Une réglementation excessive de la part d'un Etat américain? Ou une action nécessaire face à un problème urgent? Le parlement de Floride a pris une décision: les jeunes de moins de 14 ans ne peuvent plus ouvrir de compte sur les réseaux sociaux. Ceux qui ont 15 ou 16 ans ont besoin de l'autorisation de leurs parents pour le faire.
Les responsables politiques de cet Etat sont catégoriques: selon eux, les réseaux sociaux portent préjudice aux jeunes. Ils soulignent particulièrement les risques de surconsommation de plateformes en ligne, qui semblent plus préoccupants chez les adolescents, dont les cerveaux sont en pleine évolution.
Des applications telles que TikTok, Instagram et Snapchat sont accusées d'aggraver les problèmes psychologiques et d'encourager les comportements addictifs. Le constat est alarmant: de plus en plus de jeunes semblent incapables de se détacher de leurs téléphones portables.
Est-ce une exagération? Selon Regula Bernhard Hug, directrice du bureau de l'Association suisse pour la protection de l'enfant, il y a une réelle augmentation des problèmes liés à l'utilisation des réseaux sociaux chez les jeunes. Elle affirme que ces plateformes nuisent à la santé mentale, en particulier chez les filles.
Des études révèlent qu'en Suisse, les jeunes passent plus de temps sur leur téléphone portable qu'il y a deux ans, une tendance potentiellement exacerbée par la pandémie. Susanne Walitza, directrice de la clinique de psychiatrie pour enfants et adolescents à la clinique psychiatrique universitaire de Zurich, souligne que cette augmentation de l'utilisation des réseaux sociaux s'accompagne d'une hausse des troubles psychiques tels que l'anxiété, la dépression et les troubles alimentaires, tant au niveau mondial qu'en Suisse.
Bien que les études scientifiques sur le sujet soient encore limitées, la directrice de la clinique souligne que les chercheurs observent des corrélations entre l'augmentation de l'utilisation des réseaux sociaux et la hausse des problèmes de santé mentale.
Et bien que les smartphones aient été un outil de communication crucial pour de nombreux adolescents pendant la crise sanitaire, elle met en garde contre les effets néfastes d'une consommation excessive de médias, susceptibles de provoquer ou d'aggraver les souffrances psychiques.
Il existe diverses formes d'agressions en ligne telles que le cyberharcèlement et le cybergrooming. Le cyberharcèlement implique des insultes, des moqueries ou des menaces répétées à l'encontre d'un utilisateur, souvent accompagnées de la diffusion de photos embarrassantes ou de commentaires dégradants. Quant au cybergrooming, il s'agit de l'interaction d'adultes avec des mineurs sur les plateformes en ligne dans le but de les inciter à des contacts sexuels.
Outre ces dérives, les réseaux sociaux ont considérablement évolué. A leurs débuts, leur fonction principale était de permettre l'échange de messages, d'images et de vidéos au sein de communautés. Aujourd'hui, les algorithmes reconnaissent nos préférences, nous permettant de visionner continuellement des contenus sans jamais interagir directement avec d'autres personnes. Cette habitude peut entraîner divers problèmes tels que le manque d'exercice, le manque de sommeil, une alimentation peu saine et un isolement social croissant.
Les jeunes filles sont particulièrement vulnérables aux risques associés à la glorification des idéaux de beauté irréalistes sur les réseaux sociaux. Cette exposition peut entraîner une altération de l'estime de soi chez les utilisatrices, conduisant parfois à des troubles alimentaires sévères résultant du désir de perdre excessivement du poids.
Face aux multiples conséquences négatives potentielles, la Suisse devrait-elle suivre l'exemple de la Floride en interdisant aux jeunes de moins de 14 ans d'avoir des comptes sur les réseaux sociaux, dans le but de les protéger?
Selon les experts, une interdiction est une mesure radicale qui nécessite une évaluation approfondie de sa mise en œuvre. Pro Juventute souligne que le débat sur la protection des enfants et des jeunes en ligne est crucial, mais réduire les réseaux sociaux à leurs seuls aspects négatifs est trop simpliste. L'interaction avec des pairs sur ces plateformes fait partie intégrante du développement des jeunes.
La psychiatre pour adolescents, Susanne Walitza, a proposé que les utilisateurs de plateformes soient tenus de désactiver les algorithmes. Ainsi, ceux qui ont effectué des recherches sur un sujet tel que la perte de poids ne seraient pas constamment exposés à ce type de contenu.
En Suisse également, la demande de réglementation accrue se fait ressentir. Cependant, les experts insistent sur l'importance pour les parents et les écoles d'engager des discussions avec les enfants concernant l'utilisation des réseaux sociaux et de fixer des limites de temps.
Regula Bernhard Hug, de l'association Kinderschutz, souligne:
On ignore encore si l'interdiction sera effectivement mise en œuvre en Floride. Des plaintes pour atteinte à l'autorité parentale sont à prévoir, et les grands groupes technologiques tenteront probablement de contester la loi en invoquant la liberté d'expression. Cependant, les dangers que le parlement de Tallahassee cherche à contrer sont indéniablement réels.
Traduit et adapté par Noëline Flippe