Maria Zakharova aime faire dans le pathos. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères conclut souvent ses déclarations ainsi: «Les objectifs de l'opération militaire spéciale sont pleinement atteints.»
Depuis le 10 avril, elle s'exprime avec toujours plus d'agressivité à l'égard de la Suisse. Ce jour-là, la présidente de la Confédération, Viola Amherd, et le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, ont confirmé l'organisation – à la demande du président ukrainien Volodymyr Zelensky – d'une conférence internationale sur la paix.
Le lendemain, la porte-parole a déclaré que la Suisse n'était «pas digne de confiance». Et huit jours plus tard, le 19 avril, le bashing a atteint de nouveaux sommets. «La Suisse ne nous convient tout simplement pas», a tranché le supérieur de Zakharova, le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov, dans une interview à Sputnik et Radio Moscou. «La Suisse est passée d'un état neutre à un état ouvertement hostile».
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En outre, on sait, depuis jeudi, que les chefs d'Etat et de gouvernement de 160 pays ont été conviés, mais pas la Russie. Du moins pas «à l'heure actuelle», peut-on lire sur le site du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE). On y apprend que Berne a toujours fait preuve d'ouverture envers le Kremlin. «La Russie a toutefois laissé entendre à plusieurs reprises – y compris publiquement – qu'elle n'était pas intéressée par une participation à cette première conférence».
Dans sa réponse, le DFAE garde toutefois la porte ouverte: «La Suisse est convaincue que la Russie doit être impliquée dans ce processus». «La paix est impensable sans la Russie».
Le régime de Poutine devrait malgré tout en profiter pour intensifier ses attaques verbales ou sur la toile. Le Conseil fédéral s'attend à une escalade, l'Office fédéral de la cybersécurité, le Service de renseignement et l'Office fédéral de la protection de la population s'y préparent ensemble. Une chose est sûre: avec la «conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine», comme elle s'appelle officiellement, la Suisse se retrouve prise entre deux feux.
Elle a certes une grande expérience des manœuvres diplomatiques délicates. C'est ainsi qu'en 1985, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, à la tête des Etats-Unis et de l'ex-Union soviétique, se sont rencontrés à Genève. Et en 2021, huit mois avant l'attaque de la Russie contre l'Ukraine, il y a eu un sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine.
La conférence du Bürgenstock est toutefois d'un autre calibre. Elle représente sans doute le plus grand défi des 20e et 21e siècles en matière de bons offices. D'un côté, la Russie – hors de l'événement – , puissance nucléaire et dotée du droit de veto à l'ONU. Elle mène une guerre d'agression contre l'Ukraine et lutte contre une prétendue domination occidentale. De l'autre côté, l'Ukraine défend son territoire. A cela s'ajoutent la Chine et les Etats-Unis.
Ces dernières semaines, Moscou n'a cessé d'adresser des reproches à Berne:
Les premières conséquences de ce mécontentement russe se sont déjà fait sentir. Poutine prévoit de retirer de Genève les discussions sur le Caucase du Sud et de les transférer dans un autre pays. C'est ce qu'a annoncé mi-avril la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova.
Et à en croire Volodymyr Zelensky, les problèmes devraient s'enchaîner. Pour lui, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, Poutine cherche à perturber complètement la conférence du Bürgenstock. Il a déclaré, le 24 avril, devant des diplomates de différentes ambassades:
Zelensky a fait savoir que Kiev communiquerait ces plans «au niveau des diplomates et au niveau des services de renseignement». Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) devrait donc déjà en savoir plus.
Ce communiqué de presse alarmiste de la présidence dérange. «Le premier sommet mondial se tiendra selon la formule de paix ukrainienne proposée par Volodymyr Zelensky», peut-on lire. «Elle se compose de dix points, chacun d'entre eux étant traité par un groupe de travail distinct».
Le bureau présidentiel ukrainien suggère ainsi exactement ce que la Russie critique, et que la Suisse conteste. Berne ne doit donc pas seulement faire face aux agressions de la Russie, mais aussi aux appropriations du sommet du rendez-vous par l'Ukraine.
Alors comment la Confédération appréhende-t-elle les défis de communication des prochains mois?
La prévention et la capacité de la population à démêler le vrai du faux sont «les plus importantes». Mais si nécessaire, la Confédération entrera activement en lutte contre la désinformation.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)