Les hôtels de luxe genevois sont «très inquiets»: ils racontent
Une baignoire ronde en marbre trône au milieu de la pièce. Les miroirs sur les murs vont jusqu'au plafond. Il y a également une douche spacieuse derrière des vitres et un hammam.
Nous sommes au 18e étage de l'Intercontinental de Genève, dans la salle de bains de la «Residence Suite». Le coût de la nuitée s'y élève à 25 000 francs suisses. C'est ici que l'ancien président américain Joe Biden a pris sa douche lors d'un sommet avec Vladimir Poutine en 2021.
Un mot d'encouragement qui résonne encore
A gauche: sa chambre avec vue sur le Léman. A droite: une salle de sport avec vélo de course et banc de musculation. Biden, qui voulait faire du sport le matin, a laissé un mot dans le livre d'or à l'attention du directeur de l'époque:
De la confiance, Genève en a aujourd'hui bien besoin. L'arrivée au pouvoir de Donald Trump a sonné la fin du multilatéralisme au profit d'une vision bien plus étroite. Voilà qui frappe de plein fouet la plus internationale des villes suisses. Surtout que d'autres pays réduisent, eux aussi, les budgets des organisations internationales.
Environ 3000 emplois ont déjà été supprimés à l'ONU, à la Croix-Rouge et dans d'autres organisations genevoises. Des milliers d'autres sont menacés. Certaines entités envisagent même de déménager pour économiser. La Turquie ou les Etats arabes font par ailleurs concurrence à Genève lorsqu'il s'agit d'accueillir des réunions de crise internationale.
Jusqu'à 40% de pertes
Adrien Genier, directeur de Genève Tourisme, admet:
Il sait pertinemment que l'hôtellerie fait également partie de cet écosystème. Aucune autre ville du pays ne compte une telle densité d'hébergements de luxe, dans lesquels descendent principalement des délégations de haut rang. Les employés «plus modestes» de l'ONU préfèrent quant à eux les trois et quatre étoiles.
Le «choc Trump» se répercute déjà sur la fréquentation. Contrairement à Kloten et Bâle, le nombre de passagers à l'aéroport de Genève a légèrement reculé au cours des huit premiers mois de l'année. Et la clientèle des hôtels qui relève de la «Genève internationale» représente un cinquième des nuitées dans la cité de Calvin.
Adrien Genier constate pour sa part une baisse de 15 à 20%. Il se dit «très inquiet» pour la suite. Selon une enquête de l'association touristique, les hôtels situés autour des bâtiments de l'ONU s'attendent à des pertes de 30 à 40% l'année prochaine.
Des inquiétudes, mais pas de fatalisme
L'Intercontinental, l'établissement le plus connu du quartier, se situe en face des ambassades de Corée du Sud, du Koweït et de Croatie. Les salons du hall d'entrée accueillent une clientèle mélangée; des diplomates aux touristes en passant par les femmes d'affaires, ces trois groupes contribuant chacun à parts égales au chiffre d'affaires. Pour le directeur des lieux, Daniel Arbenz:
Le problème actuel réside à ses yeux dans les grandes incertitudes du monde actuel. Il reste néanmoins optimiste et poursuit:
S'il se dit confiant, c'est parce que son chiffre d'affaires n'a pas vraiment évolué jusqu'à présent. Des événements ponctuels comme l'Euro féminin ont favorablement impacté ses affaires. L'hôtel a par ailleurs été très sollicité sur le plan diplomatique. Il a accueilli les négociations douanières entre la Suisse et les Etats-Unis et les discussions sur le nucléaire entre les ministres européens des Affaires étrangères et l'Iran.
Reste maintenant à savoir si Donald Trump viendra y séjourner, donnant à l'Intercontinental un coup de pouce similaire à celui du sommet Biden-Poutine d'après la pandémie.
Un sommet Trump-Poutine bienvenu
«Nous accueillerions évidemment aussi Donald Trump», assure le directeur Daniel Arbenz. Lorsque le président français Emmanuel Macron a récemment proposé Genève comme lieu de sommet, l'hôtel s'est immédiatement mis à plancher sur la question. Son directeur insiste: la Confédération doit continuer à s'engager en faveur de Genève en tant que lieu de la diplomatie internationale. Et Adrien Genier d'ajouter:
Tous deux se félicitent donc que le Conseil fédéral ait demandé au Parlement un paquet de 269 millions de francs pour soutenir la Genève internationale jusqu'en 2029. Le National a donné suite à cette demande à la mi-septembre.
Des remises à neuf un peu partout
Pendant ce temps, les hôtels investissent massivement pour préparer à l'avenir. Rien que dans le segment du luxe, six d'entre eux sont actuellement en rénovation, pour un montant estimé à plus de 700 millions de francs. C'est notamment le cas du Beau-Rivage, un 5 étoiles de la promenade du lac avec vue sur le Jet d'eau.
Quand on entre dans son hall, un atrium avec des colonnes en marbre, une réception et un bar attenants, rien ne laisse présager des travaux. Il faut ouvrir une porte sur la droite (ce qui est bien sûr interdit à la clientèle) pour se retrouver au milieu du chantier. Dans les anciennes salles de banquet et de conférence, des bâches en plastique sont suspendues au plafond, le sol est recouvert de poussière et de débris de maçonnerie.
Objectif: attirer davantage de touristes
Ces espaces seront agrandis pour accueillir le restaurant et la terrasse. Le sol doit être abaissé d'environ 1,20 mètre à certains endroits. Par ailleurs, la création d'un nouvel espace spa a démarré au rez-de-chaussée.
Le but: élargir l'offre pour les touristes, explique le directeur, Robert Herr. Car le tourisme d'affaires n'est jamais complètement revenu à son niveau pré-Covid-19. A l'inverse, les touristes viennent indépendamment de la situation de la «Genève internationale», estime Herr, qui accueille notamment des délégations d'Afrique et du Moyen-Orient.
Certains de ses collègues poursuivent une stratégie similaire. A la tête du Métropole, Raphaël Wiedemann souligne:
Selon la Ville, ce cinq étoiles en mains publiques subit actuellement une cure de jouvence intérieure chiffrée à 45 millions. De quoi notamment permettre d'agrandir les chambres, qui passeront de 127 à 102 après les travaux. Cela devrait plaire aux touristes, qui passent plus de temps dans leur chambre que les hommes d'affaires.
De son côté, l'Intercontinental souhaite attirer davantage de Suisses, en plus des Chinois et Indiens. Daniel Arbenz. concède:
En effet, la proportion de la clientèle helvétique à Genève est plus faible que dans n'importe quelle autre ville du pays, même si elle est passée de moins de 20% à 25% depuis la pandémie. En temps de crise, même Genève la cosmopolite lorgne donc sur la clientèle locale. Au moins un peu.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)
