Le Ministère public a prononcé un réquisitoire sévère lundi au procès des quatre membres de la famille Hinduja accusés de traite d'êtres humains et d'usure par métier à Genève. Il a demandé des peines de prison allant de quatre ans et demi à cinq ans et demi. La défense a plaidé l'acquittement.
Le premier procureur Yves Bertossa a débuté par une comparaison: selon le budget de la famille, qui vit dans une villa à Cologny (GE), le montant dépensé pour les animaux de compagnie en 2014 était de 8584 francs alors que le salaire du personnel domestique se situait entre 220 et 400 francs par mois:
Selon le Ministère public, ce procès est celui d'une famille multimilliardaire qui recrute du personnel en Inde pour le payer au lance-pierre:
Yves Bertossa a aussi rappelé la «situation asymétrique» de ces personnes qui n'avaient pas d'autres moyens de survie. Face à eux, il y avait la famille Hinduja, une des plus puissantes d'Inde: «on profite de la misère du monde», a-t-il lancé aux prévenus. Les passeports étaient «confisqués» et les employés étaient à la disposition de tous les membres de la famille, selon le premier procureur. L'abus de vulnérabilité ne fait, selon lui, aucun doute.
Il a requis une peine privative de liberté de 5 ans et demi à l'encontre du père, Prakash Hinduja (78 ans) et de son épouse Kamal (75 ans), tous deux absents pour des raisons de santé depuis le début de ce procès sous haute tension, et de quatre ans et demi à l'encontre de leur fils Ajay (56 ans) et de leur belle-fille Namrata (50 ans).
Une peine de trois ans, avec sursis partiel, a été requise à l'encontre du comptable de la famille, également sur le banc des prévenus, pour complicité. Tous sont accusés d'avoir exploité du personnel de maison durant une dizaine d'années, soit entre 2006 et 2018.
Le premier procureur a aussi demandé de prononcer une créance compensatrice de 3,5 millions de francs en faveur de l'Etat de Genève. Il justifie cette requête par le fait qu'un accord conclu jeudi dernier entre les parties ne dit pas un mot des salaires qui n'ont pas été payés. Il a aussi demandé de mettre les frais de procédure, soit un million de francs, à la charge des prévenus.
La défense a directement enchaîné avec les plaidoiries. Yaël Hayat, qui représente Ajay Hinduja, a d'emblée rappelé que devant le Tribunal correctionnel, il est question de «justice, et non pas de justice sociale». Elle a fustigé au passage un réquisitoire «excessif», «aux allures d'assommoir».
Son client n'a jamais participé au recrutement du personnel, une tâche logistique réservée aux femmes. Elle a appelé la cour à être dans la nuance et surtout à juger les prévenus individuellement.
Romain Jordan, qui défend la belle-fille Hinduja, a également plaidé l'acquittement. Lui aussi a fustigé le Ministère public qui, tel «un rouleau compresseur», vise à faire un exemple.
L'avocat a relevé des failles dans l'accusation qui a notamment passé sous silence des paiements en nature en plus des salaires en espèces. Il y a eu des billets d'avion payés, de la nourriture végétarienne à disposition en suffisance, des produits sanitaires fournis ou des frais médicaux payés. Selon la défense, les trois plaignants n'étaient pas isolés et pouvaient sortir de la villa.
Les plaidoiries se poursuivent mardi. Le verdict est attendu vendredi. (jch/ats)