Depuis ce jeudi, à 6h01, les droits de douane punitifs envers la Suisse sont entrés en vigueur. Comme le rapporte Bloomberg, avec 39% de surtaxe, la Suisse est la nation qui a été la plus pénalisée parmi les pays industrialisés. Une décision qui a surpris, car Berne semblait mener des négociations jugées prometteuses.
Mais Donald Trump s'est dit agacé de l’excédent commercial de 40 milliards de dollars entre la Suisse et les Etats-Unis.
«Un pays s’est trompé dans ses calculs», titre Der Spiegel. En mai dernier, lors de l’Eurovision, la Suisse plaisantait encore sur ses exportations avec la chanson Made in Switzerland. Aujourd’hui, les sourires se sont figés. Le journaliste du Spiegel, lui-même originaire de Suisse, parle carrément d’«une humiliation devant le monde entier».
Dans l’article, l'excès de confiance de la Suisse revient à plusieurs reprises. Un pays de neuf millions d’habitants, qui prospère hors de l’Union européenne et s’en tient éloigné, croyait dur comme fer qu’il obtiendrait de meilleures conditions que Bruxelles face au président américain.
La critique est vive, et on n’hésite pas à recourir aux clichés. Souvent appelée KKS en Suisse, la ministre des Finances Karin Keller-Sutter est «quasiment inconnue à l’étranger». Elle s'est envolée pour Washington depuis l’aéroport de Berne-Belp, provincial et «entouré de champs». Quant à Guy Parmelin, ministre de l’Economie, il n’aurait pas laissé une meilleure impression.
Le Wall Street Journal parle d’«une gifle en plein visage». Dirigeants économiques et responsables politiques tentent de comprendre pourquoi la «relation historiquement stable avec Washington s’est soudainement rompue». Directeur de la Chambre de commerce suisse-américaine, Rahul Sahgal souligne à quel point ces droits de douane paraissent absurdes.
Pour le magazine Forbes, la Suisse incarne parfaitement l’insécurité générée par la politique commerciale de Trump. Le fort déficit commercial entre les deux pays expliquerait pourquoi la Suisse s’est retrouvée dans le collimateur américain. Mais un facteur aggrave encore la situation, selon le magazine.
En période d’incertitude, la valeur de l’or grimpe. Rien que l’an dernier, son prix a augmenté de 40%, en partie à cause de décisions prises par Donald Trump. Résultat, un déficit commercial encore plus important entre la Suisse et les Etats-Unis, ce qui aurait renforcé la volonté du président d’imposer des sanctions.
The Economist, lui, voit également dans l’or la véritable cause des surtaxes. Il qualifie d'absurde le fait que le métal précieux soit justement exclu des sanctions. Dans une vidéo, la journaliste économique Rachana Shanbhogue explique:
Trump, selon elle, assimilerait de façon étrange un déficit commercial à un vol d’argent. Or, la Suisse, qui impose déjà très peu de droits de douane aux produits américains, a une faible marge de manœuvre pour négocier. «Bienvenue dans une nouvelle ère commerciale», écrit The Economist.
Même tonalité dans le Financial Times, qui parle lui aussi d’un véritable tournant, et de la fin d’un ordre commercial ancien.
La Suisse n’a pas encore abandonné tout espoir. Jeudi, le Conseil fédéral s’est réuni en séance de crise. Karin Keller-Sutter avait déjà annoncé la semaine précédente que les négociations avec les Etats-Unis se poursuivraient, même après l’entrée en vigueur des droits de douane de 39%.
Traduire de l'allemande par Joel Espi