Suisse
laïcité

Prédication ou conférence? Une réunion à l'Unige pose question

Des etudiantes sortent du batiment de l'UNI Mail Universite de Geneve, ce jeudi 18 mars 2004. (KEYSTONE/Martial Trezzini)
Uni Mail, Genève, archives.Image: KEYSTONE

Prédication ou conférence? Une réunion à l'Uni de Genève pose question

Ce mercredi 23 octobre à l'Université de Genève, un étudiant de l'Université islamique de Médine invité par une association étudiante musulmane fait une présentation d'une sourate du Coran. Est-on encore dans le cadre laïque prévu par la loi genevoise?
23.10.2024, 19:0524.10.2024, 09:50
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Comme toute institution publique genevoise, l’Université de Genève (Unige) est tenue de respecter la loi cantonale sur la laïcité, qui prohibe la pratique religieuse dans les entreprises publiques. C’est ainsi qu’en mai 2022, l’Unige avait réitéré son refus des prières musulmanes dans l’enceinte universitaire. Dès lors, comment appréhender la réunion prévue ce mercredi soir dans une salle d’Uni-Mail mise à la disposition de l’Association musulmane des étudiants de Genève (AMEUG), une structure reconnue par l’Unige depuis 2019?

S’agit-il d’une prédication religieuse ou d’une conférence académique? Ou de quelque chose mêlant les deux registres?

Sur ses réseaux sociaux, l’AMEUG invite à «découvrir les secrets de la sourate al-Zalzalah avec le frère Sofiane (prénom modifié par watson), étudiant en sciences islamiques à Médine». La sourate al-Zalzalah, La Secousse, en français, porte le numéro 99 dans le livre saint musulman.

Ce que dit la sourate La Secousse:

«Quand la terre tremblera d’un violent tremblement, et que la terre fera sortir ses fardeaux, et que l’homme dira: "Qu’a-t-elle?", ce jour-là, elle contera son histoire, selon ce que ton Seigneur lui aura révélé [ordonné]. Ce jour-là, les gens sortiront séparément pour que leur soient montrées leurs œuvres. Quiconque fait un bien, fût-ce du poids d’un atome, le verra, et quiconque fait un mal, fût-ce du poids d’un atome, le verra.»
La sourate La Secousse

Jointe par e-mail, l’association AMEUG indique à watson:

«Notre événement, organisé dans un cadre universitaire, aborde un thème théologique et sera animé par un intervenant ayant complété son parcours académique à l’Université de Genève»
L'association AMEUG

Pour ce connaisseur de l’islam, converti à la religion musulmane et s’exprimant ici à titre anonyme:

«La manière dont est présenté cet événement qui se veut une exégèse coranique, montre qu’on ne se situe pas dans une conférence de type académique, mais davantage dans quelque chose d’apologétique. Le frère en question va sans doute présenter des éléments sur la résurrection en lien avec cette sourate, qui a une dimension eschatologique, touchant, en d'autres termes, à la fin du monde. On est dans un discours religieux classique.»
Un connaisseur de l'islam

Longtemps, l’Université islamique de Médine, en Arabie Saoudite, a été le lieu de formation des théologiens et prêcheurs salafistes, ou wahhabites, ayant autrement dit une approche littérale du Coran et de la tradition prophétique. Cette université n’avait pas bonne réputation auprès des gouvernements occidentaux, qui y voyaient un foyer de radicalisation doctrinaire préjudiciable à l’intégration des musulmans dans les sociétés non-musulmanes.

Notre source anonyme ajoute:

«Il y a environ quatre ans, le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, qui entend multiplier les échanges avec l’Occident, a souhaité apporter des changements dans l’enseignement religieux diffusé dans les écoles saoudiennes comme à l’Université islamique de Médine. A-t-il réussi à imposer l’ensemble de ses vues modernisatrices à cette université, qui jouissait d'une grande autonomie dans le royaume? Je ne pourrai le dire.»
Une source anonyme

La personne conviée ce mercredi soir par l’association AMEUG, est présentée comme un étudiant «à la faculté de da’wah de l’Université de Médine». La «da’wah», qui signifie «prédication», est une invitation à écouter le message de l'islam. Selon Florence Bergeaud-Blackler, auteure du livre «Le Frérisme et ses réseaux: l’enquête» (éditions Odile Jacob):

«Les étudiants étrangers formés à Médine se voient parfois payer leurs études par l’Université islamique elle-même. Ils ont alors pour mission d’aller prêcher ce qu’ils ont appris dans les pays d’origine, la Suisse, la France ou l’Allemagne, s’ils viennent de ces pays»
Florence Bergeaud-Blackler

Avec la présentation d’une sourate du Coran par un étudiant formé à la prédication religieuse, est-on toujours dans le cadre laïque s’appliquant à l’Université de Genève comme à toute entreprise publique genevoise?

Nous avons posé cette question au service de presse de l’Unige. Celui-ci n’y a pas répondu directement. Il écrit en revanche:

«Cette réunion a fait l’objet d’une demande de réservation de la part de l’Association musulmane des étudiant-es de l’Université de Genève (Unige), qui a été validée par l’Unige. L’AMEUG est une association étudiante reconnue par l’institution. Ouverte à tous les étudiant-es, elle propose des rencontres et échanges, en mettant en avant les valeurs d’éthiques religieuses et le respect interconfessionnel. L'événement organisé mercredi soir par l'AMEUG relève de l'initiative de cette association étudiante, et ne reflète pas la position officielle de l'Université.»
Le service de presse de l'Unige

Deux autres associations, chrétienne et juive

Le service de presse ajoute:

«Parmi les associations reconnues par l’Unige, on trouve par exemple le Groupe biblique des étudiants de l’Unige ou l’Association de la culture judaïque des étudiant.e.x.s de l’Université de Genève, dont les évènements peuvent [se situer dans un périmètre d'activité semblable à celui de l'AMEUG], un périmètre d'activité qui ne peut cependant en aucun cas être d’ordre cultuel.»
Le service de presse de l'Unige
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Video: watson
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