La pénurie de l'offre continue de dominer le marché suisse du logement. Alors que la demande est au plus haut et que l'activité de construction stagne, les zones à bâtir se font de plus en plus rares. En effet, la Loi sur l'aménagement du territoire, approuvée en 2013, a entraîné un gel des surfaces utilisables à l'échelle nationale.
Résultat: la construction de nouveaux logements converge vers l'intérieur du milieu bâti et nécessite de plus en plus souvent la démolition d'immeubles préexistants. Il s'agit fréquemment de maisons individuelles qui doivent faire place à de nouveaux projets de construction plus denses, explique Raiffeisen dans une étude diffusée ce jeudi.
La banque souligne que ce phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur, une situation qui se reflète dans les chiffres. En effet, le nombre de bâtiments résidentiels démolis a fortement augmenté ces dernières années, passant d'environ 2500 en 2010 à plus de 3200 en 2022, année record.
Ainsi, pour 100 nouveaux logements neufs construits, près de 15 ont dû être démolis. Cette situation concerne tout particulièrement les centres urbains. Dans les cinq plus grandes villes du pays (Zurich, Genève, Bâle, Lausanne, Berne), on compte même 31 logements détruits pour 100 logements construits. Dans les communes rurales, ce rapport n'atteint que de 8%.
On peut se demander si cette approche, rendue «inévitable» par le contexte global, se révèle également fructueuse. C'est effectivement le cas, assure Raiffeisen:
En moyenne, quatre logements sont construits à partir d'un logement démoli. Là encore, d'importantes différences subsistent en fonction du type de commune.
Dans les régions rurales et touristiques, un projet de construction neuve de remplacement n'entraîne en moyenne qu'un gain net de deux logements. A l'inverse, dans les communes urbaines et les centres, une démolition produit, en moyenne, six ou sept logements. Dans les cinq villes les plus peuplées du pays, ce chiffre peut atteindre 20 biens par immeuble. Pourtant, Raiffeisen souligne que d’importantes fluctuations peuvent intervenir selon les années.
Pour ces raisons, et compte tenu du contexte global, la construction neuve de remplacement est «un outil très efficace pour créer des logements», estime Raiffeisen. Cette méthode est même qualifiée de «moteur principal de la création d’espace résidentiel dans les zones urbanisées».
Malgré ces avantages, la démolition-reconstruction implique également des conséquences «controversées», nuancent les acteurs de l'étude. Elle pose, en particulier, d’importants défis sociaux et environnementaux.
En effet, de tels projets détruisent un nombre important de logements, surtout dans les villes. «La perte de l’ancien bâti et de son énergie grise est très critiquable sur le plan environnemental», commente la banque. Ce terme désigne l’énergie utilisée pour la fabrication, le transport ou l’élimination des matériaux de construction, ainsi que pour la construction elle-même.
En outre, les logements démolis sont généralement plus abordables par rapport à ceux qui les remplacent. Ces derniers sont plus modernes, répondent aux besoins actuels et aux prescriptions réglementaires, mais sont également plus chers.
«Malgré les critiques, la construction neuve de remplacement est souvent la seule solution pour lutter contre la pénurie de logements sans aggraver l’étalement urbain», conclut Fredy Hasenmaile, chef économiste de Raiffeisen Suisse. «Pour que cette solution reste acceptée par la société, il faut aussi veiller davantage à sa compatibilité sociale et écologique».