Vas Narasimhan, patron de Novartis, a deux mots préférés typiquement américains: strong (fort) et great (formidable). Lors de la présentation des résultats semestriels, il n’a pas manqué d’y recourir. Et il avait de bonnes raisons: depuis le début de l’année, Novartis a vendu pour 27,2 milliards de dollars de médicaments (+12%).
Le bénéfice net s’est envolé à 7,6 milliards de dollars (+29%), avec une marge record de 42,2%. Le groupe se porte si bien qu’il relève ses prévisions pour l’année, du moins pour son résultat opérationnel, où il vise désormais une progression de 11 à 13%.
Voilà bien une chose que les actionnaires jugeront sans doute eux aussi «fort» et «formidable»: Novartis lance un programme de rachat d’actions pouvant atteindre 10 milliards de dollars, à réaliser d’ici 2027. Ces opérations ont pour effet d’augmenter le bénéfice par action pour les titres restants.
Mais cela pourrait aussi laisser penser que l’entreprise ne sait plus quoi faire de tout son argent. Le directeur financier sortant, Harry Kirsch, a donc tenu à préciser:
Les derniers chiffres ont même surpris les analystes. La forte demande pour l’Entresto, un médicament cardiovasculaire, retient particulièrement l’attention. C’est aujourd’hui le produit vedette de Novartis, avec 4,6 milliards de dollars de ventes au premier semestre de l’année.
Mais cet essor n’est pas éternel. Le brevet arrive à échéance et des copies pourraient débarquer aux Etats-Unis dans les semaines à venir. Novartis fait tout pour retarder ce moment par des procédures juridiques.
Vas Narasimhan se montre, toutefois, confiant: il estime pouvoir compenser ces pertes à temps. Mais ce n’est pas encore joué. Plusieurs médicaments rachetés à prix d’or sous son ère n’ont, à ce jour, pas encore répondu aux attentes.
Pas de quoi faire vaciller le PDG, même face aux menaces frontales de Donald Trump contre l’industrie pharmaceutique. Le candidat à la présidentielle a récemment affirmé qu’il allait probablement imposer des droits de douane sur les médicaments dès la fin du mois. Il commencerait par un taux modeste pour laisser aux entreprises le temps de relocaliser leur production. Mais à terme, Donald Trump a évoqué une surtaxe de 200%.
Vas Narasimhan a réagi à ces annonces:
Il reste optimiste: un accord avec Washington serait possible. Novartis entend d’ailleurs sécuriser au plus vite son approvisionnement aux Etats-Unis, un marché crucial. Le groupe prévoit d’investir 23 milliards de dollars dans ses usines américaines au cours des cinq prochaines années.
Reste qu’on ne construit pas des sites de production du jour au lendemain. Trump envisage donc d’accorder un délai de 12 à 18 mois. Est-ce suffisant? Vas Narasimhan, ce coup-ci, se montre prudent:
Un message qui ne réjouira guère la Suisse et l’Europe. Il montre que la pharma, fleuron des exportations suisses, n’hésite pas à réorienter ses investissements vers l’Amérique ou l’Asie. Vas Narasimhan a certes promis de continuer à investir à Bâle et dans les sites européens, mais ces montants resteront stables, tandis que ceux destinés aux Etats-Unis vont croître.
Un avertissement implicite: si l’Europe ne relève pas ses prix de médicaments, d’autres fonds partiront, et certains traitements pourraient disparaître faute de rentabilité.
Roche vient de le démontrer. Mercredi, le Tages-Anzeiger a révélé que le groupe retirait un médicament anticancéreux du marché suisse, faute d’avoir obtenu une hausse de prix. Chez Novartis, Vas Narasimhan affirme vouloir éviter ce genre de décision. Mais il prévient:
Reste à voir si ces menaces seront mises à exécution. Une chose est sûre: ces retraits auront des conséquences, notamment pour l’image des groupes pharmaceutiques, qui aiment tant se draper de «Swissness». Rien de très «great» ou «strong», en somme.
Adapté de l’allemand par Tanja Maeder