Le concierge d'un palace genevois raconte les caprices de ses clients
A l’origine, Raphaël Mathon-Goupil voulait devenir vétérinaire. Finalement, ce sont les clients d’un palace cinq étoiles qu'il soigne au quotidien. A 36 ans, celui qui se décrit comme un «caméléon» est chef concierge du Beau-Rivage, l’un des plus anciens hôtels de Genève.
C’est entre les murs de cet établissement qu’est morte en 1898 l’impératrice d’Autriche Elisabeth, dite «Sissi», après un attentat. Ici aussi ont séjourné Kofi Annan, le Dalaï-Lama, Roger Moore ou encore Angelina Jolie. Voilà pour les noms rendus publics.
Car la règle d’or au Beau-Rivage, c'est la discrétion, comme insiste Raphaël Mathon-Goupil, élégant dans son costume bleu et sa cravate:
Il ne donne aucun nom, mais nous ouvre une fenêtre sur un monde où (presque) tout est possible.
Une mission bijouterie dans les Grisons
Dernier exemple en date: une Américaine en séjour avec son fils voulait se rendre à Saint-Moritz en hélicoptère. Mais à cause de la météo, le vol n’était possible que le dimanche. Problème: le véritable but du voyage était de visiter une bijouterie du village grison, fermée ce jour-là pour le commun des mortels.
Pas de quoi arrêter Raphaël Mathon-Goupil, président de la section genevoise de l’association internationale des concierges «Clefs d’or». Grâce à ses contacts, la bijouterie a ouvret ses portes et la cliente a craqué pour une bague à presque six chiffres. La facture d'hélicoptère? 9550 francs. Quant au bilan écologique du vol, ce n’est pas son affaire:
Ainsi a-t-il refusé de fournir de la cocaïne à un Russe de 21 ans, ou d’organiser la venue d’une prostituée pour un client mineur.
La plupart du temps, le jeune concierge trouve une solution. Pour une icône de la mode américaine, il a géré jusqu’à huit groupes Whatsapp en parallèle avec ses assistants à Paris et New York, afin de coordonner séances de sport, coiffeur et maquillage, et de garantir à Genève le même niveau de service qu'à la maison.
Une vie de sacrifices pour la clientèle
Né dans l’ouest de la France, fils d’un professeur de golf, Raphaël Mathon-Goupil a grandi au contact de familles aisées. Après des études vétérinaires avortées, puis un détour par l’architecture d’intérieur, il s’oriente vers l’hôtellerie et fait ses débuts à Courchevel. Père de deux jeunes enfants, il travaille à Genève depuis onze ans.
Le revers de la médaille? Une disponibilité permanente qui pèse sur la vie de famille. Mais il assume:
Six kilos perdus en trois semaines
La mésaventure la plus éprouvante? Une confusion entre deux valises bleues: l’une devait rester à l’hôtel, l’autre partir pour Riyad. C’est la mauvaise qui a été expédiée, contenant des montres que le client n’avait pas déclarées. Résultat: blocage à la douane saoudienne.
Pendant trois semaines, Raphaël Mathon-Goupil multiplie les appels nocturnes et active ses contacts jusque dans les hautes sphères politiques pour débloquer la situation. «J’ai perdu six kilos», raconte-t-il en riant.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder