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Voici ce que la Suisse doit taxer pour freiner la hausse des primes

La hausse des primes en Suisse peut être évitée avec une astuce japonaise.
Karin Perraudin plaide pour un renforcement de la prévention, un peu comme au Japon. Ce serait la clé pour éviter la crise du système de santé suisse.Image: watson
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La hausse des primes en Suisse peut être évitée avec une astuce japonaise

En Suisse, trop peu d’argent est investi dans la prévention santé, alors que les comportements à risque pèsent sur le système. Le Japon, lui, a trouvé une méthode simple et efficace. Karin Perraudin, présidente du Groupe Mutuel, veut s’en inspirer – et propose un financement inattendu.
13.07.2025, 07:1513.07.2025, 07:15
Karin Perraudin
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Le dicton populaire l'affirme: «Mieux vaut prévenir que guérir.» Une sagesse ancestrale que chacun s'accorde à reconnaître. Cependant, sommes-nous réellement prêts à l'appliquer à notre système de santé et, surtout, à en assumer le coût? Car la prévention a un prix. Et c'est là que la discussion s'anime: l'enthousiasme pour le principe s'évapore souvent dès qu'il est question de financement.

La prévention ne se résume pas à des campagnes d'affichage marketing ou de belles paroles. Elle implique un changement profond des comportements, souvent bien ancrés (pour quiconque a tenté un «Dry January», vous savez à quel point changer une habitude peut être ardu!). C'est un défi de taille qui exige du temps, un investissement humain conséquent et une coordination sans faille entre tous les acteurs: médecins, assureurs, patients, autorités. Organiser une telle transformation demande des ressources, notamment financières.

Pourtant, l'urgence est manifeste. Les coûts de la santé de demain se construisent aujourd'hui, souvent insidieusement, au travers de nos habitudes quotidiennes. Le tabac, la sédentarité, le surmenage, la malnutrition, l'alcool: ces «habitudes» ne sont pas des concepts abstraits, mais les principales responsables de l'augmentation de nos primes d'assurance et de la fragilisation de notre système de santé. Plus besoin d'études pour le démontrer, les faits sont là.

La difficulté réside dans le fait que ces comportements sont intimement liés à chacun de nos actes individuels. Nous sommes donc toutes et tous concernés. Cette responsabilité ne doit cependant pas se limiter à l'individu; elle est également sociétale.

Que faire alors?

La prise de conscience individuelle est fondamentale. Plus elle intervient tôt, meilleurs sont les résultats. La jeunesse est notre avenir, et il est impératif de la protéger. Il convient de favoriser les comportements sains dès le plus jeune âge, notamment en matière d'alimentation, d'activité physique et de santé mentale.

La prévention peut se manifester par des gestes simples, comme choisir une pomme plutôt qu'un Mars ou se rendre à l'école à vélo plutôt qu'en voiture lorsque c'est possible. Imaginez les bénéfices: moins d'émissions de CO2, une meilleure forme physique, et le plaisir de faire la course entre amis. Un véritable «gagnant-gagnant»! Utiliser le jeu ou les challenges pour y parvenir est une opportunité, par exemple avec le challenge Bike To School.

Au sein des écoles, tout doit être mis en œuvre pour sensibiliser les enfants à leur santé. Si les bonnes habitudes sont ancrées tôt, elles ont davantage de chances de perdurer, devenant aussi naturelles que la respiration.

Pour les adultes, une prévention ciblée est essentielle afin d’identifier les comportements et les personnes à risque. Communiquer, accompagner, conseiller, orienter ou coordonner les soins est capital dès que le risque a été identifié.

En tant qu'assureurs, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités et à accompagner nos assurés. Ces derniers n’ont jamais porté autant de capteurs qui mesurent leur «performance santé», grâce à leur smartphone ou à leur montre connectée. Ces informations peuvent servir à mieux prévenir la personne sur un comportement à risque. Il est nécessaire de sensibiliser, d'accompagner et d'encourager les bonnes pratiques de l'ensemble de la population, mais de manière pertinente.

Dans ce but, le deuxième paquet de mesures récemment voté par le Parlement permettra de diffuser de l’information et d’offrir un accompagnement ciblé en fonction de l’état de santé de l’assuré. C’est un pas dans la bonne direction, mais soyons clairs: ce ne sera pas suffisant. La (bonne) santé et la prévention doivent être une préoccupation majeure de l'Etat.

Le Japon, un modèle à suivre?

Prenons l'exemple du Japon qui est cité dans un intéressant article du Dr. Philippe D. Monnier paru dans l'Agefi. Dans ce pays, la quasi-totalité des adultes se soumet annuellement à un examen médical d'une journée entière, généralement aux frais de leurs employeurs (environ 500 francs). Concrètement, le processus est bien rodé: arrivée matinale dans une clinique spécialisée, remise d'une série d'échantillons et d'un long formulaire informatisé. Ensuite, toutes les quinze minutes, le patient passe par un examen différent. Tous les organes clés sont auscultés.

Le Japon, pionnier de l'efficience industrielle, utilise ce contrôle pour maximiser l'utilisation des outils disponibles et accorde une attention toute particulière au contrôle des coûts. Naturellement, toutes les données médicales sont stockées numériquement.

Bien sûr, les cultures, les comportements et l'approche de la médecine ne sont pas directement comparables entre nos pays. Cependant, si nous pouvions nous en inspirer, même modestement, nous en serions certainement toutes et tous gagnants à moyen terme. Imaginez une Suisse où chaque citoyen effectuerait son «check-up» annuel comme l'on vérifie sa voiture avant les vacances. Moins de pannes, plus de kilomètres de vie en pleine forme!

Beaucoup à faire, mais peu de moyens... Comment financer tout ça?

Aujourd'hui, les chiffres sont éloquents: seuls 4,80 francs par an et par assuré sont alloués à la prévention via l'organisme Promotion Santé Suisse. Certes, les investissements globaux dans la prévention sont conséquents, mais ils ne représentent que deux milliards sur les 100 milliards que coûte la santé chaque année en Suisse.

Seul 2% des coûts sont donc destinés à la prévention. C'est clairement insuffisant et ne permettra en aucun cas de freiner la hausse des coûts de la santé des prochaines années. Au vu des primes d'assurance-maladie déjà élevées payées par la population, il est impossible d'exiger des efforts supplémentaires des citoyens pour financer la prévention. Il est donc impératif de trouver de nouvelles sources de financement pour l'intensifier. Même si ma nature est plutôt libérale, je suis aussi pragmatique et réaliste:

«Ces nouvelles sources de financement devront (aussi) provenir de nouvelles taxes. Au-delà des taxes, c'est surtout l'allocation de l'argent récolté qui doit être utilisée de manière pertinente et adéquate.»

Comme évoqué précédemment, nous connaissons les principaux facteurs néfastes pour la santé. Ces «pollueurs» doivent donc également participer à l'effort de prévention. Que ce soit pour une taxe sur les boissons sucrées, l’allocation des taxes sur le tabac ou l’alcool, nous avons le devoir d’aborder ces sujets pour une Suisse en meilleure santé.

En tant que Valaisanne et habitante du canton possédant la plus grande surface viticole, je ne suis certainement pas la mieux placée pour promouvoir une taxe sur l'alcool. Et mon verre de Fendant me regarde déjà avec suspicion😊! Mais même si le sujet est sensible, l'on pourrait envisager qu'une part des recettes fiscales liées à l'alcool soit également redirigée vers la santé.

Alors oui, taxer n'est ni très populaire, ni en parfaite adéquation avec mes convictions. Cependant, ma première valeur est la responsabilité, et il serait irresponsable de ne rien faire et de ne rien proposer pour faire progresser la prévention dans notre système de santé.

Finalement, une population en meilleure santé, c'est une Suisse plus forte, plus productive, et dotée d'un système de santé qui peut enfin respirer un peu. Et cela, n'est-ce pas un objectif qui justifie quelques discussions musclées sur le financement?

A propos de l'autrice 👇

Karin Perraudin.
Image: dr
Karin Perraudin est…

Licenciée HEC Lausanne et titulaire d’un diplôme fédéral d’expert-comptable. En 2002, à 28 ans, elle accède au conseil d’administration de la Banque Cantonale du Valais, au sein de laquelle elle deviendra présidente de 2011 à 2013. Elle est aujourd’hui présidente du conseil d’administration du Groupe Mutuel mais également membre des conseils d’administration de fenaco et Ameropa. Au-delà de son implication dans l’économie, Karin Perraudin attache également une grande importance aux aspects sociaux en tant que présidente de la Fondation Fovahm (Fondation valaisanne en faveur des personnes handicapées mentales).

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