C'est à peu près ainsi que se présentent les messages qui parviennent au service clientèle de Mspy. L'entreprise s'est spécialisée dans les logiciels d'espionnage pour les particuliers. Officiellement, Mspy se présente sur son site web comme une «application de protection des enfants». Mais le service est souvent détourné de son but pour surveiller illégalement des proches, comme le montrent les données divulguées.
Le portail Netzpolitik.org et la chaîne de radio allemande SWR ont récemment publié une enquête sur Mspy. Au cœur de celle-ci se trouve une base de données divulguée contenant plusieurs millions de requêtes adressées au service client de Mspy. En analysant ces informations, les journalistes ont constaté que de nombreuses personnes utilisent cette application d’espionnage pour surveiller secrètement le téléphone de leur partenaire ou une ex-compagne. Le fait qu’ils enfreignent la loi semble peu préoccuper ces individus méfiants et obsédés par le contrôle.
L’espionnage illégal est également répandu en Suisse. Selon des rapports de la SRF et de Republik, les données divulguées contenaient également 2500 requêtes adressées au service client depuis la Suisse. Parmi les utilisateurs figureraient notamment plusieurs employés de la Confédération, un professeur et le chef d’une police régionale.
L’utilisation de cette application d’espionnage implique une approche pour le moins dénuée de scrupules. Il faut savoir que le logiciel ne peut pas être installé à distance: la personne qui espionne doit avoir physiquement accès au téléphone ciblé ainsi que connaître ses codes PIN ou mots de passe. Une fois l’application installée, aucune icône n’apparaît sur l’appareil, et le programme fonctionne discrètement en arrière-plan.
Mais l’application permet un contrôle total, il est possible:
Une telle surveillance constitue une atteinte grave à la vie privée et représente, en Suisse, une infraction pénale.
Cela s’applique en principe aussi à la surveillance des enfants et des adolescents, à moins qu’ils n’en soient informés. Toutefois, ces infractions ne sont généralement poursuivies que si la victime porte plainte contre l’auteur, ce qui est rare. Les jeunes enfants, qui ne sont pas considérés comme capables de discernement au sens juridique, n’ont aucun moyen de se défendre. Quant aux adolescents, il est peu probable qu’ils portent plainte contre leurs propres parents pour surveillance illégale.
Sur le site web de Mspy, le discours est quelque peu différent. L'application fait la promotion de ses services dans le but de «créer un monde en ligne meilleur et plus sûr pour les enfants et d’aider les parents à se sentir à l’aise». Elle exploite ainsi les craintes que de nombreux parents partagent:
Selon l’application, il est facile pour des inconnus de s’approcher discrètement des enfants en ligne. Mspy se positionne comme une solution de protection contre ce risque.
L’application profite de la peur, de la méfiance et de l’obsession du contrôle. Les utilisateurs doivent payer cher pour cela: selon la version et la durée, les frais varient entre 10 et 50 dollars par mois. Longtemps, il était difficile de savoir qui se cachait réellement derrière Mspy et qui empochait cet argent. Cependant, selon plusieurs rapports, les données divulguées suggèrent que l’application appartient à la société informatique ukrainienne Brainstack, qui jusqu’à présent n’a pas fait parler d’elle publiquement.
Bien que les applications d’espionnage ne soient souvent pas évidentes à repérer pour les non-initiés, il existe des indices et des méthodes pour les démasquer. Par exemple, une consommation de données soudainement plus élevée ou une décharge rapide de la batterie peuvent indiquer des activités en arrière-plan. Il est également conseillé de vérifier les paramètres de confidentialité pour voir quelles applications ont quels types de permissions.
Comme l'indique Janik Besendorf du laboratoire pour la sécurité numérique de Reporter sans frontières dans une interview avec Netzpolitik, il est particulièrement important de vérifier les paramètres d'accessibilité. Les applications légitimes peuvent utiliser cette fonctionnalité pour lire à voix haute des textes provenant d'autres applications. Cependant, cette fonction est souvent détournée pour envoyer des messages aux personnes qui surveillent, avertit l'expert. En cas de doute, il est conseillé de retirer cette permission à toute application qui n'est pas utilisée activement pour l'accessibilité.
Traduit et adapté par Noëline Flippe