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«Il y a des boulons qui pètent»: le rail CFF romand est fatigué

Olivier Français s'exprime au sujet du nouvel horaire CFF et du futur du rail romand.
Il faut investir dans l'infrastructure du rail romand au plus vite, estime le président de OuestRail Olivier Français. (ici: des ouvriers réparant le «trou de Tolochenaz») keystone (montage watson)

«Il y a des boulons qui pètent»: le rail romand manque d'argent

Le conseiller aux Etats vaudois et président de OuestRail, Olivier Français, revient sur le nouvel horaire CFF. Pour lui, le vrai enjeu se situe au niveau du manque d'infrastructure en Romandie. Et il faudrait investir maintenant pour éviter une catastrophe future. Interview.
13.05.2023, 16:2613.05.2023, 17:08
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L'horaire 2025 des CFF a provoqué de nombreuses réactions en Suisse romande: les pendulaires, mais aussi les villes et les élus n'apprécient que peu ce qui est vu comme une péjoration du réseau pour la partie occidentale du pays.

Pour Olivier Français, le président de l'association OuestRail, qui défend les intérêts du transport ferroviaire en Romandie, il faut déjà voir au-delà de cet horaire établi et anticiper les aménagements du futur.

Olivier Français
Conseiller aux Etats PLR vaudois depuis 2015, ce Lausannois d'origine domicilié aux Diablerets siège à Berne depuis son élection au Conseil national, en 2007. Sur les questions d'infrastructure et de mobilité, il est notamment président du Conseil d'administration du Tunnel du Grand-saint-Bernard, des Transports publics du Chablais et président de OuestRail. Il quittera le Conseil des Etats après la session de septembre prochain.
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Keystone

En tant que président de OuestRail, quel est votre avis sur ce nouvel horaire?
Olivier Français:
Il présente la solution qui garantit la fluidité du trafic tant pour les CFF que pour les usagers et le trafic de marchandises. On est tout de même parti d'un projet initial qui n'était pas du tout acceptable, en mars 2022. Les sept conseillers d'Etat des cantons romands et les CFF, ainsi que le secrétaire général de notre association, Yannick Parvex, ont travaillé d'arrache-pied pour trouver la moins mauvaise des solutions.

Les usagers de l'Arc jurassien sont tout de même très déçus, vous ne pouvez pas le nier?
Je l'admets, il n'y a pas beaucoup de gagnants. Mais le compromis assure pour le Pied du Jura qu'il y ait, le matin et le soir, trois trains pour les pendulaires vers Genève, la plupart d'entre eux se rendant à Lausanne.

«On ne peut pas dire qu'on n'a pas pris en compte les besoins des usagers»

Il a fallu privilégier le pendulaire, le passage des trains de marchandises et éviter une perte de l'offre. Il a aussi fallu s’assurer une certaine souplesse dans l’exploitation pour assurer l’offre de demain sur un réseau bien saturé et limiter les discontinuités.

Les usagers ne sont pas les seuls à s'être plaints. Les villes également, et des élus...
C'est un château de cartes complexe, il y a eu un équilibre à trouver. Il y a un retard sur l’entretien du réseau et il faut faire des travaux, mais cela provoque des retards sur l’horaire posant des problèmes de correspondance pour l’usager. Cela devait être résolu.

«Il y a un besoin absolu d’assurer la sécurisation de l’infrastructure»

L'important, c'est que les parcours soient garantis selon l’horaire malgré une limitation de l'offre. Et puis, c'est sûr qu'il y a de nombreux travaux à mettre en œuvre rapidement, comme celui de la gare de Lausanne. Il faut «tourner le bouton» sur l'ambiance bonne humeur et les réaliser avec les différentes parties.

Lausanne n'est-elle pas privilégiée par rapport au reste de la Romandie?
Je pense que non. Si on a entendu la réaction de certains clients mécontents parce qu'il y a plus de changements, d'autres sont impactés par le temps de parcours en augmentation. De Lausanne à Viège, c'est 8 minutes de trajets en plus. Vers Genève ou Berne, c'est 3 minutes en plus. Le noeud de Renens prend de l'importance, mais c'est pour s'assurer du rebroussement de certaines lignes.

«On devrait s'en réjouir, d'ailleurs: la nouvelle gare de Renens est magnifique et bien dimensionnée et sera adaptée à ce nouveau rôle»

L'EPFL pourra en profiter et bientôt la RTS qui va s'implanter sur son campus.

Le rail en Suisse romande est 25% plus âgé qu'en Suisse alémanique. Rail 2000 favorise les trajets entre Berne et Zurich. A cause de ces infrastructures moins efficientes, l'horaire est adapté en conséquence. Pour la Romandie, c'est double-peine, non?
Oui, et je le dénonce depuis des années. Cela fait depuis le début des années 2000 qu'il y a une diminution de l'entretien en Suisse en général, mais en Suisse romande en particulier. L'arrivée d'Andreas Meyer (réd: le patron des CFF entre 2007 et 2020) n'avait pas amélioré les choses. Pourquoi l'Office fédéral des transports n'a-t-il pas été attentif au bon entretien du réseau? Il n'y a pas eu de plan de mesure pour accélérer le service de l'entretien. Et à l'époque de sa conception, le rail faisait passer beaucoup moins de trains, il était bien moins sollicité. Du coup, les infrastructures s'épuisent plus vite.

«A Lussy, à côté de Romont, il y a des boulons qui pètent parce que le rail est fatigué»

Est-ce que la Suisse romande est condamnée à un retard ferroviaire pour dix ans?
Ce qu'il ne faudrait pas, c'est qu'on donne l'impression aux Suisses alémaniques que les Romands se plaignent tout le temps. Les projets doivent être développés en concertation avec la Suisse orientale, la région entre Saint-Gall et Zurich, pour que l'offre soit équilibrée en terme de vitesse commerciale. En Suisse romande et orientale, elle se situe entre 90 et 95km/h et entre Berne et Zurich, à 175 km/h!

Que faut-il faire?

«Investir»

Chaque minute de perdue sur l'exploitation, c'est 10 millions de frais par année. Et cela, c'est à cause du temps de parcours réduit causé par des infrastructures vieillissantes. Il faut créer de nouvelles lignes, pas de petits bouts de voies. Et aussi pour garantir la redondance, avoir une solution de rechange. Entre Lausanne et Genève, il n'y en a pas. On l'a vu avec l'affaire du trou de Tolochenaz, qui a impacté toute la ligne. La nouvelle ligne souterraine prévue entre Morges et Allaman, il faut la faire! Tout comme celle de la Broye, qui prévoit une nouvelle ligne entre Lausanne et Berne passant par Romont via Vauderens.

Les montants engagés pour cela sont pourtant énormes et les CFF disent déjà avoir des problèmes financiers.
Cette discussion ne date pas d'hier. En 2007, j'ai proposé la «Croix fédérale de la mobilité» (réd: un plan directeur destiné à faire évoluer le réseau ferroviaire suisse jusqu'en 2035), mais il faudrait que 20 à 40 milliards soient débloqués pour financer ce projet.

«Il ne faut pas avoir peur du montant»

Prenez le tunnel du Gothard ou du Lötschberg: ils ont mis vingt ans à être construits et ont coûté plus de 20 milliards! On ne s'imaginerait pourtant pas le réseau ferroviaire suisse sans ces tunnels, aujourd'hui...

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source: sda / alex belles
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