Quelle a été votre réaction en apprenant, le 1er août, jour de fête nationale, que Donald Trump entendait imposer des droits de douane de 39% aux exportations suisses vers les Etats-Unis?
Florence Nater:
Un gros choc, donc, d’autant plus que les négociations, ces derniers mois, sur ce dossier, entre la Confédération et le gouvernement des Etats-Unis, semblaient se dérouler dans de relativement bonnes conditions. Deux jours avant le 1er août, Madame Keller-Sutter (réd: la présidente de la Confédération et cheffe des Département fédéral des finances) avait dit que les choses étaient désormais en main du président des Etats-Unis. Je ne m’attendais pas du tout à cette annonce de Donald Trump dépassant les prévisions les plus pessimistes.
Avez-vous immédiatement pensé aux conséquences possibles de ces 39% pour votre canton?
Bien sûr. Parce que, premièrement, le canton de Neuchâtel est fortement exportateur. Parce que, ensuite, les Etats-Unis sont pour nous le premier pays d’exportation, soit 37% du total de nos exportations. Nous sommes le deuxième canton exportateur vers les Etats-Unis, juste derrière celui de Bâle-Ville, spécialisé comme chacun sait dans la pharma.
Quels sont les secteurs d’exportation touchés par l’annonce de Donald Trump?
Je n’ai pas en tête précisément les proportions respectives, mais la pharma vient en tête, suivie de l’horlogerie et de la machine-outil. En valeur, cela a représenté 5,4 milliards de francs pour l’année 2024.
Et combien d’emplois cela représente-t-il?
Sachant que le secteur secondaire, celui de l’industrie, concerne plus de 32 000 équivalents plein-temps dans le canton de Neuchâtel, le potentiel d’emplois et d’entreprises impactés par la décision américaine, si cette dernière n’est pas corrigée à la baisse, est grand. Le canton de Neuchâtel est très sensible aux évolutions de la conjoncture économique. Nous enregistrons depuis quelques mois des difficultés sur ce plan-là, avec un chômage qui a augmenté à 4,4%, environ de deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Avez-vous l’espoir que les 39% de droits de douane soit une manière pour le président américain de pousser la Suisse à plus de concessions?
Une pression sur quoi exactement, je serais en peine de vous répondre, n’ayant pas accès aux pourparlers entre la Confédération et les Etats-Unis. La présidente de la Confédération a cité le cas de la balance commerciale en défaveur des Etats-Unis, que Donald Trump souhaiterait plus équilibrée. Est-ce seulement cela? Y a-t-il autre chose? Je ne le sais pas à ce stade. Ce que j’espère, c’est que la négociation n’est pas terminée. Pour nous, canton de Neuchâtel, ce qui se joue ces jours-ci est essentiel.
Depuis cette annonce coup de poing de Donald Trump, vous êtes-vous téléphoné entre membres du Conseil d’Etat?
Depuis vendredi, j’ai surtout eu des échanges téléphoniques avec mon chef du service de l’économie, qui, depuis ce lundi, prend les contacts avec les acteurs économiques du canton. Au niveau du Conseil d’Etat, nous envisageons d’écrire un courrier au Conseil fédéral, qui devrait partir entre aujourd’hui et demain mardi.
Pour dire quoi au Conseil fédéral?
Pour lui demander de faire tout ce qui est en son pouvoir pour changer cet état de fait et pour lui rappeler la spécificité économique du canton de Neuchâtel: s’il apparaît comme un petit canton, économiquement, il contribue de façon non négligeable à la richesse nationale.
Etes-vous également en contact avec des partenaires cantonaux à propos des 39%?
Nous le sommes au sein de la conférence des directeurs de l’économie publique de Suisse occidentale, afin d’envisager des démarches communes si nécessaire.
Prévoyez-vous d’ores et déjà des mesures en faveur des entreprises?
C’est un outil qui peut s’avérer utile pour préserver des emplois durant une certaine période.
Cela dans l’hypothèse où une barrière douanière élevée devait entrer en vigueur aux Etats-Unis, avec l’espoir, toutefois, que ce ne soit pas définitif?
Exactement. Les RHT sont tout à fait indiquées pour passer un mauvais cap, par définition non définitif.
Les membres du Conseil d’Etat neuchâtelois sont-ils actuellement en vacances? Vous-même, l’êtes-vous?
Oui, je suis en vacances, en Ardèche.
Etant donnée la situation, et si les 39% devaient être confirmés ou insuffisamment diminués, songez-vous éventuellement à rentrer à Neuchâtel avant la fin prévue de vos vacances?
Les impératifs de la fonction sont toujours prioritaires. Mais il faut voir que, pour l’heure, la majeure partie du dossier n’est pas dans nos mains mais dans celles du Conseil fédéral et du gouvernement américain. Il y a de toute manière toujours une présence au Château (réd: le siège du Conseil d’Etat neuchâtelois, à Neuchâtel). En ce moment, trois de mes collègues sont présents.