Les banquiers centraux comme Thomas Jordan, à la tête de la Banque nationale suisse, ne veulent certes pas encore crier victoire sur l'inflation, mais pour des banques comme Raiffeisen, il est clair que ce n'est plus qu'une question de mois. C'est pourquoi elles anticipent les effets de cette victoire. C'est le retour d'un phénomène: acheter est moins cher que louer, en même temps, les maisons individuelles sont plus que jamais un privilège.
Pendant des décennies, l'inverse était normal: acheter était plus cher que louer. Pour réaliser leur rêve, les propriétaires devaient dépenser plus que les locataires et payer très cher leur rêve de propriété. Mais à partir de 2008, nous sommes entrés dans une période de taux d'intérêt bas et super bas. De plus, la prime à l'accession à la propriété a disparu. Acheter est devenu plus avantageux que louer, beaucoup plus avantageux.
Pendant longtemps, cela a ressemblé à une anomalie, à un état d'exception qui devait disparaître. Comment le logement en propriété pouvait-il être moins cher, alors qu'il est généralement préféré à la location? C'était le beurre et l'argent du beurre réunis. Mais cette exception est restée la règle pendant une bonne quinzaine d'années – jusqu'à ce que le retournement des taux d'intérêt arrive en 2022.
Les banques centrales du monde entier ont augmenté leurs taux directeurs à une vitesse record afin de maîtriser l'inflation croissante. Les taux d'intérêt hypothécaires ont parfois doublé et, avec eux, le coût du logement si l'on avait le malheur de devoir renouveler son hypothèque au milieu de ce revirement des taux. Acheter était à nouveau plus cher que louer, la normalité était rétablie.
Pour les locataires, cela a pu être une petite consolation: pas de logement en propriété, mais au moins de l'argent économisé. Mais cette consolation va bientôt disparaître.
Si la BNS baisse effectivement ses taux directeurs au second semestre, comme le prévoit Raiffeisen, cette prime à la propriété disparaîtra. Acheter sera à nouveau moins cher que louer. Comme le dit une étude de Raiffeisen:
D'ici la fin de l'année, l'inflation sera définitivement jugulée, estime-t-on chez Raiffeisen. La BNS pourrait abaisser ses taux directeurs à partir du milieu de l'année. Ensuite, les taux d'intérêt pour les hypothèques se stabiliseraient à un niveau moyen. Ils seront certes sensiblement plus élevés que ceux de la décennie précédant le changement de taux de 2022, il n'y aura pas de retour aux taux ultra-bas de l'époque, mais les taux d'intérêt resteront à un «niveau nettement plus bas qu'aujourd'hui».
Pour les coûts du logement, cela signifie que l'achat sera environ 10 à 20% moins cher que la location. C'est moins que lorsque les taux d'intérêt étaient très bas, mais c'est encore beaucoup. D'autant plus qu'auparavant, c'était l'inverse, l'achat d'un logement était même plus cher. De 1970 à 2000, la prime à l'accession à la propriété s'élevait en moyenne à 20%.
Mais beaucoup ne bénéficient pas du nouvel avantage financier que représente la maison individuelle. Comme le dit l'étude:
Le fait que la location sera bientôt à nouveau plus chère que l'achat, cela tient aussi au marché de la location lui-même et à une évolution que Fredy Hasenmaile, économiste en chef de Raiffeisen, décrit ainsi:
En effet, les permis de construire ont chuté à leur niveau le plus bas depuis 20 ans. Ce recul intervient justement à un moment où la demande de logements est particulièrement élevée.
Cela se traduit par un marché du travail en plein essor, qui attire plus de personnes que jamais en Suisse. Pour 2023, les statistiques montreront probablement au final une immigration nette qui se situera autour de 100 000 personnes. C'est plus que l'année record de 2008, et c'est plus que la moyenne des cinq années précédant 2023 - presque deux fois plus.
L'offre et la demande battent donc des records. Il en résulte une pénurie de logements qui s'est fortement accrue ces derniers temps. En été 2022, plus de 70 000 logements à louer étaient proposés sur Internet - fin 2023, il n'y en avait plus que 35 000. En un an et demi, l'offre a donc diminué de moitié. Selon Raiffeisen, la baisse va se poursuivre.
En revanche, les loyers auxquels les nouveaux logements sont proposés sont en hausse. L'année dernière, ces loyers ont augmenté de 4,7%. La seule fois où les loyers ont augmenté encore plus vite au cours des 20 dernières années, c’est en 2008 – «l’année du précédent record d’immigration».
Acheter revient moins cher que louer et ça a également des conséquences sur les prix de l'immobilier. Actuellement, le marché se trouve encore dans une phase de transition selon Raiffeisen: on s'attend à ce que les taux directeurs baissent bientôt à nouveau, mais ce n'est pas encore le cas.
Durant cette phase, les prix continuent d'augmenter, mais moins qu'auparavant et sans doute un peu moins que ne le montrent les statistiques. En effet, de nombreuses personnes souhaitant vendre n'ont pas trouvé d'acheteurs au prix qu'elles souhaitaient. Ils ne voulaient pas céder, mais les acheteurs non plus. Et c'est ainsi que les ventes ont été beaucoup moins nombreuses qu'un an auparavant – un quart de moins. Les statistiques ne tiennent pas compte de ces transactions qui ont échoué.
Cette phase de transition prendra fin lorsque les taux directeurs baisseront réellement et que l'achat sera à nouveau moins cher que la location. La propriété du logement sera alors à nouveau plus chère, écrit Raiffeisen. Cependant, les choses ne seront plus comme à l’époque des taux d’intérêt extrêmement bas: les prix augmentent plus lentement qu’à l’époque. Car le cercle des acheteurs potentiels est «désormais très limité».
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)