Suisse
Guerre contre l'Ukraine

La Russie de plus en plus agressive envers la Suisse

La présidente de la Confédération Viola Amherd et le président ukrainien Volodymyr Zelensky ont parlé d'une conférence de paix à Kehrsatz, dans le canton de Berne, le 15 janvier 2024.
Le 15 janvier 2024, Viola Amherd et Volodymyr Zelensky ont lancé le projet d'une conférence de paix.Image: KEYSTONE POOL

La Russie est de plus en plus agressive envers la Suisse

La Suisse a convié 160 pays à la conférence sur la paix qui se tiendra au Bürgenstock. La Russie ne figure pas sur la liste des invités. Poutine en profite pour s'en plaindre et critiquer la Suisse. Berne devra y faire face jusqu'à la rencontre.
03.05.2024, 19:0203.05.2024, 19:02
Othmar von Matt / ch media
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Maria Zakharova aime faire dans le pathos. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères conclut souvent ses déclarations ainsi: «Les objectifs de l'opération militaire spéciale sont pleinement atteints.»

Depuis le 10 avril, elle s'exprime avec toujours plus d'agressivité à l'égard de la Suisse. Ce jour-là, la présidente de la Confédération, Viola Amherd, et le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, ont confirmé l'organisation – à la demande du président ukrainien Volodymyr Zelensky – d'une conférence internationale sur la paix.

Maria Zakharova est une journaliste et diplomate russe, née le 24 décembre 1975 à Moscou. Elle est la directrice de l'information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères et, de ...
Maria Zakharova.Image: www.imago-images.de

Le lendemain, la porte-parole a déclaré que la Suisse n'était «pas digne de confiance». Et huit jours plus tard, le 19 avril, le bashing a atteint de nouveaux sommets. «La Suisse ne nous convient tout simplement pas», a tranché le supérieur de Zakharova, le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov, dans une interview à Sputnik et Radio Moscou. «La Suisse est passée d'un état neutre à un état ouvertement hostile».

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En outre, on sait, depuis jeudi, que les chefs d'Etat et de gouvernement de 160 pays ont été conviés, mais pas la Russie. Du moins pas «à l'heure actuelle», peut-on lire sur le site du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). On y apprend que Berne a toujours fait preuve d'ouverture envers le Kremlin. «La Russie a toutefois laissé entendre à plusieurs reprises – y compris publiquement – qu'elle n'était pas intéressée par une participation à cette première conférence».

Dans sa réponse, le DFAE garde toutefois la porte ouverte: «La Suisse est convaincue que la Russie doit être impliquée dans ce processus». «La paix est impensable sans la Russie».

Les bons offices: le défi majeur

Le régime de Poutine devrait malgré tout en profiter pour intensifier ses attaques verbales ou sur la toile. Le Conseil fédéral s'attend à une escalade, l'Office fédéral de la cybersécurité, le Service de renseignement et l'Office fédéral de la protection de la population s'y préparent ensemble. Une chose est sûre: avec la «conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine», comme elle s'appelle officiellement, la Suisse se retrouve prise entre deux feux.

Elle a certes une grande expérience des manœuvres diplomatiques délicates. C'est ainsi qu'en 1985, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, à la tête des Etats-Unis et de l'ex-Union soviétique, se sont rencontrés à Genève. Et en 2021, huit mois avant l'attaque de la Russie contre l'Ukraine, il y a eu un sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine.

Les relations entre la Russie et la Suisse sont restées bonnes: le 16 juin 2021, le président fédéral Guy Parmelin (deuxième à droite) et le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis (à droite)  ...
Le 16 juin 2021, le président de la Confédération Guy Parmelin (deuxième à droite) et le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis (à droite) ont reçu le président russe Vladimir Poutine (deuxième à gauche) et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.Image: EPA/Spoutnik/Kremlin

La conférence du Bürgenstock est toutefois d'un autre calibre. Elle représente sans doute le plus grand défi des 20e et 21e siècles en matière de bons offices. D'un côté, la Russie – hors de l'événement – , puissance nucléaire et dotée du droit de veto à l'ONU. Elle mène une guerre d'agression contre l'Ukraine et lutte contre une prétendue domination occidentale. De l'autre côté, l'Ukraine défend son territoire. A cela s'ajoutent la Chine et les Etats-Unis.

Les 4 critiques de Moscou

Ces dernières semaines, Moscou n'a cessé d'adresser des reproches à Berne:

  1. Neutralité perdue: le ministère des Affaires étrangères russe a critiqué la Suisse l'accusant de ne plus être neutre en raison de sa «solidarité sans restriction» avec le «régime de Kiev». La Suisse affirme, de son côté, que la Russie mène une guerre d'agression qui viole le droit international et viole les principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies et de l'Acte final d'Helsinki.
  2. Sanctions: le ministre des Affaires étrangères Lavrov a critiqué la Suisse pour avoir «adhéré à toutes les sanctions occidentales sans exception». Il s’agit, cependant, d’une demi-vérité: la Suisse a adhéré aux sanctions de l’ONU et – à quelques exceptions près – a celles de l’UE, mais pas aux sanctions américaines.
  3. Système de sécurité: Lavrov a également abordé la stratégie de politique étrangère du Conseil fédéral pour 2024 à 2027, que le Parlement examinera au cours de la session d'été. Il critique le fait que cela oblige le pays à construire «un partenariat de sécurité non pas avec la Russie, mais contre elle».
    Lavrov fait probablement référence à la section de la stratégie intitulée «Rupture de la Russie avec l'Occident», qui qualifie la Russie de menace pour la démocratie, la liberté et la sécurité en Europe. En réponse à cette «délimitation forcée» imposée par Moscou, le gouvernement suisse conclut que «la réponse de l'Occident doit nécessairement mettre l'accent sur la sécurité avant et non avec la Russie».
  4. Formule Zelensky: Le ministère russe des Affaires étrangères accuse la Suisse de baser la conférence de paix uniquement sur la formule en dix points du président Zelensky. L’objectif est, selon Maria Zakharova, de constituer une coalition anti-russe – «par la tromperie, la fraude et la manipulation». «Il est vrai que tous les Etats présents à la conférence organisée par la Suisse peuvent apporter leurs idées et leurs idées pour une paix juste et durable en Ukraine», déclare le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi.
Sergueï Lavrov.
Sergueï Lavrov.Keystone

Les problèmes devraient s'enchaîner

Les premières conséquences de ce mécontentement russe se sont déjà fait sentir. Poutine prévoit de retirer de Genève les discussions sur le Caucase du Sud et de les transférer dans un autre pays. C'est ce qu'a annoncé mi-avril la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova.

Et à en croire Volodymyr Zelensky, les problèmes devraient s'enchaîner. Pour lui, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, Poutine cherche à perturber complètement la conférence du Bürgenstock. Il a déclaré, le 24 avril, devant des diplomates de différentes ambassades:

«Nous disposons d'informations précises – des données concrètes – selon lesquelles la Russie ne veut pas seulement perturber l'événement, mais qu'elle a également un plan pour réduire le nombre de pays participants.»

Zelensky a fait savoir que Kiev communiquerait ces plans «au niveau des diplomates et au niveau des services de renseignement». Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) devrait donc déjà en savoir plus.

Un communiqué de presse ukrainien qui dérange

Ce communiqué de presse alarmiste de la présidence dérange. «Le premier sommet mondial se tiendra selon la formule de paix ukrainienne proposée par Volodymyr Zelensky», peut-on lire. «Elle se compose de dix points, chacun d'entre eux étant traité par un groupe de travail distinct».

Le bureau présidentiel ukrainien suggère ainsi exactement ce que la Russie critique, et que la Suisse conteste. Berne ne doit donc pas seulement faire face aux agressions de la Russie, mais aussi aux appropriations du sommet du rendez-vous par l'Ukraine.

Alors comment la Confédération appréhende-t-elle les défis de communication des prochains mois?

«De notre point de vue, il est en principe plus important d'informer les médias et la population à temps, activement et régulièrement, plutôt que de courir derrière les rumeurs, la propagande ou la désinformation pour essayer de les corriger.»
André Simonazzi, porte-parole du gouvernement

La prévention et la capacité de la population à démêler le vrai du faux sont «les plus importantes». Mais si nécessaire, la Confédération entrera activement en lutte contre la désinformation.

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

L'Ukraine a eu la peau du «char tortue» russe
Video: watson
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