Donald Trump a imposé 39% de droits de douane à la Suisse. S'il ne change pas d'avis, cela impactera massivement notre économie. On observe déjà une conséquence au moins: les augmentations salariales vont probablement en pâtir, et ce dès les négociations de 2026.
C'est du moins ce que pensent les employeurs, même si les syndicats continuent de s'y opposer. L'Union patronale a exposé son point de vue dans un communiqué de presse. 2025 a perdu tout semblant de normalité depuis que le dirigeant américain est passé de la parole aux actes en matière de politique commerciale. Toujours selon la faîtière, cela aurait:
Les revendications des syndicats étaient déjà «excessives», poursuivent les employeurs. Dans ce nouveau contexte, elles sont désormais «encore plus exagérées». Les syndicats rétorqueront évidemment que les droits de douane ne servent que de prétexte à une réduction des concessions salariales cette année. Le patronat en est conscient et il tente de réfuter cet argument en soulignant les graves conséquences des taxes imposées par Washington.
Les mesures de Trump ont bouleversé les plans de nombreuses entreprises. Elles n’ont plus la capacité de négocier des hausses de salaires significatives, car leur priorité est désormais d’assurer leur survie. Beaucoup ont vu leurs marges s’effondrer. Dans ce contexte, des augmentations salariales généralisées de plus de 1% paraissent irréalistes.
Pour les employeurs, le « marteau tarifaire » de Donald Trump finit par atteindre presque toutes les entreprises en Suisse. Même celles qui exportent peu ou pas vers les Etats-Unis en ressentent les effets.
Les entreprises directement concernées réduiront d’abord leurs effectifs et gèleront les augmentations. Les ménages dépenseront ensuite moins, et d’autres sociétés freineront leurs investissements. Peu à peu, la conjoncture se dégradera. Au final, préviennent les employeurs, «les entreprises feront preuve de retenue sur les hausses salariales».
L’association patronale insiste sur l’impact du « marteau tarifaire » de Trump, surtout à l’adresse des syndicats. Travail.Suisse, de son côté, avait déjà formulé ses revendications: une augmentation générale de 2% pour l’ensemble des salariés. Dans des secteurs comme la construction ou la santé, il réclame encore plus, estimant que les salaires y avaient trop peu progressé par le passé. Pour le syndicat, ces 2% sont nécessaires afin de couvrir la hausse du coût de la vie, notamment des loyers et des primes d’assurance-maladie.
Alors, les employeurs exagèrent-ils? Selon Daniel Kalt, économiste en chef d'UBS, le choc douanier touche la Suisse aussi durement que celui du franc suisse dix ans auparavant. Pour le spécialiste cependant, le pays a étonnamment bien surmonté la crise en lien avec sa monnaie.
En 2015, le franc s'est brusquement apprécié d'environ 10% par rapport à ses principaux partenaires commerciaux. Avec la politique de Trump, les exportateurs concernés doivent toutefois encaisser +50% environ. Leurs marchandises se renchérissent de 39% à cause des droits de douane et de 10% à cause de la faiblesse du dollar. Pour certaines exportations, cela serait donc bien pire que dix ans auparavant.
C'est la mauvaise nouvelle, mais, selon Kalt, il y en a aussi une bonne. Contrairement au choc du franc, les droits de douane touchent beaucoup moins d'exportations helvétiques. Ils n'impactent évidemment pas toute la zone euro, et environ cinq fois moins d'exportations au total. En d'autres termes, la mesure douanière se répercutera bien moins largement que la crise du franc sur les exportations, mais beaucoup plus fortement sur celles effectivement visées. On pourrait donc, au final, à peu près comparer les deux chocs.
Et si l'on tente de se rappeler l'ampleur des dégâts en 2015? Selon l'analyse de Daniel Kalt, la Suisse s'en était étonnamment bien sortie. Les exportations avaient reculé d'environ 6% en 2015, avant de reprendre. L'industrie avait été mise à rude épreuve, perdant l'équivalent d'environ 25 000 emplois à temps plein en deux ans. Dans le contexte actuel, l'économiste s'attend toutefois à des pertes moindres, de l'ordre de 15 000 postes.
Mais les perspectives en la matière se détériorent depuis longtemps, bien avant les mesures douanières venues des Etats-Unis. C'est ce que révèle une enquête menée auprès de 8000 entreprises par le Centre de recherches conjoncturelles de l'EPFZ (KOF). Les entreprises tablaient encore sur une croissance salariale de 1,6% avant les négociations de 2025. Avant les négociations salariales de 2026, ce chiffre recule de 0,3% pour s'établir à 1,3%.
Selon le KOF, les entreprises sont moins contraintes qu'auparavant d'octroyer des concessions importantes. Cela s'explique sans doute par la fin de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée post-Covid. De plus, l'inflation a fortement reculé, les prix progressent moins rapidement. Les employeurs ont donc moins à débourser pour proposer à leurs collaborateurs un salaire qui augmentera leur pouvoir d'achat.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)