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Cet économiste sait comment la Suisse peut faire mal à Trump

Cet économiste sait comment la Suisse peut faire mal à Trump.
L'or revêt une importance particulière pour Donald Trump.Image: Imago / Keystone, montage watson

Comment la Suisse peut frapper le «talon d’Achille» de Trump

La Suisse doit-elle rester les bras croisés alors que Donald Trump lui impose 39% de droits de douane? Non, affirme un économiste bien au fait des coulisses de la Banque nationale. Au cœur de son plan en trois étapes: l'or.
18.08.2025, 11:5918.08.2025, 11:59
Othmar von Matt / ch media
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Pour Adriel Jost, la stratégie à adopter face aux tarifs punitifs de Donald Trump contre la Suisse tient en deux simples questions.

  1. Avons-nous encore confiance dans les emprunts d’Etat américains, quand on voit la politique économique et budgétaire autodestructrice de Donald Trump?
    Réponse: «Non».
  2. Avons-nous confiance dans l’or?
    Réponse: «Oui».

Pour l'économiste, la conclusion s’impose:

«La BNS devrait vendre les obligations d’Etat de pays lourdement endettés comme les Etats-Unis, et acheter de l’or»

Et Adriel Jost sait de quoi il parle: il a été conseiller du vice-président de la direction générale de la BNS et chef économiste du cabinet Wellershoff & Partners.

Aujourd’hui, il est consultant à l’Institut de politique économique suisse de l’Université de Lucerne, chargé de cours à l’Université de Saint-Gall et président du think tank Liberethica.

Voici son plan en trois étapes 👇

Interdire l'exportation d'or vers les Etats-Unis

Premier pas selon Adriel Jost: interdire l’exportation d’or suisse vers les Etats-Unis. Cela reviendrait pratiquement au même qu’une taxe de 39% sur l’or exporté, comme le réclame le patron de Swatch, Nick Hayek, dans un article de Blick.

«Un droit de douane de 39% équivaut de fait à une interdiction d’exportation vers les Etats-Unis.»

Or, Donald Trump n’impose justement pas de taxe sur l’or suisse. Nick Hayek, une analyse appuyée par Adriel Jost, affirme:

«C’est son talon d’Achille!»

Vendre les bons du Trésor américain

Deuxième étape: céder les obligations d’Etat de pays très endettés, en priorité celles des Etats-Unis. Actuellement, la Suisse détient environ 300 milliards de dollars d’emprunts américains à long terme. Près des deux tiers, soit environ 200 milliards, appartiennent à la BNS, selon Jost. Fin juin 2024, le Département américain du Trésor recensait 1194 milliards de dollars de titres américains détenus par des institutions et entreprises helvétiques.

La Suisse occupe ainsi le huitième rang mondial, juste derrière la Chine. Le Royaume-Uni est premier avec 2946 milliards de dollars de titres.

Acheter de l'or aux Etats-Unis

Troisième étape: investir le produit de ces ventes dans l’or. «Et l’acheter si possible aux Etats-Unis», souligne Adriel Jost. Puis faire transformer les lingots d’un kilo dans les raffineries suisses en barres de 400 onces, exportables vers le Royaume-Uni. Sur le marché américain, en revanche, ce sont les petits lingots d’un kilo qui sont demandés.

Les raffineries helvétiques jouent un rôle clé dans ces flux entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni: elles adaptent les formats aux standards du marché. Preuve de leur importance: le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, s’est rendu jeudi dernier à la raffinerie tessinoise Argor-Heraeus.

Les effets escomptés

Avec ces trois mesures, la Suisse obtiendrait au moins une chose, selon Adriel Jost:

«Le surplus commercial avec les Etats-Unis diminuerait brutalement»

Mais il prévoit d’autres conséquences: Washington subirait «rapidement des effets négatifs», comme l’ont montré les remous suscités par l’annonce d’une taxe de 39% sur l’or suisse. L'économiste en est persuadé:

«Cela pourrait inciter le président Trump à se montrer plus conciliant dans les négociations»
L'or revêt une importance particulière pour Donald Trump. Sur la photo, on peut voir un dessous de verre en or lors d'une conversation entre le président américain et le président français E ...
Sur la photo, on peut voir l'un de ses sous de verre en or lors d'une conversation avec le président français Emmanuel Macron.Image: EPA / BONNIE CASH / POOL

Sous Joe Biden déjà, Adriel Jost reprochait à la BNS de privilégier les obligations d’Etat de pays surendettés au détriment de l’or. En septembre 2024, il écrivait dans le magazine économique Bilanz:

«La véritable raison pour laquelle la Banque nationale n’achète pas d’or est probablement qu’elle ne veut pas froisser ses homologues étrangers. Acheter de l’or serait un signal à peine voilé de défiance envers leur monnaie.»

Une question de confiance

Le conseiller national évangélique Nik Gugger, spécialiste du libre-échange, partage cette analyse: la question de la confiance est centrale. La Suisse devrait adresser un signal fort à Donald Trump en remettant en cause les titres financiers américains. Il recommande que la BNS revoie sa stratégie d’investissement de manière ostensible, ou qu’elle transfère progressivement ses avoirs vers l’or.

Une démarche subtile, mais à forte portée symbolique: «Celui qui se tait quand les marchés se déséquilibrent ne doit pas s’étonner d’être emporté par la tempête», déclame Nik Gugger. «Envoyer un signal maintenant, c’est préserver sa capacité d’action.» Et d’ajouter:

«Nos obligations ne sont pas que de l’argent, elles reflètent aussi à qui nous accordons notre confiance»

Une affection pour le métal jaune

L’or semble jouer un rôle particulier pour Donald Trump. La preuve: il veut faire aménager une salle de bal blanc et or à la Maison-Blanche. «L’or a pour lui manifestement plus de valeur que d’autres biens exportés par la Suisse», observe Adriel Jost:

«Trump semble avoir un rapport très personnel avec ce métal»

Surtout, Donald Trump réagit très vite à tout ce qui touche à l’or. Et les marchés à terme américains sur le métal jaune subiraient sans doute des turbulences si la Suisse en interdisait l’exportation, selon l'économiste.

«Le président américain serait alors obligé de réagir»

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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