Pour Adriel Jost, la stratégie à adopter face aux tarifs punitifs de Donald Trump contre la Suisse tient en deux simples questions.
Et Adriel Jost sait de quoi il parle: il a été conseiller du vice-président de la direction générale de la BNS et chef économiste du cabinet Wellershoff & Partners.
Aujourd’hui, il est consultant à l’Institut de politique économique suisse de l’Université de Lucerne, chargé de cours à l’Université de Saint-Gall et président du think tank Liberethica.
Voici son plan en trois étapes 👇
Premier pas selon Adriel Jost: interdire l’exportation d’or suisse vers les Etats-Unis. Cela reviendrait pratiquement au même qu’une taxe de 39% sur l’or exporté, comme le réclame le patron de Swatch, Nick Hayek, dans un article de Blick.
Or, Donald Trump n’impose justement pas de taxe sur l’or suisse. Nick Hayek, une analyse appuyée par Adriel Jost, affirme:
Deuxième étape: céder les obligations d’Etat de pays très endettés, en priorité celles des Etats-Unis. Actuellement, la Suisse détient environ 300 milliards de dollars d’emprunts américains à long terme. Près des deux tiers, soit environ 200 milliards, appartiennent à la BNS, selon Jost. Fin juin 2024, le Département américain du Trésor recensait 1194 milliards de dollars de titres américains détenus par des institutions et entreprises helvétiques.
La Suisse occupe ainsi le huitième rang mondial, juste derrière la Chine. Le Royaume-Uni est premier avec 2946 milliards de dollars de titres.
Troisième étape: investir le produit de ces ventes dans l’or. «Et l’acheter si possible aux Etats-Unis», souligne Adriel Jost. Puis faire transformer les lingots d’un kilo dans les raffineries suisses en barres de 400 onces, exportables vers le Royaume-Uni. Sur le marché américain, en revanche, ce sont les petits lingots d’un kilo qui sont demandés.
Les raffineries helvétiques jouent un rôle clé dans ces flux entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni: elles adaptent les formats aux standards du marché. Preuve de leur importance: le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, s’est rendu jeudi dernier à la raffinerie tessinoise Argor-Heraeus.
Avec ces trois mesures, la Suisse obtiendrait au moins une chose, selon Adriel Jost:
Mais il prévoit d’autres conséquences: Washington subirait «rapidement des effets négatifs», comme l’ont montré les remous suscités par l’annonce d’une taxe de 39% sur l’or suisse. L'économiste en est persuadé:
Sous Joe Biden déjà, Adriel Jost reprochait à la BNS de privilégier les obligations d’Etat de pays surendettés au détriment de l’or. En septembre 2024, il écrivait dans le magazine économique Bilanz:
Le conseiller national évangélique Nik Gugger, spécialiste du libre-échange, partage cette analyse: la question de la confiance est centrale. La Suisse devrait adresser un signal fort à Donald Trump en remettant en cause les titres financiers américains. Il recommande que la BNS revoie sa stratégie d’investissement de manière ostensible, ou qu’elle transfère progressivement ses avoirs vers l’or.
Une démarche subtile, mais à forte portée symbolique: «Celui qui se tait quand les marchés se déséquilibrent ne doit pas s’étonner d’être emporté par la tempête», déclame Nik Gugger. «Envoyer un signal maintenant, c’est préserver sa capacité d’action.» Et d’ajouter:
L’or semble jouer un rôle particulier pour Donald Trump. La preuve: il veut faire aménager une salle de bal blanc et or à la Maison-Blanche. «L’or a pour lui manifestement plus de valeur que d’autres biens exportés par la Suisse», observe Adriel Jost:
Surtout, Donald Trump réagit très vite à tout ce qui touche à l’or. Et les marchés à terme américains sur le métal jaune subiraient sans doute des turbulences si la Suisse en interdisait l’exportation, selon l'économiste.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder