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Ces patrons romands racontent leur guerre contre les 39% de Trump

Florian Spielhofer et Olivier Haegeli, de gauche à droite.
Florian Spielhofer et Olivier Haegeli, de gauche à droite. image: watson et capture

Voici comment ce fromager et cet industriel romands ont résisté à Trump

Olivier Haegeli dirige une entreprise de machines-outils à Delémont (JU), Florian Spielhofer est directeur d'une fromagerie à Saint-Imier (BE). Tous deux dépendent du marché américain. Nous les avions interviewés en août, au début de la crise des droits de douane. Ils racontent ces trois mois d'incertitude.
17.11.2025, 16:5617.11.2025, 17:43

L’un fabrique des machines-outils à Delémont, dans le canton du Jura. L’autre produit de la Tête de moine à Saint-Imier, dans le Jura bernois. Nous les avions joints la première quinzaine d’août, peu après l’annonce, à la toute fin juillet, des 39% de droits douane imposés par Donald Trump à la Suisse. Soudain, le ciel s’abattait sur leur tête. L’industriel delémontain, dont environ 20% des exportations vont aux Etats-Unis, s’exclamait alors:

«39%, c'est impossible!»

Lundi 17 novembre. Quatre jours ont passé depuis que le Conseil fédéral a tweeté la nouvelle libératrice des 15%, le taux tarifaire revu à la baisse par la Maison Blanche. «Ces 15% ne sont sans doute pas l’idéal, mais au moins ils nous positionnent au niveau de nos concurrents européens», se félicite Olivier Haegeli, le directeur de l'entreprise de machines-outils Willemin-Macodel, 370 employés à Delémont.

La patron jurassien confie:

«Si la situation n’avait pas évolué, nous aurions vraisemblablement été contraints de délocaliser une partie de nos machines à l’étranger, où les taux n’étaient pas à 39%»
Olivier Haegeli, directeur de Willemin-Macodel

L’accord trouvé par la Suisse avec les Etats-Unis fait s’éloigner cette triste perspective. La direction delémontaine de Willemin-Macodel, dont environ 20% des exportations se font avec les Etats-Unis, va pouvoir redonner le feu vert à sa filiale d'outre-Atlantique pour prospecter le marché américain à partir de son siège situé dans l'Etat de New York.

Une partie des salariés de Willemin-Macodel est actuellement au chômage partiel. Cette situation préexistait aux 39% de Donald Trump. Depuis le Covid, la demande n’a pas repris à son niveau d'avant la pandémie. Face à l’incertitude liée aux droits de douane, le Conseil fédéral, début octobre, avait étendu la durée d’indemnisation du chômage partiel à 24 mois, après l’avoir prolongée à 18 mois déjà en mai dernier.

Olivier Haegeli, par ailleurs président de la Chambre de commerce et d’industrie du Jura:

«J’espère que le Conseil fédéral maintiendra les 24 mois, malgré la réduction à 15% des tarifs douaniers américains, car le marché reste incertain»
Olivier Haegeli, directeur de Willemin-Macodel

Vendredi 14 novembre, le jour où les 39% sont devenus 15%, «on est partis plus heureux en week-end», relate le directeur de Willemin-Macodel, qui a bu «avec un rare bonheur la bière de soif» qu’il s’accorde lorsqu’arrive la fin de la semaine.

«On peut dire qu’on voit le commencement du début du bout du tunnel»
Olivier Haegeli, directeur de Willemin-Macodel

Autrement dit, ajoute Olivier Haegeli qui varie les images:

«On n'a plus un mur devant nous, mais une barrière avec des portes»
Olivier Haegeli, directeur de Willemin-Macodel

«On a ouvert une bonne bouteille de chasselas»

Florian Spielhofer participait aux World Cheese Awards, à Berne, lorsque le tweet des 15% du Conseil fédéral est tombé sur son téléphone. «On a ouvert une bonne bouteille de chasselas du lac de Bienne pour marquer le coup», se souvient avec soulagement le directeur de la fromagerie qui porte son nom de famille à Saint-Imier et dont la grande spécialité est la Tête de moine AOP.

Les 39% de taxes douanières avaient refroidi les espoirs du fromager de 40 ans. Il en fondait beaucoup aux Etats-Unis. Ce n’est pas que la fromagerie Spielhofer dépende à ce point des exportations outre-Atlantique, 4% de la production exportée par l’entreprise imérienne. Mais le marché américain et ses 350 millions d’habitants représentent un fort potentiel de progression.

«La bonne chose, avec la réduction des droits de douane à 15%, c’est que cela va permettre de débloquer quelques projets en cours aux Etats-Unis, jusqu’ici en stand-by»
Florian Spielhofer, directeur de la fromagerie Spielhofer

Lorsque nous étions allé le voir mi-août à Saint-Imier, les 39% étant entrés en vigueur depuis une semaine, le fromager de Saint-Imier nourrissait les plus grandes craintes pour une commande 17 tonnes de Tête de moine AOP déjà produite pour le marché américain et qui risquait de lui rester sur les bras. Finalement, les choses se sont passées moins mal que prévu. Une partie de cette marchandise a pu être écoulée aux Etats-Unis.

Les explications de Florian Spielhofer:

«La médiatisation faite au sujet de ces 17 tonnes est parvenue aux Etats-Unis. Le New York Times a parlé des difficultés causées par les 39% aux exportations de fromages suisses. Nous avons des clients qui ont quand même passé commande. Il faut dire que la Tête de moine, avec sa Fleurolle pour la découpe et sa commercialisation en Rosette (réd: un tout en un), est un fromage unique en son genre.»
Florian Spielhofer, directeur de la fromagerie Spielhofer

Si les 39% étaient restés en vigueur, la fromagerie Spielhofer «aurait quand même perdu des marchés en 2026 aux Etats-Unis», affirme son directeur.

Reste le handicap du franc suisse, qui s’est encore apprécié face au dollar ces derniers jours. Les 15% de droits de douane deviennent en réalité 25% et plus. C’est toujours mieux que les 50% réels lorsque le taux de 39% était en vigueur.

Moralité, note Florian Spielhofer sous forme de boutade:

«Il aurait mieux valu offrir une Rolex et un lingot d’or à Donald Trump dès le début»
Florian Spielhofer, directeur de la fromagerie Spielhofer
Rep. Marjorie Taylor Greene Responds After Trump Calls Her A 'Traitor'
Video: watson
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