Voici «un des plus grands problèmes en Suisse en matière d'intégration»
De nombreux enseignants connaissent bien cette situation: un entretien avec les parents est prévu, mais il n'y a pas de langue commune pour discuter de l'enfant. Les parents parlent à peine la langue régionale et l'enseignant ne maîtrise pas leur langue, qu'il s'agisse du portugais, de l'espagnol ou du somali. Afin que l'entretien avec les parents puisse tout de même avoir lieu, une interprète est sollicitée.
Même si cette situation est plutôt exceptionnelle, elle met en évidence un problème fondamental: comment réussir l'intégration des enfants lorsque leurs parents parlent à peine la langue du pays?
La Suisse, mauvaise élève européenne en la matière
Une étude présentée mardi dernier par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montre que la Suisse doit agir dans ce domaine. Notre pays compte plus de 600 000 enfants qui sont nés ici, mais dont les deux parents sont immigrés. Selon l'enquête, plus de 60% de ces enfants ne parlent pas la langue locale à la maison. C'est un chiffre élevé par rapport à la moyenne européenne. Seules l'Autriche, la Finlande et la Suède affichent des taux plus élevés.
Les conséquences se manifestent souvent à l'école: les enfants concernés comprennent et parlent l'allemand, mais ont des difficultés en lecture et en écriture.
Un problème majeur d'intégration
L'étude de l'OCDE a évalué les résultats des tests PISA. Selon cette étude, les jeunes de 15 ans issus de l'immigration ont en moyenne un an de retard en lecture par rapport à leurs camarades dont les parents sont suisses. En Europe, seuls l'Autriche, le Danemark, la Finlande et la Suède présentent des différences plus importantes.
Il convient toutefois de noter que le niveau général des écoles suisses est élevé. Les différences entre les enfants de parents étrangers et ceux de parents suisses sont donc d'autant plus frappantes dans les statistiques.
Il s'agit là «d'un des plus grands problèmes que nous constatons en Suisse en matière d'intégration», a déclaré Mark Pearson, directeur adjoint du département Travail, emploi et affaires sociales de l'OCDE, devant les médias à Berne. Le rapport attribue globalement une très bonne note à la Suisse en matière d'intégration, mais révèle également certaines faiblesses.
Pearson a souligné que les enfants réfugiés ne sont pas les seuls concernés par les lacunes linguistiques. Ne serait-ce que parce que le domaine très discuté de l'asile ne représente que 7% de l'immigration en Suisse. Les trois quarts des immigrants arrivent dans le pays grâce à la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne.
Comment la Suisse pourrait s'améliorer
Certains enseignants craignent que le niveau général à l'école baisse en raison des grandes différences de performances. Pearson n'exclut pas cette possibilité, mais estime que le problème principal réside ailleurs: les enfants issus de l'immigration qui prennent du retard dans leur langue maternelle ont, à long terme, des perspectives d'avenir moins favorables. Sur le marché du travail notamment, la langue est déterminante pour une intégration réussie.
L'expert de l'OCDE exige donc que:
Dans d'autres pays, le moyen le plus simple d'y parvenir est de proposer des services de garde préscolaire. C'est pourquoi la Suisse doit développer son offre de crèches, selon l'appel de Pearson.
Il existe certes des pays comme l'Autriche qui renforcent l'apprentissage linguistique pendant les premières années scolaires, mais cette approche est plus exigeante.
Quel est le pouvoir de la Confédération?
Au Secrétariat d'Etat aux migrations, on parle d'un sujet politique «qui doit certainement être abordé». Cependant, l'office a les mains liées, car le système scolaire et crèche ne relève pas de sa compétence.
Les parents eux-mêmes ont un rôle important à jouer: ils ont déjà aujourd'hui la possibilité d'apprendre une langue nationale. L'étude de l'OCDE montre que les personnes qui ne possédaient que des connaissances de base dans une langue nationale à leur arrivée parlent cette langue presque couramment après cinq ans dans environ la moitié des cas.
Selon le rapport, l'accès à des cours de langue subventionnés par les pouvoirs publics en est une raison importante. 61% des personnes interrogées ont déclaré avoir suivi un cours de langue depuis leur arrivée en Suisse.
