D'habitude, elle est plutôt du genre à rester au second rang. Mais cette fois-ci, Thérèse Blanchet a réussi à se faire une place de choix sur la photo. Elle pose au centre de l'action, juste entre le président français Emmanuel Macron et la Première ministre italienne Giorgia Meloni. Le chancelier allemand Olaf Scholz est assis en bas, avec en face de lui la commissaire européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel. La «photo de classe» a fait le tour des médias européens.
But de la mini-réunion? Convaincre le Premier ministre hongrois Viktor Orbán de retirer son veto et ouvre la voie au paquet d'aide de 50 milliards à l'Ukraine. Au final, l'opération s'est révélée être un succès. Orbán s'est rangé du côté de ses homologues européens.
Lorsque les chefs d'Etats les plus puissants se réunissent pour décider du sort de l'Europe, Thérèse Blanchet est de la partie. En tant que secrétaire générale du Conseil de l'Union européenne, elle est l'une des plus hautes fonctionnaires de Bruxelles et la patronne de 3000 employés. Elle est la seule fonctionnaire à pouvoir s'asseoir à la table des chefs d'État et de gouvernement lorsqu'ils se réunissent pour un sommet. Elle est la conseillère juridique suprême de Macron, Scholz et consorts. Et elle vient de chez nous.
Née à Genève en 1962, cette juriste a été nommée à la tête de l'UE il y a deux ans. En tant que Suissesse, la voie vers une carrière de fonctionnaire européen lui était interdite. Seuls les citoyens de l'UE peuvent devenir fonctionnaires européens. Mais comme elle possède également la nationalité française par sa mère, les portes se sont ouvertes devant elle.
Après des études de droit à Genève puis une formation d'avocat, Thérèse Blanchet commence à travailler au début des années 1990 pour l'organisation de libre-échange de l'AELE, qui regroupe à l'époque la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein ainsi que les actuels membres de l'UE, l'Autriche, la Finlande et la Suède.
C'est en 1995 qu'elle rejoint le service juridique de l'UE, où elle connaît une ascension fulgurante. Dès lors, elle participe à toutes les négociations les plus houleuses, de la révision des traités européens au Brexit. En 2019, elle devient cheffe du service juridique du Conseil de l'UE et, en 2022, sa secrétaire générale, la première femme à occuper ce poste. Il n'est pas possible de monter plus haut dans l'échelle de la carrière européenne.
Mais elle n'a pas perdu de vue la Suisse durant toutes ces années à Bruxelles. La Genevoise garde toujours un œil sur les dossiers de notre pays. Elle vit la fin des négociations sur l'accord-cadre institutionnel en 2021 comme une «rupture de confiance». Dans une interview à la Tribune de Genève en 2023, elle a confié que sa binationalité et ses origines genevoises lui permettaient de comprendre le point de vue de la Suisse, ses sensibilités et ses modes de fonctionnement.
Mais cela ne veut pas dire qu'elle défend la Suisse à Bruxelles. Au contraire: cela l'amène à mieux expliquer aux Suisses dans quelle mesure certaines de leurs exigences sont irréalistes.
En ce qui concerne la conclusion d'un nouvel accord, elle souligne que la Suisse est certes un partenaire important pour Bruxelles, mais qu'à l'inverse, l'importance de l'UE pour la Suisse est bien plus grande.
C'est également dans l'intérêt de toutes les parties concernées, «en particulier dans la période géopolitique difficile que nous traversons», a déclaré la fonctionnaire européenne.