Prenez votre bol de popcorn, cette histoire est rocambolesque. Une somme de 45 200 francs a été dérobée dans les bureaux de poste de Meilen (ZH). Les autorités ont tendu un piège pour coincer le scélérat. On vous la raconte en cinq actes.
Une femme du district de Meilen va chercher deux lettres recommandées à la poste. Elle s'attend à y trouver une coquette somme: 30 000 francs au total. Mais lorsqu'elle ouvre les enveloppes, stupeur, elles sont vides.
Ni une ni deux, la femme porte plainte pour vol. La police déduit qu'un facteur pourrait être l'auteur du vol. Des enquêteurs internes de la Poste interviennent. Ceux-ci passent au crible les processus de travail et les tableaux de service du bureau de poste afin de limiter le cercle des suspects.
En l'espace de quelques semaines, d'autres vols ont lieu, comme le rapporte le Zürichsee-Zeitung: 11 210 francs disparaissent d'une autre lettre, suivis de 4200 francs d'une troisième enveloppe. Un schéma se dessine.
Pour démasquer le coupable, les enquêteurs mettent au point une méthode ingénieuse: ils glissent 3000 francs – et du nitrate d'argent – dans une enveloppe. Cette substance chimique laisse des taches sombres sur la peau.
Le piège est désormais tendu. Mais le suspect est prudent. Il n'ouvre pas la lettre. Il la trie juste – et la place sous une caisse.
Une personne de confiance observe la scène. Plus tard, elle décrit son comportement à la police comme «tellement bizarre».
Deux semaines plus tard, la police fait une nouvelle tentative avec une lettre piégée. Cette fois-ci, le suspect ouvre l'enveloppe, mais laisse l'argent liquide à l'intérieur. Apparemment, il comprend que l'envoi est un piège. Mais il est trop tard.
Les guichets sont fermés. La police contrôle les trois employés de la succursale. Deux d'entre eux ne présentent rien de bizarre. Mais le directeur adjoint de la succursale présente des décolorations sombres sur le pouce et l'index.
Des tests chimiques confirment les soupçons: l'homme de 29 ans a les mains tachées de nitrate d'argent. Le suspect est arrêté, suspendu de ses fonctions, puis licencié.
Le directeur adjoint de la succursale – un homme de 29 ans originaire du district de Horgen (ZH) – est interrogé. Il admet avoir ouvert la lettre par «curiosité». Il précise toutefois qu'il n'a pas volé les 43 400 francs.
Pourquoi a-t-il ouvert l'enveloppe? Il s'est «tout simplement étonné» de ce qu'elle contenait, confie le facteur. En outre, l'enveloppe aurait été «déjà à moitié ouverte». Il l'aurait refermée sans rien voler.
Comme il se doit dans les poursuites pénales, le style de vie du suspect est passé au peigne fin dans le cadre de l'enquête – et il en dit long. Peu après la disparition de l'argent de la troisième lettre, le directeur adjoint de la succursale s'est offert des vacances à Dubaï accompagné de sa petite amie.
En l'espace de cinq jours, le couple y a dépensé environ 7600 francs. Ils ont loué une Lamborghini pour 1000 francs, un yacht pour 1500 francs et ont fait un vol en hélicoptère pour environ 600 francs. Et ce, malgré un modeste salaire mensuel net de 4200 francs.
Dans l'intervalle, quelques jours après avoir volé les deux premières enveloppes contenant 30 000 francs en liquide, l'accusé a acheté une Rolex Submariner pour 13 600 francs
Mais le jeune homme de 29 ans oppose une autre version aux autorités, il explique que la montre a été achetée avec les gains du casino en ligne et l'argent de son anniversaire. Concernant le voyage à Dubaï, il aurait été payé par sa petite amie. Bien sûr, aucune preuve n'est venue étayer ces affirmations.
Le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone rend sa décision: les déclarations du suspect ne sont pas crédibles. Le tribunal qualifie les explications du facteur d'«excuses». «Selon les statistiques de probabilité généralement connues, les chances de perdre sont considérablement plus grandes que les chances de gagner aux jeux de casino», peut-on lire dans le jugement.
Le juge constate chez le prévenu «une énergie criminelle non négligeable, motivée par l'appât du gain». Grâce à son stratagème, le jeune homme de 29 ans a augmenté ses revenus de 41 000 francs, soit près de 75% de son salaire annuel.
Le tribunal le condamne pour vol par métier et violation du secret postal à une peine privative de liberté de douze mois avec sursis ainsi qu'à une peine pécuniaire de 40 jours-amendes à 200 francs. Il doit en outre rembourser les 41 000 francs. La totalité du magot ne lui sera pas demandée, il est d'ores et déjà acquitté de l'accusation de vol des derniers 4200 francs.
Le mystère est ainsi résolu – ou presque. Le jugement n'est pas encore définitif. L'employé incriminé a fait appel.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci