Dans une Chambre où républicains et démocrates ne sont d’accord sur pratiquement rien, c'est suffisamment rare pour être noté: TikTok représenterait une menace si grave pour la sécurité nationale qu’il faudrait la contraindre à vendre ses activités américaines à un propriétaire non chinois. Son interdiction potentielle a été adoptée mercredi à une écrasante majorité de 352 voix contre 65.
Face à la menace d'une interdiction, le PDG de TikTok, Shou Zi Chew, a appelé ses 170 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis à réagir massivement. «Faites-vous entendre», a-t-il lancé sur TikTok et sur X après le vote.
Voilà des mois que TikTok se trouve dans le collimateur des autorités américaines. De nombreux responsables estiment que la plateforme permet à Pékin d'espionner et de manipuler les citoyens. La société a nié, à plusieurs reprises, avoir transmis des informations aux autorités chinoises et assuré qu'elle refuserait toute requête éventuelle en ce sens.
La proposition de loi obligerait ByteDance, la société mère de TikTok, à vendre l'application dans un délai de 180 jours, faute de quoi elle serait exclue des boutiques d'applications d'Apple et de Google aux Etats-Unis.
Le sort du projet repose désormais sur le Sénat. Malgré d'importants soutiens, des personnalités de premier plan s'opposent à une mesure aussi radicale à l'encontre d'une application extrêmement populaire. Une lueur d'espoir pour les nombreux utilisateurs massés devant le Capitole pour brandir pancartes et cris de protestation. «Nous espérons que le Sénat va prendre en compte les faits, écouter ses administrés et réaliser l'impact qu'une interdiction aurait sur l'économie», a réagi un porte-parole de TikTok auprès de l'AFP.
Le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a tenu à relativiser: selon lui, le texte de loi «n'interdit pas TikTok». «Il vise à solutionner des questions légitimes de sécurité nationale et de protection des données liées aux rapports du Parti communiste chinois avec un réseau social», a-t-il rectifié.
Pour sa part, le président républicain de la Chambre, Mike Johnson a salué le vote qui a réuni des élus des deux partis: «Il montre l'opposition du Congrès aux tentatives de la Chine communiste d'espionner et de manipuler les Américains et constitue un signe de notre détermination à dissuader nos ennemis.»
Quant au président américain Joe Biden, il a déclaré qu'il promulguerait le texte en cas d'adoption au Sénat.
Aucun acquéreur potentiel ne s'est pour l'instant officiellement manifesté. Selon le Wall Street Journal, l'ancien patron de l'éditeur de jeux vidéos Activision Blizzard, Bobby Kotick, aurait manifesté son intérêt auprès du co-fondateur de ByteDance. La valeur de TikTok est difficile à estimer, en particulier dans le cas d'une vente contrainte. En 2020, ByteDance avait fixé son prix à 60 milliards de dollars alors que le gouvernement de Donald Trump voulait le forcer à s'en séparer, selon Bloomberg.
L'ancien président américain a justement opéré un revirement à 180 degrés lundi, en affirmant qu'il était opposé à une interdiction, principalement parce qu'elle renforcerait Meta, le propriétaire d'Instagram et de Facebook, un «ennemi du peuple» a-t-il ajouté. En 2020, sa tentative d'arracher le contrôle de TikTok à ByteDance avait abouti à un échec devant les tribunaux américains.
D'autres tentatives d'interdiction de TikTok ont également échoué. Il y a un an, un projet de loi n'a pas abouti, principalement en raison de préoccupations liées à la liberté d'expression. Quant à la proposition actuelle, «c'est un texte trop général, qui ne va pas résister à l'examen du premier amendement» à la Constitution américaine qui garantit la liberté d'expression, a réagi l'élu démocrate à la Chambre Ro Khanna. (mbr/ats)