La Suisse gagne des centaines de millions grâce à la corruption
La Suisse est une plaque tournante pour les matières premières, que ce soit comme place financière pour leur trading ou avec ses mastodontes actifs dans leur extraction. Extraction qui a souvent lieu dans des pays émergents et pauvres où la corruption est particulièrement importante.
Une enquête de Transparency International, parue l'an dernier, révélait qu'une entreprise suisse sur trois versait des pots-de-vin à l'étranger pour obtenir des contrats. Ce rapport s'appuyait sur les déclarations des entreprises elles-mêmes. L'organisme reconnaissait néanmoins que l'Etat suisse luttait activement contre la corruption et faisait figure de bonne élève. Notamment pour le nombre de poursuites pénales menées contre des sociétés helvétiques: 14 affaires ont été clôturées entre 2011 et 2024 et 730 millions de francs ont été saisis par la justice.
Mais le quotidien 24 Heures, relaye cette semaine un autre rapport qui ternit un peu cette image, celui du Basel Institute on Governance. Intitulé sobrement «Repenser l'utilisation par la Suisse des profits illicites provenant des règlements pour corruption à l'étranger», ce rapport pointe un problème majeur:
La situation est donc gênante, d'un côté, la Suisse bichonne son image en condamnant les coupables, mais, de l'autre, elle gagne des centaines de millions, sans que les populations spoliées ne récupèrent ce à quoi elles auraient droit. Et c'est la loi suisse qui permet cet état de fait.
Le Basel Institute on Governance expose la mécanique:
Cette disposition a involontairement entravé la négociation de tels accords dans les affaires de corruption d’agents publics étrangers, car la coopération internationale est rarement sollicitée ou exigée des Etats où la corruption a lieu.»
La Suisse gagne donc deux fois grâce à la corruption: les entreprises concluent des affaires juteuses, dont les bénéfices rentrent au pays, et lorsqu'elles sont condamnées (si elles le sont), ce sont les caisses fédérales qui se remplissent. Du côté politique, 24 Heures rappelle que le Conseil national, à majorité bourgeoise, rejetait en juin un postulat PS pour réanalyser la situation. Ignazio Cassis expliquait pendant les débats que le système actuel incitait les pays étrangers à coopérer avec la Suisse pour toucher leur dû.
Ce qui s'avère compliqué dans les faits, car souvent les agents étrangers corrompus sont toujours en poste et n'ont pas intérêt à s'exposer en demandant la coopération officielle de la Suisse.
En rappelant qu'aucun pays n'a de politique garantissant la restitution certaine des fonds, le rapport suggère quelques pistes pour que la Suisse se démarque.
Outre un changement de loi, il propose notamment de s'assurer que l'argent confisqué soit «redistribué en toute transparence aux populations des pays dans lesquelles la corruption a lieu», par exemple sous forme d'aide humanitaire ou qu'il soit utilisé pour combattre la corruption elle-même. Ce qui assurerait à la Suisse de «s’imposer comme une figure de proue de cette lutte». (hun)


