une étude de l'Université des sciences appliquées de Zurich (Zhaw), un adolescent sur deux a déjà été harcelé sexuellement en ligne.
Le Conseil fédéral reconnaît lui aussi l'importance du problème: en janvier 2023, il a indiqué dans un rapport que les cyber-délits sexuels devaient être mieux recensés et que diverses mesures d'information devaient suivre, entre autres dans le cadre de la plateforme nationale «Jeunes et médias» de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS).
Ce lundi, l'association Protection de l'Enfant Suisse a lancé une première campagne nationale de sensibilisation, en collaboration avec l'OFAS, la Prévention Suisse de la Criminalité (PSC) et d'autres partenaires.
Sous le slogan «Ce que tu partages en ligne, tu le partages avec tout le monde. Protège ce qui est important pour toi», les acteurs impliqués s'engagent pour que les enfants et les jeunes soient protégés contre les infractions sexuelles en ligne. La campagne et les mesures qui l'accompagnent ont été développées pour une période de trois ans. En 2024, elle tourne autour du thème de la sextorsion et des images modifiées par l'intelligence artificielle. Des délits en augmentation.
Selon le centre de conseil et d'information clickandstop.ch, un projet commun de l'association Protection de l'Enfant et de la Fondation Guido Fluri, la sextorsion représente déjà «presque la moitié de tous les entretiens de conseil». Ce terme désigne une forme de chantage exercé à l'aide de photos et vidéos intimes.
«Cette problématique est aujourd'hui aggravée par l'intelligence artificielle, qui permet aux racketteurs de transformer facilement et rapidement des images quotidiennes inoffensives en images sexuelles», explique Regula Bernhard Hug, responsable du secrétariat de l'association Protection de l'Enfant Suisse. De tels cas d'image falsifiées par l'IA seraient également de plus en plus fréquents dans les entretiens de conseil.
Les images intimes créées par l'intelligence artificielle sont si réalistes que les proches ne se rendent souvent pas compte qu'elles ne sont pas réelles. Ainsi, un père s'est vu envoyer des images et des vidéos pornographiques de sa fille.
Le visage a été volé sur des photos de la fille dans les réseaux sociaux, le corps nu a été créé par IA. Le matériel de chantage représentait donc une scène qui n'a jamais existé.
Dans un cas comme celui-ci, Regula Bernhard Hug conseille de s'adresser immédiatement à la police.
Il est conseillé de bloquer les contacts sur tous les canaux, mais de conserver les preuves comme l'historique des discussions pour la police. Il en va de même pour les photos ou vidéos intimes qui n'ont pas été créées par l'IA.
Afin d'effacer les photos de nus du web ou d'empêcher leur diffusion, la police collabore avec les fournisseurs de services de télécommunication, explique Regula Bernhard Hug. Les mineurs concernés ont en outre la possibilité de s'adresser à l'organisation à but non lucratif National Center for Missing & Exploited Children. Sur leur site web Takeitdown.ncmec.org, les personnes concernées peuvent utiliser un service en ligne pour effacer des images qui ont été prises lorsqu'elles étaient mineures.
Avec cet outil, les victimes peuvent signaler les photos ou vidéos avec lesquels elles risquent d'être extorquées. Le site web ne télécharge toutefois pas ces fichiers – ils restent sur l'appareil de la victime – mais crée une empreinte numérique, une sorte de code, qui est partagée avec des plateformes en ligne sécurisées. Si un site ou une application découvre ensuite que le code est identique à une image ou une vidéo téléchargée sur l'application, il peut empêcher la publication ou supprimer le post.
L'amie de Mia est allée à la police et a porté plainte parce que son ex avait posté ses photos intimes sur les réseaux sociaux. «Il y a eu un procès et le type a été condamné. Il a également dû supprimer les photos», raconte-t-elle. Souvent, cependant, les choses n'en arrivent pas là.
«Les chances d'amener les auteurs à rendre des comptes et de récupérer les sommes d'argent déjà versées sont relativement faibles», écrit la Prévention Suisse de la Criminalité (PSC) sur son site Internet. Néanmoins, il faudrait porter plainte pour tous les cyber-délits sexuels. La PSC écrit:
*Nom connu de la rédaction
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci