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Drogues: Vaud enquête sur «la hausse préoccupante du crack»

Un fumeur de crack (image d'illustration).
Un fumeur de crack (image d'illustration).Image: flick/greg scott

Vaud enquête sur «la hausse préoccupante de la consommation de crack»

Depuis plusieurs mois, le trafic de crack fait parler de lui à Genève. La crainte que la hausse de la consommation et des violences s'étende au reste de la Suisse est réelle. Un rapport concernant la situation dans tout le canton de Vaud est en préparation.
23.08.2023, 18:48
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C'est l'image qui a fait le tour des téléphones des parents vaudois depuis ce lundi matin: un toxicomane s'injecte sa dose en plein jour, au milieu de la rue alors qu'à quelques mètres, une enfant joue innocemment avec sa trottinette. Le contraste de l'image, publiée par 20 minutes, est saisissant. La scène a lieu non loin de la place de la Riponne, bien connue pour sa scène de la drogue.

L'image telle que publiée dans l'édition du 20 minutes de mardi.
L'image telle que publiée dans l'édition du 20 minutes de mardi.

Sur la photo (tout comme sur une autre publiée par Blick, mercredi), la drogue est consommée par injection. A quelques dizaines de kilomètres de là, à Genève, un sujet similaire est sur toutes les lèvres depuis quelques mois: l'explosion du crack, ce mélange à base de cocaïne inhalé ou fumé.

Deux situations différentes

Lausanne, dont la scène de la drogue est déjà âprement discutée, pourrait-elle devenir un choix de prédilection pour les dealers de crack si le «marché» devait vouloir s'exporter de Genève? Le Département de la santé et des affaires sociales (DSAS) du canton de Vaud est, par exemple, catégorique:

«L’Office du médecin cantonal constate une augmentation préoccupante de la consommation de crack depuis un peu plus d’une année»
Département de la santé et de l'action sociale, Vaud

Contacté, Frank Zobel, direct adjoint d'Addictionsuisse, nuance toutefois: l'augmentation présente à Lausanne se situe dans la moyenne nationale. Une situation comparable à Zurich, Bâle ou Berne (avec toutefois une légère augmentation à Yverdon-les-Bains). Et, pour l'instant, pas de «propagation» du phénomène, confirme la police municipale:

«La situation et le marché dans les villes de Genève et Lausanne sont séparés et ne s'influencent pas l'un l'autre»
Police municipale de Lausanne

La police municipale concède toutefois «une augmentation de la visibilité de personnes peu insérées consommant de la cocaïne dans l’espace public». Le DSAS évoque des «usagers vivant dans l'immédiateté de la consommation», «négligeant leurs besoins primaires» et dont la prise en charge est parfois difficile:

«Ils se trouvent dans un stress constant, qui les rend peu réceptifs à des mesures d'aide ou de soutien»
Département de la santé et de l'action sociale, Vaud

Dealers francophones

Une situation qui n'irait pas en s'améliorant en cas d'arrivée de crack peu cher et «prêt à l'emploi», comme à Genève: les problèmes rencontrés dans la Cité de Calvin sont dus à l'arrivée d'un nouveau «modèle» de deal: des plus petites doses peu chères (10 francs contre 20 à 30 d'habitude) et avec un haut niveau de pureté. Une nouvelle formule qui prend la ville de court.

Frank Zobel analyse le profil des dealers qui sévissent à Genève: «La plupart font partie d'un groupe d'origine sénégalaise, surnommés les "modous", qui sont arrivés après Paris ou Lyon». Il explique:

«Ce sont des francophones. Cela pourrait expliquer que Bâle, proche de la frontière française, mais où on parle Suisse-allemand, ne soit pas encore touchée par ce phénomène»
Frank Zobel, Addictionsuisse

Lausanne ne serait-elle alors pas, si le marché devait s'exporter depuis Genève, la prochaine cible? Frank Zobel n'en est pas certain: «C'est possible, mais ce n'est pas automatique», observe-t-il. «Il y a des zones spécifiques où la drogue circule plus qu'ailleurs. Parfois, c'est le crack, parfois l'héroïne, parfois la méthamphétamine.»

Vaud prend les devants

Il n'empêche. Prenant les devants, le DSAS vaudois a mandaté une étude auprès d'Unisanté. Prévue pour publication fin novembre, elle vise à faire un état des lieux de la consommation de drogue dans le canton de Vaud:

«Cette étude passera en revue la situation dans les différentes villes du canton (Lausanne, Yverdon-les-Bains, Vevey-Montreux, Morges-Nyon) et s’intéressera aux trajectoires menant à la consommation de stupéfiants»
Département de la santé et de l'action sociale, Vaud

Le DSAS a déjà pris la situation très au sérieux et a pris des mesures avec l'Office du médecin cantonal:

«Le DSAS suit la situation très attentivement et le Médecin cantonal a d’ores et été chargé de mettre en place, mi-juillet, une intervention médico-sociale au centre-ville de Lausanne en collaboration avec la municipalité. Elle consiste à faciliter l’accès aux soins, prévenir les comportements indésirables et empêcher le développement de scènes ouvertes»
Département de la santé et de l'action sociale, Vaud

Les autorités précisent que «ces mesures se déploient en ce moment et devront être encore renforcées dans l’attente de l’ouverture de l’espace de consommation Riponne». A l'automne prochain, Lausanne devrait en effet ouvrir un local de consommation située entre la place de la Riponne et celle du Tunnel. Précisément dans la zone où le toxicomane a été pris en photo.

Le DSAS précise que les résultats de l'étude seront communiqués «aux professionnels du domaine et aux communes concernées» dans le cadre d'une journée de réflexion sur le thème «espace public et addictions», le 30 novembre prochain.

Polémiques estivales

Frank Zobel note également que les polémiques liées à la prise de drogue dans des zones publiques ont tendance à avoir lieu l'été, simplement parce que les personnes toxicodépendantes et marginalisées se trouvent dehors.

«J'ai fait un tour autour de la Riponne début juillet et j'ai trouvé ça assez spectaculaire. J'ai vu trois personnes s'injecter dans l'espace public»
Frank Zobel, Addictionsuisse

Il faut dire que la thématique est cyclique, notamment dans sa capitale:

«A Lausanne, il y a une crise liée à la consommation ou au trafic de drogue tous les trois ou quatre ans»
Frank Zobel, Addictionsuisse

Pour l'heure, à Lausanne, les fumeur de crack lausannois achètent la cocaïne et la préparent eux-mêmes pour la fumer. Cela présente un avantage qui peut sembler anecdotique, mais est en fait essentiel: «Lorsqu'ils préparent leur dose eux-mêmes, il y a une petite pause, un rituel autour de la consommation», explique Frank Zobel.

«Cela leur permet de se concentrer, de passer un peu de temps autour de la préparation du produit. Si la dose est suffisante et que l'effet de manque n'est pas trop rapide, ils peuvent se détendre durant un moment»
Frank Zobel, Addictionsuisse

La ville de Genève dépassée?

À Genève, «l'hyperdisponibilité» du crack prêt à l'emploi et peu cher rend les toxicomanes beaucoup plus nerveux. Ils ont besoin de faire la manche moins longtemps pour s'acheter une dose, puis l'inhalent là où ils le peuvent, parfois dans la rue. Et l'effet ne dure pas assez longtemps pour les satisfaire.

«Ils se retrouvent dans une situation de fort manque, de surexcitation et d'épuisement en même temps. Vous êtes complètement déphasé. C'est souvent la pire situation»
Frank Zobel, Addictionsuisse

Plusieurs bagarres ont eu lieu dans et autour de la salle de consommation Quai 9, donc certaines au couteau. Frank Zobel, qui connaît l'endroit, en témoigne:

«L'ambiance y est parfois électrique»
Frank Zobel, Addictionsuisse

En conséquence, l'association responsable du local, Première ligne, leur en a interdit l'accès durant la journée, «pour permettre aux autres usagers de consommer en sécurité». Une situation que regrette la police genevoise, qui craint des débordements dans l'espace public. Le canton de Vaud fait donc bien de s'inquiéter du problème du crack avant d'être dépassé par celui-ci, à l'image de Genève.

Droguée au GHB dans un club vaudois, elle témoigne.
Video: watson
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