Société
Sexe

Regarder du porno à deux est bénéfique pour les couples

Une psy nous explique pourquoi le porno est important pour un couple

Presque tous les hommes et jusqu’à 80% des femmes regardent du porno. Mais on n’en parle pas. C’est ce que veut changer Ursina Donatsch, sexologue et thérapeute de couple. Elle plaide pour que les couples regardent ensemble des films pornographiques et que l’éducation sexuelle des enfants les sensibilise aux films pour adultes.
26.12.2024, 19:05
Annika Bangerter / ch media
Plus de «Société»

C’est grâce à ses patientes que la recherche d’Ursina Donatsch a vu le jour. La psychothérapeute entendait régulièrement leurs préoccupations concernant la consommation de pornographie de leurs partenaires. Cela a éveillé l’intérêt de la sexologue, d’autant plus qu’elle ne trouvait aucune étude sur le sujet. Elle a donc soutenu sa thèse à l’Université de Zurich sur ce thème. Aujourd’hui, elle publie un livre dans lequel elle montre comment les couples peuvent développer une relation saine avec la pornographie.

Ursina Donatsch
Cette femme de 44 ans a étudié la psychologie à l'Université de Zurich et a obtenu son doctorat sur le thème de la pornographie dans les relations. Elle a suivi une formation de p ...
Ursina Donatsch a étudié la psychologie à l'Université de Zurich et a obtenu son doctorat sur le thème de la pornographie dans les relations.

Pourquoi conseillez-vous aux couples de regarder des pornos ensemble?
Ursina Donatsch: Les pornos sont un excellent moyen de parler de sexualité. Ce sujet est trop souvent ignoré et reste un tabou dans de nombreuses relations. Commencer par «Parlons un peu de sexe» ne fonctionne pas pour beaucoup de gens. Mais si je demande à un couple de regarder un porno, ils s’assoient ensemble et trouvent assez facilement un sujet de discussion. Parfois, l’un des deux ne veut pas tout de suite dire ce qu’il aime regarder seul. Cela amène déjà la discussion à un point crucial.

C’est-à-dire?
Lorsqu’on leur pose la question, il arrive souvent que l’un des partenaires explique:

«Je ne veux pas que tu penses que j’aimerais faire ça avec toi au lit»

Cela ouvre la voie à une conversation utile qui permet de démystifier un préjugé largement répandu: il n’est tout simplement pas vrai qu’on regarde du porno pour combler quelque chose qui manque dans sa sexualité avec son partenaire. Mais ce n'est pas la seule discussion que le porno apporte.

Racontez-nous.
Les couples parlent de ce qu’ils aiment ou n’aiment pas dans leur sexualité. Ils abordent leurs désirs, fantasmes et préférences. Certains couples reviennent en séance en disant: «Finalement, on n’a même pas choisi de porno, mais on a parlé pendant des heures». Bien sûr, la consommation commune est aussi une option. Mon étude a confirmé qu'elle a un impact positif sur la sexualité du couple. Mais l’aspect le plus important réside dans l’échange qui en découle.

Les couples abordent-ils spontanément la question des pornos en thérapie?
Non, c’est à moi de soulever la question. Bien que presque tout le monde y soit confronté et que la disponibilité et la consommation aient considérablement augmenté, pratiquement personne n’en parle.

D’où vient ce tabou?
La consommation de pornographie fait partie de la solosexualité, c’est-à-dire de la masturbation. C’est une activité très intime.

«Il s’agit aussi de fantasmes qu'on veut souvent laisser secrets, et c’est parfaitement légitime»

Mais cela peut entraîner un sentiment de culpabilité et de confusion. Beaucoup de personnes sont satisfaites de leur sexualité en couple et ne comprennent pas pourquoi certains pornos les excitent. S’ils essaient de dissimuler leur consommation, cela suscite de grandes incertitudes chez l’autre partenaire.

Comment ces incertitudes se manifestent-elles?
Il s’agit principalement de la peur de ne pas être à la hauteur au lit.

«Cette inquiétude est particulièrement marquée chez les femmes, comme ma propre étude, ainsi que mon expérience en consultation, le montre»

D’un point de vue rationnel, les femmes savent que les pornos ne représentent aucune menace pour la sexualité de leur couple, mais la peur se déclenche dès qu’elles découvrent que leur partenaire en consomme. En réalité, il s’agit d’une forme de jalousie. Le problème, c’est le besoin de rester la personne la plus désirable aux yeux de son partenaire.

Comment réagissent les hommes lorsqu’ils prennent connaissance des inquiétudes de leur compagne?
Ils se sentent soulagés de pouvoir expliquer la situation. En règle générale, ils disent: «Les pornos n’ont rien à voir avec toi et avec nous.» Ce qui crée un fort sentiment de connexion et de proximité lorsque la partenaire comprend le rôle que jouent les pornos. Je les encourage toujours à changer de perspective. La question de l’estime de soi est aussi une préoccupation pour les hommes.

«Les femmes peuvent aussi penser à d’autres hommes lorsqu’elles se masturbent, sans pour autant remettre en question leur relation»

Il est important de comprendre que la solosexualité n’entre pas en concurrence avec la sexualité de couple. Les chiffres le montrent.

Que disent les chiffres?
Nous savons que plus de 98% des hommes et entre 70 et 80% des femmes regardent des pornos. Il n’est donc pas vrai que ces films ne sont consommés qu'hors des relations. Et c’est tant mieux. Tout ce qu’on investit dans la solosexualité et dans son identité sexuelle personnelle contribue à la satisfaction sexuelle en couple.

Les femmes sont souvent présentées comme passives ou soumises dans les pornos. En quoi cela serait-il bénéfique à une relation égalitaire?
Parce que le sujet est mis sur la table. Il s’agit de discuter de ce que l’on trouve excitant dans ces scènes. Cela n’a rien à voir avec l’intimité, l’amour ou la sexualité partagée. Il est avéré que, dans les films destinés à l’excitation personnelle, de nombreux hommes, mais aussi des femmes, se tournent vers des rôles inégaux. Cela n’a cependant rien à voir avec leur vision fondamentale des choses.

Comment expliquez-vous ce phénomène?
Cela touche à la question des personnes qui s'intéressent au BDSM ou qui ont ce genre de fantasmes. Il s'agit de se libérer du contrôle et de s’abandonner complètement, ce qui contraste avec la vie quotidienne où l’on doit toujours garder le contrôle. Ce phénomène est observé en général dans la sexualité et se reflète également dans les pornos.

De nos jours, beaucoup de jeunes sont exposés au porno très tôt. Quel est son impact sur leur sexualité et leurs représentations des rôles sexuels?
Les études montrent que l’influence négative n’est pas aussi forte que ce que l’on imaginait. Mais je plaide pour qu’on ne minimise pas la question des pornos chez les adolescents. Un adulte peut facilement distinguer le film de la réalité.

«C’est comme avec un film d’action: ceux qui aiment ça ne vont pas commencer à tuer dans la vraie vie»

Les adolescents sont peut-être capables de faire cette distinction, mais leur problème, c’est qu’ils n’ont pas de comparaison. Ils regardent un porno avant d’avoir eu des expériences sexuelles réelles avec quelqu’un. C’est là le danger.

Comment faut-il réagir à cela?
Il ne sert à rien de diaboliser la pornographie. C’est une réalité à laquelle les jeunes sont confrontés. Ce qui est important, c’est la façon dont on les informe. Les jeunes doivent comprendre que les pornos ne sont pas des outils d'éducation sexuelle et qu’ils ne représentent pas la réalité. Ils doivent savoir que ce sont des idées et des fantasmes sexuels, et qu’ils peuvent aussi expérimenter leurs propres limites à travers eux. Mais pour pouvoir leur transmettre ce message, il faut engager des discussions.

Qui doit mener ces discussions?
Les parents ont un rôle crucial à jouer. Avec les jeunes enfants, c’est encore possible, mais cela devient plus difficile à l’adolescence. Les parents perçoivent bien lorsque leurs enfants ne veulent plus parler de sexe avec eux. Cependant, ils peuvent toujours transmettre des messages, par exemple sur le fait que les pornos peuvent susciter des émotions variées – à la fois excitantes et répulsives.

«En revanche, si les parents condamnent les pornos, ils risquent d’en faire quelque chose d’encore plus attirant»

De plus, ils n’informent pas leurs enfants sur leur véritable fonction. Les pornos sont faits pour provoquer une montée de l’excitation. Les jeunes doivent le savoir; ils ont besoin de «compétences pornographiques», et ce sont les parents, ainsi que le système éducatif, qui doivent les leur transmettre.

Vous suggérez de parler de ce sujet dès l'enfance. Comment aborder la question des pornos avec des enfants?
Il est essentiel d’adopter une approche adaptée à l’âge. Pour les pornos, comme pour tous les autres aspects de la sexualité, je conseille de dire aux enfants juste ce qu’ils souhaitent savoir. Les parents sentent rapidement quand un enfant a eu suffisamment d’informations et quand il faut arrêter.

«L’important est de briser les tabous concernant le corps et la sexualité»

Cela commence par apprendre aux enfants à nommer correctement leurs parties génitales. Les parents peuvent aussi aider à déstigmatiser la question.

Comment?
Il faut faire disparaître la gêne autour de certains mots. Parler de «zone intime», «lèvres», «vulve». Cela peut sembler un peu inhabituel au début, c’est pourquoi il est important de s’entraîner à l'utiliser dans les conversations avec des adultes. Car comment aborder la sexualité de manière détendue avec un enfant si l’on n’y parvient même pas avec son propre partenaire? Il est donc essentiel de commencer à en parler d’abord dans le couple, puis avec d’autres personnes, et enfin avec ses enfants.

Traduit et adapté de l’allemand par Tanja Maeder

La vie de couple en 20 cartoons amusants
1 / 22
La vie de couple en 20 cartoons amusants
source: imgur / imgur
partager sur Facebookpartager sur X
Du porno diffusé sur l'écran d'un parcmètre
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Les incels, l'idéologie extrême qui pousse des ados au meurtre
La très plébiscitée série Netflix Adolesence met en scène un adolescent radicalisé par les discours masculinistes et la mouvance incel. Retour sur cette sous-culture extrémiste, dont les jeunes hommes sont victimes.

L'événement culturel du moment est assurément Adolescence, la série britannique est actuellement en tête des visionnages dans plusieurs pays. Elle s'inspire d'une vague de meurtre au couteau qui a frappé l'Angleterre ces dernières années et dont les principaux auteurs sont des adolescents.

L’article