«C’est une forteresse, pas un bunker, comme on a pu le lire dans certains médias», précise d’emblée Damian Zingg, directeur du musée Sasso San Gottardo, après un accueil chaleureux.
Nous sommes un dimanche matin de juillet, et nous nous trouvons à l’intérieur du massif du Gothard, à 2100 mètres d’altitude. Depuis Airolo, un car postal nous a conduits via de nombreuses épingles jusqu’au col. La montée par la Tremola est splendide et, avec le brouillard, l’atmosphère prend des allures mystiques. Malgré la saison, la température n’atteint que 10°C ce jour-là.
Ces jours-ci, Zingg héberge dans les galeries de la forteresse neuf jeunes venus des Etats-Unis, du Brésil, du Portugal, du Danemark, du Royaume-Uni et d’Allemagne. Ils participent à la cinquième mission d’Asclepios.
Lancé à l’EPFL et financé par des sponsors et partenaires, ce programme simule, dans l’ancienne forteresse du Gothard, une mission lunaire dans des conditions aussi réalistes que possible. Les neuf étudiants vivent en équipes de trois, jusqu’à 19 jours en quasi-isolement total et sans lumière du jour.
Ils dorment sur de simples couchettes et se nourrissent de fruits secs, de barres de céréales et de plats lyophilisés. Ils apprécient particulièrement les macaronis au fromage, les pâtes bolognaises et les fajitas au poulet.
Pendant leur séjour «sur la Lune», les jeunes astronautes ont effectué des réparations et des travaux de maintenance sur leur station spatiale, et mené des expériences scientifiques. Leur seul contact était l’équipe du Mission Control Center, également composée d’étudiants.
Pour résister aux défis physiques et psychologiques, ils se sont préparés durant des mois, avec des exercices d’ensevelissement dans la neige pour simuler un sauvetage en avalanche, de la plongée sous glace ou encore une formation de pompiers. En somme, un entraînement varié et exigeant.
Ella Ganzer fait partie des neuf sélectionnés pour cette mission. Etudiante en aéronautique et astronautique à l’Université technique de Munich, elle a été retenue, comme ses coéquipiers, au terme d’une procédure en plusieurs étapes, face à 200 candidats.
Viser une carrière d’astronaute? Ella Ganzer répond:
Sa prudence s’explique, car seuls environ 50 Européens sont allés dans l’espace à ce jour. Claude Nicollier, mentor du programme Asclepios, reste l’unique Suisse dans ce cas.
Chaque membre de l’équipage de neuf astronautes avait une mission spécifique. Ella Ganzer était responsable du service médical, rôle pour lequel sa formation de secouriste qualifiée, suivie en parallèle à ses études, lui a été utile.
La jeune femme a réponse à toutes les questions, y compris sur l’importance de la coopération spatiale en période de tensions internationales:
Deux semaines et demie se sont écoulées depuis cette déclaration. Et les neuf astronautes sont tous revenus sains et saufs sur «Terre».
Pour la première fois, la mission a simulé le voyage aller et retour vers la Lune. L’équipe d'Ella Ganzer a passé une journée pour rejoindre la station, puis deux jours pour en revenir, soit 24 et 48 heures confinés dans un petit espace, un défi psychologique. Leur séjour lunaire a duré huit jours. Un autre groupe a passé 17 jours sur la station.
Mais quelle a été la plus grande difficulté pour Ella Ganzer?
Le processus de sélection et la participation à la mission en valaient la peine, assure-t-elle:
Elle a mené une expérience sur les microalgues, observant chaque jour leur croissance dans l’atmosphère simulée de la station. D’autres travaux concernaient la technique, la psychologie ou le droit. L’équipage a également testé différents filtres à air et un gant de combinaison spatiale, et rempli de nombreux questionnaires pour des études psychologiques.
En conclusion de cette cinquième mission lunaire, les neuf astronautes ont descendu à pied le Gothard jusqu’à Airolo. Quelques jours plus tard, après avoir rangé et participé à une fête de clôture, chacun est reparti de son côté. Ella Ganzer a pris le train pour Munich:
Peu de temps pour souffler, car les examens l’attendent déjà à l’université. Sur Terre, la vie continue, même après quelques jours passés sur la Lune.
Traduit de l'allemand par Joel Espi