Parmi les armes que peuvent (doivent?) dégainer les exportateurs mondiaux, face aux nouveaux droits de douane brandis par le président américain Donald Trump, la plus radicale a déjà été choisie par certaines entreprises étrangères: fermer sèchement le robinet.
En clair, plus aucun nouveau produit ne se déploiera sur le territoire américain avant de savoir à quel tarif les fabricants seront bouffés. Parmi les premiers à avoir tiré le frein à main, on retrouve le fleuron de l’automobile anglaise, devenu une filiale du groupe indien Tata Motors: Jaguar Land Rover.
Dans leur communication, un certain agacement, puisqu’ils ont bien précisé que «nos marques de luxe ont un attrait mondial et nos priorités sont désormais de répondre aux besoins de nos clients du monde entier».
Lundi, c’était au tour de Volkswagen de retenir tous ses modèles Audi dans les ports américains, «en raison des droits de douane de 25% nouvellement imposés sur les automobiles», selon un porte-parole. Ce dernier précise néanmoins que le constructeur allemand dispose encore «d'environ 37 000 véhicules, soit environ deux mois de ventes».
Cette tendance ne touche bien sûr pas que les voitures, puisque certains fabricants de jouets ont fait de même, à l’image de la société Basic Fun, basée en Floride, qui a interrompu les expéditions de «tous les jouets fabriqués en Chine»: «C'est une chose d'essayer d'absorber ou de répercuter 10 à 20%, mais atteindre 54 à 104%, c'est impossible», a expliqué son directeur général au New York Post.
La Chine, qui a immédiatement riposté en brandissant des taxes douanières de 34%, s’est ramassé une nouvelle dose de 50% de la main lourde de Donald Trump.
Les entreprises suisses, elles, craignent évidemment le pire. Contacté par watson en fin de semaine passée, Philippe Bardet, directeur de l'Interprofession du Gruyère AOP, nous disait qu’il «y a des estimations qui disent que le prix du Gruyère pourrait augmenter de 50%». En revanche, il n’est pour l’heure pas question de bloquer des meules dans les ports avant d’en savoir un peu plus.
Or, selon le New York Post, des marques horlogères suisses auraient déjà décidé de stopper l’exportation de leurs modèles aux Etats-Unis. Ce serait notamment le cas pour Rolex, Breitling et Audemars Piguet. Pour affirmer cela, le média américain se base sur les dires d’Erik Boneta, fondateur de Boneta Inc., spécialisé dans l'achat et la vente de montres de luxe de seconde main à New York.
Les trois marques horlogères citées dans l’article du New York Post ont néanmoins été contactées par watson mardi. Si le «Press and Public Relations» de Rolex nous a répondu sans répondre, déclarant «ne pas avoir de commentaire à faire sur le sujet», Audemars Piguet n’a pas non plus confirmé l’information, mais nous a précisé que:
Une discrétion courante dans le milieu. La semaine dernière, Swatch n’avait pas non plus de «commentaire» à nous offrir, en réaction aux taxes douanières annoncées par Donald Trump.
Mardi, un expert de l’horlogerie nous a glissé au bout du fil que si les petites structures ont envoyé des pièces en grande vitesse vers les Etats-Unis, «les grandes marques suisses n’ont rien expédié et peu de commandes ont été confirmées par les détaillants depuis les nouveaux droits de douanes».
Quoi qu’il en soit, l’industrie craint le pire. Oliver Müller, fondateur de LuxeConsul, nous disait à ce sujet que c’est «une très mauvaise nouvelle pour la branche» et que «si l'on vend moins aux Etats-Unis, nous aurions moins de commandes et donc moins d'emplois en Suisse. Au final, l'économie suisse en pâtit».
Le pays de l’Oncle Sam est un marché important pour le «Swiss made» qui s’affiche au poignet. En 2024, les exportations aux Etats-Unis représentaient 16,8% des ventes et 4,37 milliards de francs suisses.