Emmanuel Macron peut se montrer particulièrement sévère. Il suffit de penser à ce jeune qui l'a salué d'un «Ça va, Manu ?» désinvolte en marge d'une cérémonie de commémoration de la Résistance en juin 2018. Le président français a immédiatement remis le malpoli à sa place; il exige qu'on l'appelle «Monsieur» ou «Monsieur le Président de la République».
Mais Emmanuel Macron peut aussi se montrer très chaleureux. C'est ce que l'on a pu constater lors de sa visite d'Etat en Suisse, lorsqu'il a chanté les louanges de l'amitié franco-suisse. Les quelques questions litigieuses dans la coopération transfrontalière semblent avoir été en grande partie résolues.
Plus réjouissant encore: Macron a fait l'éloge de la «nouvelle dynamique» qui s'est développée dans les discussions entre la Suisse et Bruxelles.
Il y a deux ans et demi, le Conseil fédéral a unilatéralement interrompu les discussions sur un accord-cadre. Aujourd'hui, Paris semble satisfait de la récente décision du Conseil fédéral d'élaborer un nouveau mandat de négociation. Il incombe désormais au gouvernement de trouver une nouvelle procédure susceptible de recueillir une majorité sur le plan de la politique intérieure.
La montée en puissance de l'UDC lors des dernières élections ne facilite pas les choses. En réponse à une question de journaliste à ce sujet, Macron s'est adressé au peuple suisse:
Cette phrase peut laisser transparaître une certaine arrogance de la part de Macron. Mais le cœur du message du président était clair lors de ses trois apparitions publiques en Suisse: devant le Conseil fédéral dans la salle des pas perdus, lors d'une conférence de presse et devant des étudiants de l'université de Lausanne.
Macron a souligné à plusieurs reprises qu'il était urgemment nécessaire de développer des réponses européennes communes, notamment dans le contexte de l'agression russe contre l'Ukraine. Et la Suisse, même si elle ne fait pas partie de l'UE, se trouve incontestablement au cœur de ce continent.
En écoutant le président français, il est clair que l'adoption des sanctions de l'UE contre la Russie joue un rôle important dans la perception extérieure de la Suisse. En même temps, le président français a demandé à la Suisse de déployer des efforts supplémentaires – la pression ne s'est donc pas relâchée.
La gestion et la mise en œuvre des sanctions est un sujet politique qui fait l'objet de nombreux débats, mais il est évident que la Suisse ne peut pas espérer passer inaperçue. Si ses sanctions sont trop faibles, elle en paiera le prix au niveau de la politique étrangère.
Deuxièmement, la solidarité de la Suisse avec l'Ukraine a aussi son importance. La conférence sur la reconstruction organisée l'année dernière à Lugano par le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a été un signal fort.
Selon Emmanuel Macron, il est également clair que Kiev aura besoin de beaucoup plus d'argent à l'avenir, et il attend de la riche Suisse qu'elle apporte sa contribution. Une politique financière clairvoyante doit garder cela en tête, même en période où les questions d'économies et de lutte pour la répartition occupent le devant de la scène.
Et troisièmement, Macron a souligné à plusieurs reprises que l'Europe doit pouvoir se défendre elle-même sur le plan militaire. Le président sera en exercice jusqu'en mai 2027, et il anticipe sans doute un éventuel retour de Donald Trump au pouvoir et la réduction drastique du soutien des Etats-Unis à Kiev.
L'intégration de l'armée suisse dans un dispositif de défense européen est particulièrement controversée dans notre pays. Pas seulement chez l'UDC; cette perspective soulève aussi beaucoup de questions chez les Socialistes et les Verts, qui se montrent habituellement pro-européen.
Depuis la fin de la Guerre Froide, l'Europe occidentale et centrale a connu trois décennies largement pacifiques, et il était facile d'ignorer un fait important que les crises multiples actuelles mettent en évidence: la Suisse est européenne, que nous voulions le reconnaître ou non.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci