On aimerait pouvoir regarder dans sa tête. Actuellement, le designer en chef de Google développe le téléphone portable Pixel 11, qui devrait être commercialisé dans deux ans, et conçoit déjà le Pixel 12, qui devrait être présenté dans trois ans. Que peuvent faire ces appareils? A quoi ressemblent-ils? Il ne dit rien à ce sujet, il n'a pas le droit.
Si nous ne pouvons pas voir dans sa tête, Claude Zellweger nous laisse regarder dans la valise qu'il a ramenée de la Silicon Valley. Il y a transporté les Pixel 9 de cette année dans toutes leurs variantes. Les smartphones sont maintenant soigneusement alignés sur la table. Nous sommes début juillet, et il faudra encore attendre six semaines avant que les appareils ne soient présentés au public. Il est strictement interdit de prendre des photos.
Le Suisse Claude Zellweger, cheveux courts noirs, t-shirt noir, pantalon noir, baskets noires, est depuis 2017 le directeur créatif de Google. Il a grandi à Lucerne et vit à San Francisco depuis 2000. Il y a d'abord fait une école d'art, avant de créer son propre studio, de devenir chef du design chez HTC puis de faire le saut chez Google.
Ses visions guident le développement des appareils Google, cet homme de 52 ans est responsable du design du groupe. La visière qui se trouve au dos des téléphones Pixel en fait partie. Alors que chez Apple et Samsung, des lentilles de caméra individuelles dépassent du boîtier, chez Google, elles se trouvent toutes derrière une seule et même vitre.
Pourquoi? Pour se distinguer des autres? Est-ce simplement pour se démarquer? «Non», répond Zellweger.
En outre, des études internes auraient montré que la barre horizontale ainsi créée permet de tenir le téléphone portable en main de manière particulièrement sûre.
Sur les nouveaux modèles de la série Pixel 9, la visière ne se fond plus sans transition dans le côté du boîtier. La raison? Il est ainsi possible d'ouvrir l'appareil pour effectuer des réparations non seulement à l'avant, mais aussi à l'arrière. Comme chacun sait, la durabilité et la recyclabilité sont des éléments importants toujours plus importants, et il va de soi qu'ils sont également pris en compte dans le design d'un téléphone portable. Pour la nouvelle forme de la visière, Zellweger s'est inspiré de la barre du moteur de recherche - un rectangle allongé aux bords arrondis.
Forme et fonction - il s'agit toujours des deux. C'est ce qui fait un bon design industriel. Prenons l'exemple de l'éplucheur. En 1947, le Davosien Alfred Neweczerzal l'a inventé, soi-disant parce que l'épluchage des pommes de terre à l'armée était trop pénible pour lui. «Fantastiquement fait», s'enthousiasme Zellweger. «Réduite, ergonomique et facile à fabriquer». Jusqu'à aujourd'hui, ni la forme ni la fonction n'ont changé. Et c'est pourquoi on le trouve dans toutes les anthologies du design suisse.
Le design du téléphone portable de Zellweger n'aura sans doute pas la durée de vie d'un éplucheur. Comme les composants électroniques deviennent de plus en plus petits et que de nouvelles fonctions sont ajoutées, le design doit en permanence s'adapter. Depuis quelques années, il est par exemple possible de plier les écrans.
Avec le Pixel Fold, Google propose un smartphone qui peut se déplier pour devenir une tablette. L'appareil acquiert donc une nouvelle forme en même temps qu'une nouvelle fonction.
Les téléphones portables pliables sont encore une rareté dans notre pays. Il en va autrement en Corée. Zellweger imagine qu'à l'avenir, les appareils pliables s'imposeront dans le monde entier.
Et comment les smartphones évoluent-ils par ailleurs?
Pense-t-il en ce moment au Pixel 11 ou au Pixel 12? Nous aimerions bien le savoir. Zellweger se dit convaincu que l'intelligence artificielle (IA) fera évoluer le téléphone portable, mais ne le remplacera pas.
Les «pins IA» développés par la start-up Humane, que l'on peut accrocher à la poche de son gilet comme un oeil et une oreille numériques, ne devraient donc pas inaugurer une nouvelle catégorie d'appareils. «Nous vivons dans un monde fortement marqué par les images», explique Zellweger. Il faut un écran.
Et qu'en est-il des lunettes qui projettent le contenu directement dans le champ de vision de l'utilisateur? Il y a plus de 10 ans, les Google «Glass» ont été lancées sur le marché et c'est exactement ce qu'elles ont tenté de faire. A l'époque, les futurologues avaient prédit:
Entre-temps, les «Glass» de Google sont profondément enterrées dans le cimetière de la technologie - et le téléphone portable est toujours à portée de main.
Zellweger a également travaillé - d'abord pour HTC, puis pour Google - sur des cyberlunettes qui donnent accès à la réalité virtuelle (VR). «Nous commençons seulement à sortir de l'hiver de la VR», confie Zellweger. Peu de gens auraient cru que celui-ci serait aussi long et difficile. La raison:
Même si Apple a développé l'année dernière des cyberlunettes coûteuses, le téléphone portable ne disparaîtra pas de sitôt. Mais comment va-t-il évoluer? Pour cela, Zellweger devrait pouvoir se projeter non pas 2 ou 3 ans dans l'avenir, mais 20 ou 30 ans. Si nous avons encore des téléphones portables dans notre poche et s'ils ont une visière au dos, alors nous devrions absolument faire entrer Claude Zellweger dans le canon du design suisse. Son téléphone portable serait alors l'éplucheur du 21e siècle.
Traduit et adapté par Chiara Lecca